Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir.

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Boire du méthanol pour s'enlever la vie, ce n'est pas un «numéro gagnant». Seulement 6% de ceux qui emploient ce moyen atteignent leur but, tandis que 30% des survivants restent «hypothéqués».

C'est notamment ce qu'a fait valoir Louis Léonard, expert pharmacologue qui a témoigné pour la défense, vendredi, au procès de Guy Turcotte. Ce dernier, cardiologue de profession âgé de 39 ans, est accusé du meurtre prémédité de ses deux enfants, survenu le 20 février 2009 à Piedmont, dans un contexte de séparation d'avec sa conjointe, Isabelle Gaston. Lors du drame, M. Turcotte a bu du lave-glace pour s'enlever la vie. Ce produit contient du méthanol, une substance toxique que M. Léonard a décrite vendredi comme «un alcool, un solvant qui permet de dissoudre des produits».

On ignore combien de méthanol M. Turcotte a absorbé les 20 et 21 février 2009. On a trouvé chez lui, dans une salle de bains, un bidon de lave-glace dans lequel il restait environ un cinquième du contenu, mais on ne sait pas s'il était plein quand il a commencé à en ingurgiter.

Trous de mémoire

M. Turcotte affirme avoir de grands trous de mémoire quant à cette soirée fatidique. Il n'a que des flashs. Il se voit verser des verres de lave-glace et les boire d'une traite. Il se souvient du goût.

Vendredi, M. Léonard, spécialisé en produits toxiques qui altèrent le comportement humain, a répété ce que la toxicologue judiciaire Anne-Marie Faucher avait expliqué il y a quelques semaines au sujet du méthanol. L'organisme humain transforme cette substance en formaldéhyde, puis en acide formique. C'est cette substance qui cause des ravages, voire la mort, si la personne ne reçoit pas de soins. L'intoxication par acide formique peut prendre de 1 à 72 heures après l'ingestion. Outre des troubles digestifs, l'une des séquelles peut être la cécité. Dans le cas qui nous occupe, les policiers ont trouvé Guy Turcotte chez lui vers 11h40, le 21 février. Il avait un fort taux de méthanol à son arrivée à l'hôpital, mais il s'en est totalement remis grâce aux soins qu'il a reçus. Il n'en garde que des taches qui brouillent un peu sa vision, a-t-il dit lors de son témoignage.

Vendredi, M. Léonard a parlé longuement de publications qui traitent de l'intoxication au méthanol. Le sujet est beaucoup moins documenté que l'intoxication à d'autres substances comme l'alcool éthylique, puisqu'il est impossible de conduire des études avec des volontaires. Le méthanol entraîne des effets similaires à ceux de l'alcool éthylique, mais moins puissants. M. Léonard estime que, pour obtenir l'effet d'un verre de vin, par exemple, il faut absorber de deux à trois verres de méthanol. Il a indiqué que le méthanol peut altérer le jugement et causer l'amnésie.

M. Léonard poursuivra son témoignage mardi, à Saint-Jérôme. On en sera alors à la sixième semaine du procès. Les petites victimes, Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, ont été poignardées à de multiples reprises. M. Turcotte admet leur avoir enlevé la vie, pour les emmener avec lui et qu'ils ne trouvent pas son cadavre, mais il soutient qu'il n'était pas dans son état normal quand il a commis ces terribles gestes. Son état d'esprit au moment des événements est au coeur du procès, puisqu'il faudra déterminer sa responsabilité criminelle.