(Québec) « Malhonnête », « vraie joke », « chèque en blanc ». Le projet de loi du gouvernement Legault vers la fin de l’urgence sanitaire est critiqué de toutes parts par l’opposition, qui réclame qu’il passe à la « déchiqueteuse ». Le ministre de la Santé, Christian Dubé, veut calmer le jeu et promet de ramener à « trois, quatre » décrets et arrêtés qui seraient maintenus jusqu’au 31 décembre.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux a défendu jeudi le projet de loi 28 qui vise à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire au Québec, en vigueur depuis le 13 mars 2020. Christian Dubé martèle que le texte législatif ne lui permettra pas d’ajouter de nouveaux décrets ou de réactiver ceux déjà abolis, comme l’accuse l’opposition. « Ce n’est pas vrai, c’est complètement faux », a-t-il lancé jeudi.

« On va passer d’une soixantaine de décrets qui restent actifs […] à trois, quatre décrets. On ne pourra pas en ajouter, on va juste pouvoir en enlever », a poursuivi M. Dubé. Mercredi, le ministre parlait de « cinq, six décrets » qui demeureraient en vigueur au moment de l’adoption de la loi.

Québec veut se garder des pouvoirs jusqu’au 31 décembre 2022 en plus de permettre le prolongement de certains contrats octroyés de gré à gré pour cinq ans.

« On va diviser les décrets qui restent en trois catégories : celui sur l’éducation, sur les opérations — ce qui veut dire la vaccination et les contrats — et […] celui sur la télémédecine et les primes », a-t-il spécifié. Ces nouveaux décrets seront dévoilés au plus tard le 25 mars.

Le texte législatif prévoit que « les mesures prévues par décret ou par arrêté […] en vertu de la Loi sur la santé publique qui sont en vigueur au moment où prend fin l’état d’urgence sanitaire le demeurent jusqu’au 31 décembre 2022 ». Une disposition beaucoup trop floue et qui donne trop de pouvoirs au gouvernement, estiment les partis d’opposition.

Le premier ministre François Legault a aussi affronté un tir groupé des oppositions au Salon bleu.

« On ne pourrait pas, avec le projet de loi, mettre en place un passeport vaccinal. On ne pourrait pas mettre en place un couvre-feu. On ne pourrait pas fermer les établissements », a énuméré M. Legault.

« La seule chose qui reste pour l’instant, et c’est temporaire, c’est le masque dans les transports en commun (mi-avril) et une fois qu’on l’aura enlevé, le projet de loi dit qu’on ne pourra pas le remettre. Je pense que c’est vraiment exagéré, la position de l’opposition », a-t-il poursuivi, répondant à la cheffe libérale Dominique Anglade, qui l’a accusé de vouloir « un chèque en blanc » jusqu’aux élections.

Pas de reddition de compte

Le projet de loi 28 permettrait au gouvernement de prolonger des contrats octroyés en vertu du décret d’urgence sanitaire pour une période de cinq ans. Le spécialiste en droit public, Louis-Philippe Lampron, a déploré mercredi à La Presse que le texte législatif ne contenait aucun mécanisme de reddition de compte à ce sujet. Jeudi, le ministre Dubé s’est dit « très ouvert » à améliorer son projet de loi à ce propos.

Il a aussi renvoyé à l’obligation du gouvernement de présenter un « rapport d’évènements » dans lequel il doit détailler « les mesures d’intervention mises en œuvre et les pouvoirs exercés » en vertu de la Loi sur la santé publique. Or, cette obligation « est très minimale », selon M. Lampron. Québec s’est engagé à le déposer avant la fin des travaux parlementaires en juin, mais on ignore ce que ce rapport contiendra.

Les contrats qui pourraient être prolongés devraient être nécessaires « pour assurer le bon fonctionnement des cliniques de dépistage ou de vaccination », l’entreposage et le transport des biens acquis pendant la pandémie, est-il écrit dans le projet de loi 28. « Il n’y aura pas de nouveaux contrats », a assuré M. Dubé. Pour la suite, Québec devra passer par la Loi sur les contrats des organismes publics.

Un projet de loi « malhonnête »

Le projet de loi du ministre Dubé contient un « élément de malhonnêteté », selon la cheffe libérale. « Ce qu’on a demandé au gouvernement, c’était de faire en sorte qu’il y avait une reddition de comptes sur tout ce qui s’était passé. Ce qu’on a reçu, c’est un projet de loi qui permet de prolonger l’état d’urgence jusqu’en décembre 2022 », a déclaré Mme Anglade.

Québec solidaire réclame carrément que le texte législatif passe à la trappe. « Dans sa forme actuelle, je pense que sa place, c’est dans la déchiqueteuse », a lancé le député Vincent Marissal.

En entrevue à La Presse, co-porte-parole Manon Massé a promis qu’un gouvernement solidaire lèverait complètement l’urgence sanitaire dans les jours suivant les élections. « Pas à moitié là. On déposerait aussi une nouvelle loi pour modifier la Loi sur la santé publique […] pour plus jamais qu’un gouvernement décide seul de [décréter] l’état d’urgence sanitaire ».

« Le projet de loi 28 est vicié à la base, pour une raison principale : ce qu’on demandait, c’est la fin de la gouvernance par décret. Ce que la loi 28 vient faire, c’est consolider un certain nombre de décrets. On ne sait pas exactement lesquels encore », a déploré pour sa part le chef parlementaire du Parti québécois, Joël Arseneau.