Même dans le cas d’allergies graves à des composants des vaccins, des allergologues québécois ont prouvé qu’il était possible de procéder à la vaccination

Très peu de personnes peuvent justifier un refus de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison d’une contre-indication médicale, comme une allergie ou des problèmes cardiaques. À preuve : seulement le tiers des Québécois qui ont demandé une exemption vaccinale officielle pour cette raison l’ont obtenue, montre une compilation de données recueillies par La Presse.

Quand le gouvernement québécois a instauré le passeport vaccinal, à l’automne, il a prévu un mécanisme pour que les personnes qui ne peuvent recevoir un vaccin contre la COVID-19 pour des raisons médicales puissent quand même recevoir un passeport valide. Ces personnes doivent cependant consulter leur médecin, qui formule ensuite en leur nom une requête auprès de la Direction de santé publique (DSP) de leur région, qui évaluera la demande et rendra une décision.

Nous avons sollicité les 18 Directions régionales de santé publique de la province pour savoir combien de demandes elles avaient reçues et évaluées. Quatre d’entre elles (Lanaudière, Abitibi-Témiscamingue, Nunavik et Estrie) n’ont pas répondu à notre demande d’information, pour diverses raisons. D’autres y ont répondu seulement partiellement.

Les autorités de santé publique ont déterminé trois raisons pour lesquelles une exemption de vaccination peut être demandée par un professionnel de la santé au nom d’un patient :

1. Une contre-indication aux vaccins à ARN messager (Moderna et Pfizer) et à vecteur viral (AstraZeneca), en raison d’une allergie à leurs composants.

2. Une myocardite ou péricardite dans les jours ayant suivi l’administration d’une dose d’un vaccin à ARNm.

3. Des troubles importants du comportement faisant en sorte qu’il n’est pas possible de faire une injection, même après avoir essayé de vacciner dans un environnement rassurant pour la personne.

Une exemption peut être accordée de façon permanente ou temporaire (par exemple, lorsqu’une personne doit consulter un allergologue).

Selon notre compilation, la majorité des demandes ont été faites pour la première catégorie. C’est également celle pour laquelle il y a eu le plus de refus. Dans la région de Montréal, sur les 103 demandes refusées, 98 concernaient une exemption en raison d’une allergie.

La raison est assez simple, dit l’allergologue-immunologue Matthieu Picard, de la clinique de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. « Notre expérience avec la vaccination nous montre qu’il y a très, très peu de cas de réactions allergiques, et encore moins de réactions anaphylactiques, à la suite de l’administration du vaccin contre la COVID-19. »

Comment vacciner les allergiques ?

Les contre-indications à recevoir un vaccin contre la COVID-19 sont rares. Seules les personnes qui ont une allergie reconnue à un composant du vaccin doivent l’éviter. Pour obtenir une exemption pour cette raison, une personne doit cependant faire la preuve d’une allergie aux deux types de vaccins offerts (ARNm et vecteur viral), une condition encore plus rare, puisque les vaccins n’ont pas la même composition.

La principale cause d’allergie aux vaccins à ARNm est celle au polyéthylène glycol (PEG). « C’est très, très rare, dit le DPicard. La vaste majorité des gens qui ont fait une réaction allergique au polyéthylène glycol l’ont eue lorsqu’ils ont pris un laxatif avant une coloscopie. Ces laxatifs sont à base de PEG. »

Mais même là, cet obstacle peut être surmonté, ont découvert les allergologues.

« Quand on a commencé à en discuter, un collègue nous a dit avoir réussi à vacciner des personnes dans cette condition, malgré leur allergie », dit-il.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le Dr Matthieu Picard, allergologue-immunologue de la clinique de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont

Et ainsi, jusqu’ici, on a vacciné une douzaine de personnes qui étaient allergiques, ou probablement allergiques, au PEG.

Le Dr Matthieu Picard, allergologue-immunologue de la clinique de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont

Ils y sont arrivés, dit le DPicard, en discutant avec les patients des risques et avantages de la vaccination, en vaccinant sous surveillance, voire en fractionnant les doses pour tester la tolérance des patients. Leurs résultats ont d’ailleurs été publiés le 20 décembre dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology.

Consultez un résumé de l’étude publiée par l’équipe du DMatthieu Picard (en anglais)

La même démarche s’applique aux personnes dirigées vers les allergologues parce qu’elles ont mal réagi à la première dose de vaccin. « Des patients plus anxieux ont pu faire des crises de panique, ou ont subi d’autres symptômes qui ressemblaient à des réactions allergiques », dit-il.

Faut-il en conclure que les allergologues sont les moins susceptibles de délivrer des exemptions vaccinales en raison d’allergies aux vaccins ? « Probablement ! », dit le DPicard. Jusqu’ici, aucun des patients qui lui avaient été envoyés en raison d’une mauvaise expérience à la première dose ne s’est avéré être allergique aux vaccins.

Quelles exemptions sont acceptées ?

Les demandes d’exemption vaccinale faites dans le cas de myocardite/péricardite, ou de troubles importants du comportement (catégories 2 et 3), sont plus souvent acceptées que celles pour une allergie réelle ou suspectée aux vaccins contre la COVID-19. Par exemple, les 11 demandes déposées dans les Laurentides pour cette raison ont toutes été acceptées. Même chose dans le Bas-Saint-Laurent (12 demandes sur 13), sur la Côte-Nord (4 sur 5) ou dans la région de Québec (les 28 demandes ont été acceptées). Pour des raisons encore inexpliquées, de rares cas d’inflammation cardiaque compatible avec une myocardite ou une péricardite ont été observés après l’administration d’un vaccin à ARNm, surtout chez de jeunes hommes et adolescents. Aucun décès n’a cependant été enregistré au Québec pour cette raison.