Après avoir obtenu un test positif pendant leur voyage à Cuba, de jeunes adultes ont été emmenés dans un hôtel délabré bondé de Québécois infectés par la COVID-19.

Laurianne Gagné, 22 ans, s’est rendue au Memories Caribe Beach Resort, un hôtel quatre étoiles à Cayo Coco, le 21 décembre. La veille de son départ, elle reçoit son résultat de test de dépistage : positif. Ses amis : négatif.

« J’ai paniqué. On ne m’a donné aucune consigne, alors je suis partie directement m’isoler dans ma chambre », raconte-t-elle.

Depuis le 15 décembre dernier, les voyages non essentiels à l’extérieur du Canada ne sont pas conseillés, mais sont toujours permis. Les voyageurs doivent toutefois obtenir un résultat négatif à un test effectué dans les 72 heures avant leur départ.

Dès son arrivée, des représentants du Groupe de Voyage Sunwing, avec qui elle voyageait, lui avaient assuré qu’il n’y avait jamais eu de cas de COVID-19 dans le tout-inclus où elle résidait.

Le lendemain de son résultat positif, on a informé Laurianne Gagné qu’une ambulance allait venir la chercher pendant la journée. « Je ne savais rien d’autre », indique-t-elle.

Après le départ de ses amis, elle est restée seule dans sa chambre pendant près de 12 heures. À la tombée de la nuit, des responsables sont venus la chercher et l’ont installée à l’arrière d’une ambulance.

Il faisait noir, je ne savais pas où j’étais, je voyais juste des hommes marcher près de l’ambulance. Je pleurais. J’avais tellement peur.

Laurianne Gagné

Après quelques minutes de route, ils arrivent à l’hôtel Playa Paraiso. Deux Québécoises ayant aussi obtenu un résultat positif entrent dans l’ambulance.

« Je leur ai demandé si elles parlaient français. Quand elles m’ont dit oui, j’ai éclaté en sanglots », raconte Laurianne Gagné.

« Petite prison »

Lorsque les trois femmes arrivent dans l’hôtel réservé aux personnes infectées, on les installe dans un petit appartement de deux chambres.

« L’ambiance est lourde. Tout le monde a de la peine, a peur et est inquiet. Ce n’est pas sécuritaire. On met une chaise devant notre porte. On est inquiètes, et nos familles aussi », raconte Mme Gagné par FaceTime grâce à ses données LTE.

Dans leur logement, il n’y a ni savon ni papier de toilette. « Ça fait deux jours qu’on en demande », lance-t-elle. Elles n’ont qu’un seul drap sur leur lit et des lézards se baladent dans l’appartement.

  • Chambre de Guylaine Pellerin

    PHOTO FOURNIE PAR GUYLAINE PELLERIN

    Chambre de Guylaine Pellerin

  • Repas offert aux occupants de l’hôtel réservé aux personnes infectées

    PHOTO FOURNIE PAR LAURIANNE GAGNÉ

    Repas offert aux occupants de l’hôtel réservé aux personnes infectées

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« Ça ressemble à un endroit abandonné. Il y avait des araignées partout sur mon lit », raconte Audray-Ann Lapointe, 19 ans, qui a été placée en isolement dans le même hôtel.

Elles reçoivent des repas à des heures aléatoires et n’ont pas de réseau internet pour joindre leur famille. « C’est comme un cauchemar », dit Guylaine Pellerin, 21 ans, qui est en isolement au même endroit. « Il y a des déchets partout », dit la jeune femme, qui compare l’hôtel à une « petite prison ».


PHOTO FOURNIE PAR GUYLAINE PELLERIN

Guylaine Pellerin

L’eau potable est également limitée. « On avait juste une bouteille d’eau par jour et il fallait se battre pour en avoir », dit Audray-Ann Lapointe.

Elles peinent à manger les repas qu’on leur offre. « Ce matin, notre déjeuner, c’était une sorte de hamburger avec de la viande rose », dit Laurianne Gagné. « La boulette n’était jamais cuite », renchérit Audray-Ann Lapointe.

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Audray-Ann Lapointe

Une famille est arrivée ici avec son bébé de quelques mois. Ils ont demandé du lait au personnel pour le nourrir et il ne voulait pas. Il disait de lui donner de l’eau à la place.

Audray-Ann Lapointe

L’hôtel est bondé de Québécois infectés par le virus, racontent les jeunes femmes. « Au moins, tout le monde s’entraide. On est tous comme des frères et sœurs. Dès que quelqu’un devient négatif, on l’applaudit », raconte Guylaine Pellerin.

Les jeunes femmes doivent débourser 150 $ US par jour chacune pour être logées et nourries.

« À la fin de mon isolement, ils m’ont chargée pour une consultation médicale que je n’ai jamais eue », dit Audray-Ann Lapointe.

Des pratiques douteuses

Les jeunes femmes remettent en question les pratiques du personnel de la santé sur place. « Un infirmier est entré dans notre chambre, a enlevé son masque et a demandé s’il pouvait utiliser nos toilettes », donne comme exemple Mme Pellerin.

À leur arrivée au lieu d’isolement, on leur avait promis qu’elles allaient passer un test de dépistage chaque jour, jusqu’à ce que leur charge virale soit suffisamment faible pour retourner au Canada. En réalité, elles n’ont droit qu’à un test tous les cinq jours.

On dirait qu’ils font exprès pour que l’on reste plus longtemps. C’est pour ça qu’ils ne veulent pas nous faire tester.

Laurianne Gagné

Après avoir entendu que certaines personnes soudoyaient le personnel de la santé pour obtenir un résultat négatif, elles ont tenté leur chance en offrant de l’argent à leur médecin.

« Il nous a dit qu’il n’avait pas besoin d’argent, mais qu’il prendrait bien un bisou en échange », raconte-t-elle. Quand il a réalisé qu’un autre médecin l’avait entendu, il a retiré sa proposition.

« Ils nous ont menti »

Les jeunes femmes déplorent le manque d’honnêteté des agences de voyages face à la situation épidémiologique dans le pays. « Mon agence de voyages, Voyage à Rabais, m’avait dit qu’il n’y avait pas de cas de COVID-19 là-bas et que le problème était au Québec. On n’a eu aucun avertissement, on ne s’attendait pas du tout à ça », dit Guylaine Pellerin.

« Sunwing nous disait qu’il n’y avait pas de cas à Cuba, mais il y a des éclosions dans tous les resorts. Ils nous ont menti », renchérit Audray-Ann Lapointe.

La recommandation des jeunes femmes est donc claire : si vous pouvez annuler ou reporter votre voyage, faites-le. « Si j’avais su qu’on allait être dans ces conditions, je ne serais jamais allée », affirme Mme Lapointe.

« Je ne veux pas me plaindre de ma situation, parce que c’était ma décision d’aller en voyage, renchérit Laurianne Gagné. Mais si je réussis à faire en sorte que quelqu’un a annulé ou reporté un voyage, c’est déjà bien. »

Laurianne, Guylaine et Audray-Ann sont revenues au Québec le 3 janvier.