Denrée rare il y a un an, les tests de dépistage rapide de la COVID-19 encombrent maintenant les coffres des gouvernements. Québec ignore comment écouler 63 millions de tests et Ottawa, 90 millions de plus, dont au moins 6,5 millions seront périmés d’ici 12 mois.

Cela alors que les écoles du Québec ont cessé de distribuer les boîtes de cinq tests, que l’on s’arrachait pourtant au début de l’hiver 2021, a appris La Presse.

Jusqu’à présent, le gouvernement du Canada a fourni plus de 680 millions de tests rapides aux provinces et aux territoires. Ces livraisons ont toutefois pris fin à la fin de janvier, puisque les provinces disposaient d’un approvisionnement suffisant pour répondre à leurs besoins.

Malgré la fin des livraisons du fédéral, Québec se trouve actuellement avec 63 millions de tests rapides dans ses entrepôts. Cette imposante réserve représente une fois et demie le nombre de tests distribués gratuitement en pharmacie depuis le début de la pandémie.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

En hiver 2021, des files se formaient aux portes des pharmacies, tant les gens s’arrachaient les tests rapides.

Le gouvernement Legault réfléchit actuellement à une stratégie pour écouler ces millions de tests en stock, a indiqué le relationniste du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Robert Maranda, sans donner plus de détails sur les solutions envisagées.

Les garder en réserve

En plus de la réserve du Québec, le gouvernement fédéral a environ 90 millions de tests en stock, dont 50 millions de tests destinés aux provinces et territoires qui seront conservés pour être prêts en cas de besoin futur.

Or, ces tests ne peuvent pas être entreposés indéfiniment. Du côté fédéral, environ 80 000 tests seront périmés d’ici 6 mois, 6,5 millions de tests supplémentaires le seront d’ici 7 à 12 mois et le reste des tests d’ici deux ans.

« Les [sociétés pharmaceutiques] s’engagent à ce que leurs tests donnent des résultats valides entre la date de commercialisation et la date de péremption. Le test peut très bien continuer à être efficace au-delà, mais Santé Canada se base sur les données fournies par les manufacturiers », explique le DGaston De Serres, épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

« Ça va être difficile, pour un gouvernement qui a des tests dont la date de péremption est dépassée, de continuer à les distribuer », ajoute le spécialiste.

Les écoles écartées

À ce jour, le Québec a distribué quelque 133 millions de tests rapides, la plupart (57 millions) ayant été distribués dans le réseau scolaire pour les élèves. Le gouvernement ne pourra toutefois pas compter à court terme sur la distribution des tests dans les écoles pour venir à bout de ses réserves.

En effet, « aucune distribution de tests rapides n’est prévue dans le réseau », a déclaré à La Presse la responsable des relations de presse au ministère de l’Éducation, Esther Chouinard. Les organismes scolaires désirant en obtenir peuvent néanmoins en faire la demande.

Les pharmaciens en discussion

L’avenir de la distribution des tests rapides gratuits en pharmacie est également incertain. Depuis décembre 2021, les Québécois âgés de 14 ans et plus peuvent se procurer une boîte de cinq tests rapides de dépistage pour la COVID-19 dans les pharmacies par période de 30 jours.

Or, cette entente entre le gouvernement et les pharmaciens prend fin le 31 mars. « Elle n’est pas renouvelée pour le moment, mais on est en discussion. On espère que ça va se régler dans le prochain mois », a indiqué à La Presse le président de l’Association des pharmaciens-propriétaires, Benoit Morin.

Selon M. Morin, les tests rapides devraient continuer d’être offerts gratuitement, au moins pour une partie de la population, soit la clientèle vulnérable à risque de complications.

Le porte-parole du MSSS, Robert Maranda, soutient qu’il n’y a pas de changement pour le moment et que la distribution des tests se poursuit. Jusqu’à présent, 42 millions de tests ont été distribués dans les pharmacies de la province.

Prudence ou mauvaise planification ?

Ces millions de tests en stock découlent probablement d’une grande précaution de la part des gouvernements, estime l’ancien président et directeur général de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, David Levine.

Ils ont peut-être calculé que la population prendrait beaucoup plus de ces boîtes de tests qu’elle n’en a pris en réalité, mais c’était très difficile à évaluer. Probablement qu’il était plus raisonnable d’acheter une plus grande quantité. Je pense que c’est une question de sécurité.

David Levine, ancien président et directeur général de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal

« Pour un politicien qui doit prendre des décisions de santé dans une situation d’incertitude et où les conséquences de l’inaction peuvent être très graves, il vaut mieux pécher par excès de prudence, quitte à ce que ça coûte plus cher, plutôt que de se faire blâmer pour ne pas en avoir assez fait », renchérit Régis Blais, professeur du département de gestion, d’évaluation et de politique de santé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Selon lui, la population et l’opposition au Parlement auraient crié beaucoup plus fort si le gouvernement n’avait pas commandé suffisamment de tests plutôt que d’en avoir trop. « Qui va se plaindre maintenant qu’on a commandé trop de tests ? Peu de gens vont monter aux barricades à ce sujet », dit-il.

En savoir plus
  • 5 milliards
    Coût des contrats conclus par Services publics et Approvisionnement Canada pour l’achat de tests de dépistage rapide au pays
    Source : Agence de la santé publique du Canada