Se faire vacciner contre la COVID-19 quand on attend un enfant fait inévitablement peur à bien des femmes enceintes. Mais comme le montrent beaucoup d’études et d’experts consultés, tout indique que le vaccin a un effet protecteur sur la femme comme sur le bébé à naître et que le véritable danger, c’est la COVID-19.

Selon une étude parue cette semaine dans le Journal of Infectious Diseases, les femmes enceintes et atteintes de la COVID-19 courent de deux à trois fois plus de risques d’avoir une hémorragie, un accouchement prématuré ou un bébé de petit poids (mais pas de risques accrus de fausse couche).

Une autre étude (datant de juillet) parue dans The Lancet concluait elle aussi qu’un diagnostic de COVID-19 était associé à un risque nettement accru de prématurité et davantage encore de grande prématurité.

Une autre étude datant de la mi-novembre, celle-là des Centers for Disease Control and Prevention (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies), aux États-Unis, fait état d’un risque plus de deux fois plus élevé de bébés mort-nés (bien que cela arrive très rarement).

Une étude publiée en début de semaine par le Centre de contrôle des maladies aux États-Unis conclut que la vaccination pendant la grossesse, en revanche, n’est pas associée à des accouchements avant terme ni à des bébés de petit poids.

Mais pandémie ou pas, les accouchements avant terme et les hémorragies sont monnaie courante, non ?

Certes, répond le DChristos Karatzios, spécialiste en infectiologie pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants, mais « les placentas pleins de caillots que l’on voit sont caractéristiques de la COVID-19 », et ils s’ajoutent donc aux complications habituelles hors pandémie.

Il est conscient des craintes des femmes, qui redoutent de possibles malformations à leur bébé ou craignent que le vaccin ne déclenche des contractions. « Certaines femmes ont même peur de prendre des Tylenol quand elles sont enceintes », fait-il remarquer, soulignant que certains médecins alimentent eux-mêmes parfois ces peurs.

Le DKaratzios insiste sur l’importance de la vaccination. « J’ai vu à l’Hôpital de Montréal pour enfants un bébé né d’une femme non vaccinée dont le placenta avait justement plein de caillots. Le bébé aura des dommages irréversibles au cerveau. Beaucoup de cas de ce genre sont aussi rapportés dans le monde. »

D’emblée, le système immunitaire de la femme enceinte est affaibli, rappelle-t-il, « et c’est la raison pour laquelle nous leur recommandons aussi de se faire vacciner contre la grippe et contre la coqueluche ».

Des nouveau-nés à protéger

En se faisant vacciner contre la COVID-19, la femme se protège et elle transmettra aussi des anticorps au bébé à naître par le cordon ombilical, puis par l’allaitement, si celui-ci est possible. Surtout que dans les deux premiers mois de leur vie, les bébés sont extrêmement fragiles, rappelle le DKaratzios, et si la mère n’est pas vaccinée, « le bébé n’aura aucune protection contre la COVID-19 ».

Le DKaratzios relève par ailleurs qu’aucune étude sérieuse n’a signalé de problèmes de stérilité liés au vaccin et qu’en fait, des milliers de femmes vaccinées sont devenues enceintes et ont donné naissance à des enfants.

Dans la mesure où Omicron « est au moins aussi contagieux que la rougeole », précise par ailleurs le DKaratzios, l’heure n’est malheureusement pas à aller montrer le nouveau-né à la parenté. Les grands-parents, les oncles, les tantes doivent attendre que le bébé soit un peu plus robuste.

Aux États-Unis, les autorités estiment que trois femmes enceintes sur cinq ne sont pas vaccinées. Si l’on ne collige pas de données sur le sujet au Québec, au CHU Sainte-Justine, la Dre Diane Francœur, obstétricienne-gynécologue, estime que la moitié des femmes suivies dans cet hôpital ne sont pas vaccinées.

À celles-là, la Dre Francœur dit « de s’enfermer à la maison et de ne pas envoyer leurs enfants à la garderie, ce qui est loin d’être facile si elles sont au travail » ou « si elles habitent dans un petit appartement ».

Comme le DKaratzios, la Dre Francœur estime qu’on a maintenant « le recul nécessaire pour rassurer les femmes enceintes » sur le fait que les vaccins sont sûrs.

Je n’ai pas vu de femmes enceintes qui ont eu des effets secondaires autres que de petites douleurs musculaires ou une fièvre passagère après avoir été vaccinées.

La Dre Diane Francœur, obstétricienne-gynécologue

Par contre, elle s’occupe régulièrement de femmes enceintes atteintes de la COVID-19 qui sont très malades. Elle évoque par exemple le cas récent d’une femme à Sherbrooke atteinte de la COVID-19 « en très mauvais état à qui on a dû faire une césarienne d’urgence ».

Une collègue de Sainte-Justine, la Dre Isabelle Boucoiran, souligne quant à elle que « si une femme est en détresse respiratoire, elle ne pourra pas bien pousser [lors de l’accouchement]. J’ai encore eu lundi une femme avec la COVID-19 qui pouvait juste accoucher assise ».

La Dre Boucoiran fait observer que le vaccin lui-même ne traverse pas le placenta, « mais les anticorps, oui. Donc, ça peut protéger les bébés pendant les premiers mois de leur vie ».

La virologue Anne Gatignol, professeure de microbiologie à l’Université McGill, tient aussi à rassurer les femmes enceintes. « Les vaccins à ARN sont très sécuritaires pour les femmes enceintes et aucun risque n’a été rapporté, que ce soit dans des expériences chez les souris ou durant le suivi des femmes vaccinées. Plusieurs [femmes vaccinées] ont déjà accouché sans qu’on ait observé le moindre problème. »

« Par contre, le risque lié à la COVID-19 semble augmenter chez les femmes enceintes, donc le bénéfice lié à la vaccination est encore plus grand chez elles. »

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse

Le cycle menstruel rallongé de moins d’un jour après un vaccin, selon une étude

Juste après avoir reçu un vaccin contre la COVID-19, le cycle menstruel des femmes est rallongé de moins d’une journée en moyenne, un effet non grave et qui apparaît comme temporaire, selon une nouvelle étude parue jeudi. La durée des règles elles-mêmes n’est pas touchée par la vaccination, selon ces travaux menés aux États-Unis sur près de 4000 femmes. Cette étude doit notamment permettre de rassurer celles ayant constaté des changements dans leur cycle après une injection de vaccin. Elle permettra aussi d’opposer des données claires et solides – les premières sur la question – aux peurs et aux fausses affirmations ayant circulé sur les réseaux sociaux. Les résultats « sont très rassurants », a affirmé à l’AFP Alison Edelman, auteure principale de l’étude et professeure d’obstétrique et de gynécologie à l’Oregon Health & Science University. Tout changement de durée inférieur à huit jours au cycle est classé comme normal par la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique, rappelle-t-elle.

Agence France-Presse