(Ottawa) Justin Trudeau se montre avare de détails en attendant d’en obtenir davantage. Mitraillé de questions sur le plan de « contribution santé » que mijote le Québec pour les non-vaccinés, il a chaque fois esquivé, mercredi – sauf pour dire qu’il tenait au respect de la Loi canadienne sur la santé et pour signaler qu’il approuvait l’adoption de « mesures fortes » dans les provinces.

Le premier ministre savait pertinemment qu’il était attendu de pied ferme au lendemain de l’annonce importante de son homologue québécois, François Legault. Le gouvernement fédéral, a-t-il commencé par répondre à la première des sept questions qui lui ont été posées sur ce sujet, a appris « avec intérêt » cette proposition de Québec, mais « attend plus de détails », car « les détails seront importants ».

Mais ce qui l’est surtout, important, c’est que la mesure dont accouchera Québec « respecte les principes » de la Loi canadienne sur la santé, a-t-il affirmé, rappelant que le fédéral avait pour sa part implanté des mesures « très dures », comme la vaccination obligatoire dans la fonction publique et pour les voyageurs dans les secteurs aérien et ferroviaire.

Assurant n’être nullement réfractaire à ce que les provinces et les territoires décrètent également « des mesures fortes » pour juguler cette cinquième vague, il s’est défendu de se défiler dans l’espoir d’éviter de déplaire à une frange de la population – au Canada anglais, certains ont eu une réaction épidermique à ces velléités québécoises.

« C’est facile de faire des manchettes avec des réponses simplistes », a déclaré Justin Trudeau en réponse à la question d’une journaliste, se défendant d’essayer d’« éviter de répondre à la question ». Au détour d’une ou deux questions, il en a tout de même profité pour braquer les projecteurs sur le conservateur Erin O’Toole, qu’il a encore accusé d’être complaisant à l’endroit de l’aile de son caucus réfractaire à la vaccination.

Une pente glissante ?

Dans les rangs libéraux fédéraux, le député Joël Lightbound a quant à lui dit craindre pour les fondements de la Loi canadienne sur la santé. « La COVID nous a fait perdre beaucoup, mais il ne faut pas lui donner le pouvoir de nous faire perdre nos principes. […] Ce sont des principes fondamentaux », a-t-il écrit sur Twitter, mardi après-midi.

S’il est d’accord avec l’idée de « serrer la vis » aux personnes qui refusent net de se faire vacciner contre la COVID-19, le chef adjoint néo-démocrate, Alexandre Boulerice, se pose des questions sur l’incidence que cette mesure pourrait avoir sur les personnes marginalisées ainsi que sur le principe d’universalité des soins de santé.

Est-ce que c’est un premier pas vers un financement de notre système de santé qui serait en fonction du risque ou du poids de services qu’une personne représente ? On ne voudrait pas que ça devienne une espèce de principe de privatisation de la santé, d’utilisateur-payeur. Est-ce le bon moyen ? On a des doutes.

Alexandre Boulerice, député néo-démocrate, en entrevue mercredi

Son collègue du Bloc québécois Luc Thériault n’a visiblement guère été impressionné par la bombe lâchée par le premier ministre Legault. « Quand on lance une idée sans donner toutes les modalités, et qu’on envoie dans l’espace public une intention, c’est difficile de la commenter », a-t-il tranché dans un entretien. Il estime que les élus de l’Assemblée nationale devront avoir « un débat » approfondi sur la question.

Fait rare, le porte-parole de la formation en matière de santé a envoyé des fleurs à Justin Trudeau, qui a selon lui eu raison de se garder un droit de réserve, mercredi. « Dans un débat comme celui-là, ce n’est jamais anodin de réfléchir à haute voix », a-t-il argué en comparant l’« attitude » du premier ministre à celle de son député Lightbound, notamment.

Le pot est venu du député conservateur Luc Berthold. « La décision du gouvernement du Québec […] est une démonstration que le gouvernement fédéral n’a pas livré la marchandise comme il aurait pu », a-t-il expliqué à l’autre bout du fil. L’élu de Mégantic–L’Érable n’a pas voulu dire s’il considérait la potentielle contribution comme une taxe à laquelle sa formation allait s’opposer.

« Tant qu’on n’a pas de détails, j’aime mieux ne pas commenter. Honnêtement, on ne sait pas. C’est quelque chose que le premier ministre [Legault] a lancé comme ça, pendant une conférence de presse », a-t-il dit.

Les modalités de cette contribution, que François Legault a dit vouloir « substantielle », demeurent en effet à préciser. Dans certaines provinces ailleurs au Canada, comme en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, les autorités ont écarté l’idée d’emboîter le pas au Québec.