La hausse fulgurante du nombre de cas et d’hospitalisations ne prend pas de pause des Fêtes. À 16 h, lundi, Québec recensait 12 800 nouvelles infections quotidiennes. Le nombre de nouvelles entrées à l'hôpital avait pour sa part franchi le cap des 200. Une trentaine d’enfants de moins de 10 ans ont par ailleurs été admis dans les hôpitaux au cours des derniers jours. Chez les intensivistes, le manque de personnel, le délestage et les éclosions font craindre le pire pour les hôpitaux.

« Ce qui est inquiétant, c’est que les cas ne ralentissent pas. Étant donné qu’il y a toujours un délai entre les cas dans la communauté et les hospitalisations, on craint pour les hôpitaux », indique le DJoseph Dahine, intensiviste à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval.

« Le nombre de cas et d’hospitalisations augmente rapidement », a reconnu François Legault sur Twitter, lundi soir. « Heureusement, l’augmentation aux soins intensifs est moins grande. »

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, tiendra un point de presse ce mardi, à 13 h, aux côtés du directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, et du directeur général de la gestion opérationnelle de la pandémie, Daniel Paré.

Les directeurs régionaux de santé publique ont évoqué le retour du couvre-feu lors d’une réunion juste avant Noël. Le report de la rentrée dans les cégeps et les universités a aussi fait l’objet de discussions.

Un couvre-feu pourrait aider, mais il faut agir pour éviter les contacts entre les personnes en général, estime Benoit Barbeau, professeur au département de sciences biologiques de l’UQAM.

« Une rentrée plus tardive pourra aussi contribuer à une baisse, mais il se peut que des mesures plus imposantes soient nécessaires, voire un éventuel reconfinement pour une partie de la saison hivernale », avance-t-il.

« Je ne suis pas certaine que le retour d’un couvre-feu change vraiment la donne », estime quant à elle Nathalie Grandvaux, directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales du CHUM. Les fêtes privées et les rassemblements en soirée ne sont pas responsables de la montée fulgurante du nombre de cas à l’heure actuelle. Fermer les bars, c’était suffisant, pense l’experte.

Le couvre-feu était une mesure impopulaire auprès de la population, poursuit-elle.

On a changé de ton. On essaie de responsabiliser les gens au lieu d’user de mesures coercitives auxquelles les gens n’adhèrent pas.

Nathalie Grandvaux, directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales du CHUM

Décaler la rentrée scolaire pourrait par contre améliorer la situation partout dans la province. Avec un nombre de cas aussi élevé et un variant plus contagieux, le retour en classe s’annonce chaotique. « Il y aura de toute manière beaucoup d’absentéisme de professeurs et d’enfants infectés », estime Nathalie Grandvaux.

À long terme, il faudrait songer à améliorer la ventilation dans les écoles pour que les établissements demeurent des lieux d’apprentissage et non d’éclosions, soutient Mme Grandvaux. « Il faut s’attaquer à la racine du problème. C’est regrettable qu’on ne l’ait pas fait pendant l’été, quand la situation pouvait mieux se gérer. »

Pour l’heure, la Santé publique suggère au gouvernement Legault d’attendre avant d’imposer de nouvelles mesures, selon les informations obtenues par La Presse.

Le Québec a rapporté lundi 8231 nouveaux cas, ce qui porte la moyenne quotidienne à 8020. Il y a actuellement 1469 éclosions actives dans la province. Le nombre de tests réalisés le 26 décembre s’est élevé à 44 043. Le taux de positivité est de 24,9 %, soit près de cinq fois plus que le seuil de 5 % recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.

Augmentation « fulgurante »

« Plus il y a de cas, plus il y a de risques d’avoir des patients qui entrent à l’hôpital. On voit que ça se remplit tranquillement », dit la Dre Amélie Boisclair, intensiviste à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne.

Le nombre d’hospitalisations a augmenté lundi, pour un total de 614 personnes hospitalisées à l’heure actuelle, soit 44 de plus que la veille. On compte maintenant 109 personnes aux soins intensifs.

« La hausse des hospitalisations se fait sentir dans plusieurs régions, y compris dans mon hôpital. C’est une augmentation fulgurante », indique le DDahine.

Une hausse du nombre des hospitalisations chez les moins de 10 ans est également observée. Ils sont 5 par jour en moyenne à être hospitalisés. C’est nettement plus qu’au sommet de la deuxième vague, où il y en avait moins de 2 par jour.

Au total, 32 enfants de moins de 10 ans ont été hospitalisés en 7 jours, dont 11 le jour de Noël.

Fatigue psychologique

La hausse du nombre des hospitalisations aura des répercussions sur l’ensemble du réseau de la santé, prévient le DDonald Vinh, infectiologue-microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill. « Quand on augmente de 30, 40 ou 100 personnes hospitalisées à cause de la COVID-19, il faut réduire l’offre d’autres services », explique-t-il.

Afin de se préparer à une hausse du nombre de cas de COVID-19 et des hospitalisations au cours des prochaines semaines, les hôpitaux de la province sont appelés à choisir les interventions qu’ils peuvent reporter.

La Dre Boisclair craint les conséquences du délestage sur les travailleurs. « Le personnel est vraiment épuisé. Quand on entend parler de délestage, beaucoup disent qu’ils aiment mieux donner leur démission que de retourner travailler là-dedans », dit-elle.

Elle remarque quotidiennement la détresse de ses collègues. « Les soignants ont besoin d’aide. Il y a une fatigue psychologique et des blessures morales. Si on ne veut pas perdre nos passionnés, il faut les épauler avec des interventions et de l’écoute. Après presque deux ans, il serait temps », affirme-t-elle.

Craindre les éclosions

Le DDahine craint que les éclosions au sein des hôpitaux et le moral affaibli des travailleurs de la santé aggravent la situation. « Les ressources diminuent parce que le moral des soignants est à terre et parce qu’il y a des éclosions », affirme-t-il.

À l’hôpital Pierre-Le Gardeur, 3 lits sur 17 aux soins intensifs ont dû être fermés par manque de personnel.

« Je ne suis pas capable d’avoir tous mes lits ouverts aux soins intensifs, parce que je n’ai plus assez de personnel », dit la Dre Boisclair. Deux inhalothérapeutes de son centre ont également contracté la COVID-19 dimanche.

En temps normal, « on a juste assez et même un peu moins de personnel pour être capables de donner des services optimaux », fait valoir le DVinh. « On a une armée déjà affaiblie et on la rend encore plus faible », conclut-il.

Avec la collaboration de Denis Lessard, Florence Morin-Martel et Pierre-André Normandin, La Presse

Des urgences qui se remplissent de nouveau

La plupart des urgences du Québec ont connu un répit à Noël. Or, les taux d’occupation sont de nouveau à la hausse, notamment dans le Grand Montréal.

Taux d’occupation des urgences dans quelques hôpitaux de la région à 18 h lundi

Hôpital du Suroît (Montérégie) 169 %

Hôpital Anna-Laberge (Montérégie) 144 %

Hôpital régional de Saint-Jérôme (Laurentides) 138 %

Hôpital général juif (Montréal) 134 %

Hôpital Maisonneuve-Rosemont (Montréal) 131 %

Hôpital Pierre-Le Gardeur (Lanaudière) 122 %

Hôpital Royal Victoria (Montréal) 121 %

Hôpital Notre-Dame (Montréal) 117 %