Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir.

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Quand Guy Turcotte a tué ses enfants, il était dépressif, suicidaire et intoxiqué au méthanol. La combinaison de ces trois facteurs a perturbé son jugement et sa logique au point de l'empêcher d'avoir pleine conscience de ses gestes.

C'est, en résumé, ce que la psychiatre Dominique Bourget a fait valoir, vendredi, au troisième jour de son témoignage au procès de Guy Turcotte, accusé du meurtre prémédité de ses deux enfants. Mme Bourget a évalué M. Turcotte en 2010, à la demande de l'avocat de ce dernier, Me Pierre Poupart. Ses observations et ses conclusions figurent dans un rapport de 29 pages qui a été remis au jury cette semaine.

Le drame est survenu le vendredi 20 février 2009, dans la maison de Piedmont que M. Turcotte, cardiologue, louait depuis moins d'un mois, soit depuis sa séparation d'avec Isabelle Gaston, urgentologue. Cette dernière était partie faire du ski avec des amies au Massif, dans Charlevoix. M. Turcotte avait la garde des enfants pour le week-end. Dans la soirée ou dans la nuit (la preuve ne révèle pas le moment exact), M. Turcotte a tué Olivier et Anne-Sophie, âgés de 5 et 3 ans, de 27 et 19 coups de couteau respectivement.

Les policiers ont trouvé les enfants dans leur lit, dans leur chambre respective, vers 11h30 le matin du 21 février. M. Turcotte était caché sous son lit, dans sa chambre. Il avait tenté de se suicider en buvant une bonne quantité de lave-glace. On a aussi trouvé deux couteaux sur les lieux.

Pour la Dre Bourget, l'état dans lequel les enfants ont été trouvés démontre le «caractère aberrant et hors nature du comportement d'un homme décrit comme un père aimant et très attentif à l'égard de ses enfants». Selon elle, M. Turcotte souffrait d'une maladie mentale majeure au moment du drame, soit un trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive. Ce «désordre psychiatrique» survient en réaction à des facteurs de stress bien identifiables, a dit la psychiatre.

Beaucoup de stress

M. Turcotte avait vécu beaucoup de stress avant l'événement: il avait réalisé que sa relation «dysfonctionnelle» avec Mme Gaston ne pouvait continuer, il avait ensuite appris qu'elle le trompait avec son entraîneur personnel (qui était aussi ami du couple), il s'était en quelque sorte «contraint» à quitter le domicile familial, et il avait estimé par la suite qu'un autre avait pris sa place dans la famille. Il était d'humeur dépressive, se sentait désespéré, dormait mal...

Le vendredi 20 février, vers 18h20, il a lu des courriels que Mme Gaston et son amoureux s'étaient échangés. Il s'est senti encore plus désespéré. Il a décidé de s'enlever la vie. Il était totalement absorbé par cette préoccupation suicidaire. C'est sur ce tableau de ruminations suicidaires qu'il passe à l'acte, a noté la psychiatre. Elle estime que rien ne permettait de présager la suite des événements. Les gestes de M. Turcotte ont été soudains et imprévisibles.

Il aurait dû consulter un professionnel de la santé mentale pour soigner son état dépressif, mais il avait une faible autocritique et avait de la difficulté à reconnaître qu'il était malade. Cela dit, même un professionnel ne serait pas arrivé à mettre en évidence un risque pour les enfants, croit la Dre Bourget. «Ça ne pouvait pas être anticipé», a-t-elle dit. M. Turcotte consultait un «coach de vie», mais un coach de vie n'a pas de formation médicale. «N'importe qui peut être coach de vie», a expliqué Mme Bourget.

Le procès se poursuit lundi, avec la suite du témoignage de Mme Bourget, qui devrait faire part de ses conclusions. Vendredi, le juge a informé le jury que le procès, qui devait durer de six à huit semaines, sera plus long que prévu.