Pendant combien de temps est-on « protégé » ou « immunisé » contre la COVID-19 après une première infection ? Cette question taraude toujours le milieu scientifique, au moment où les autorités espagnoles viennent de rapporter qu’une infirmière a contracté le virus deux fois en 20 jours, le plus court intervalle connu dans le monde.

« La donne a vraiment changé avec Omicron, partout dans le monde. Non seulement le virus est plus transmissible et nos vaccins offrent moins de protection, mais en plus nos anticorps sont moins résistants et plus sollicités. C’est tout un cocktail pour la réinfection », observe Benoit Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Il ne se dit « pas surpris » par le cas de l’infirmière espagnole, dont les médias internationaux ont largement fait état ces derniers jours. Âgée de 31 ans, la principale intéressée a attrapé la COVID-19 à deux reprises en moins de trois semaines : une fois avec la souche Delta en décembre 2021 et une autre fois avec la souche Omicron BA.1 au début de janvier 2022.

Complètement vaccinée, la femme avait même reçu sa dose de rappel 12 jours avant sa réinfection. Au-delà de son caractère inédit, l’affaire démontre donc une fois de plus « l’échappement vaccinal » lié au variant Omicron. Citée par The Guardian, la Dre Gemma Recio, de l’Institut de recherche Català de la Salut, en Espagne, a appelé tous les pays à poursuivre leurs efforts de séquençage pour « détecter tout variant capable d’échapper partiellement à la réponse immunitaire ».

« Au fond, plus les souches du virus sont différentes entre elles, plus on a de chances d’être réinfectés », observe Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

La bonne nouvelle, c’est que même si les vaccins sont moins efficaces contre l’infection, ils le sont toujours très adéquatement contre les hospitalisations.

Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie et en virologie à l’INRS

Si le cas de l’infirmière espagnole demeure assez rare, il est prévisible que différents pays voient une « recrudescence » de situations similaires, prévient Benoit Barbeau. « En ce moment, par exemple, on voit beaucoup de cas de réinfections de BA.1 à BA.2. On parle d’environ 11 % dans certains pays. Et je suis certain que si on regarde de près, beaucoup de ces cas ont moins de trois mois d’intervalle », dit-il.

Québec dans le flou

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on ne collecte pas jusqu’ici de chiffres permettant d’établir un réel portrait des réinfections dans la province. « Les données dont nous disposons ne permettent pas de déterminer combien de personnes sont réinfectées par la COVID-19 », avoue en effet la porte-parole Marjorie Larouche.

Elle précise toutefois qu’en vertu de l’état « actuel » des connaissances, une personne qui développerait des symptômes de la maladie trois mois ou moins après une première infection « n’a pas à s’isoler ni à passer de tests de dépistage ».

Cela dit, en présence de symptômes, les consignes de base demeurent, même après deux infections en un court laps de temps. On inclut par exemple « l’hygiène respiratoire, le lavage des mains et la limitation des contacts avec les personnes vulnérables », insiste à ce sujet Mme Larouche.

Des données préliminaires au Québec

Un récent rapport de l’Institut national de santé publique (INSPQ) affirmait d’ailleurs qu’une infection à la COVID-19 « avant l’arrivée du variant Omicron confère une protection contre une réinfection par le variant Omicron », mais pas parfaite. « Plus l’infection antérieure a été sévère, plus la protection contre le variant Omicron est élevée », notent les chercheurs de l’Institut.

« L’infection antérieure, même sans vaccination, réduit le risque d’infection au variant Omicron de 44 %, alors qu’elle diminue le risque d’hospitalisation de 81 %. La protection conférée par l’infection antérieure augmente de manière significative avec chaque dose additionnelle de vaccin. Cette protection est toujours plus élevée chez les individus ayant déjà eu la COVID-19 », écrivent-ils également.

Mais l’étude de l’INSPQ a ses limites : elle ne fournit pas, par exemple, de données sur la protection induite par une première infection par le variant Omicron BA.1 ou le sous-variant BA.2 contre les réinfections futures.

Il s’agit de résultats préliminaires. Chaque jour, de nouvelles données scientifiques sur la COVID-19 sont disponibles. Le MSSS ajuste ses recommandations en fonction de nouvelles connaissances.

Marjorie Larouche, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux

Par ailleurs, avec la montée du nombre de cas d’influenza dans la province, les Québécois ne doivent pas baisser la garde, rappelle le DGuy Boivin, professeur titulaire au département de microbiologie-immunologie et infectiologue de la faculté de médecine de l’Université Laval. « Il reste que c’est possible d’avoir une infection entre les deux virus. Il faut se méfier des co-infections », dit-il. Une étude britannique menée auprès de 200 000 patients a d’ailleurs démontré un lien entre une co-infection à la COVID-19 et à l’influenza et un taux de mortalité plus élevé chez les patients hospitalisés, souligne-t-il.

Avec Vincent Larin, La Presse

En savoir plus
  • 32 pour 1000
    Si, au début de la pandémie, le phénomène de réinfection était « plus marginal », il a « grandement augmenté » depuis l’arrivée d’Omicron, « pour atteindre 32 réinfections pour chaque tranche de 1000 primo-infections », disait l’INSPQ dans un rapport en janvier dernier.
    Source : Vigie des réinfections présumées de l’INSPQ, janvier 2022