Près de 2000 lits d’hospitalisation et de soins intensifs sont fermés, par manque de personnel. Et 345 autres le seront pendant les Fêtes. Tout cela au moment où la hausse fulgurante des cas de COVID-19 menace d’envoyer de nombreux Québécois à l’hôpital, dont des employés de la santé contaminés au travail ou dans la communauté.

« Il y a encore beaucoup d’incertitude avec le variant Omicron. Mais si beaucoup de travailleurs de la santé contractent le virus et doivent s’isoler, la pénurie de personnel pourrait augmenter. C’est inquiétant », note le DQuoc Dinh Nguyen, gériatre et épidémiologiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

Selon des données du ministère de la Santé et des Services sociaux, 1837 lits d’hospitalisation et de soins intensifs étaient fermés en date du 10 décembre dans la province. Et durant les Fêtes, 345 lits de plus seront fermés, pour un total de 2182 (sur 18 400 lits dans le réseau), soit 11,6 % du total disponible.

L’impact de ces fermetures de lits est majeur. « Dès qu’on ferme un lit aux étages, ça fait de la rétention aux urgences », note la présidente du Syndicat des professionnelles en soins de la Montérégie-Ouest, Mélanie Gignac.

Vendredi à l’hôpital du Suroît, 76 des 237 lits étaient fermés dans l’établissement par manque de personnel, témoigne le chef médical des urgences, le DBernard Richard. Le taux d’occupation aux urgences du Suroît s’élevait à 184 % en après-midi.

Taux d’occupation dans certaines urgences de la province vendredi après-midi

  • Hôtel-Dieu de Lévis : 154 %
  • Hôpital de Sept-Îles : 200 %
  • Hôpital Pierre-Le Gardeur : 142 %
  • Hôpital de Saint-Eustache : 147 %
  • Hôpital Laurentien : 150 %
  • Hôpital du Suroît : 184 %
  • Hôpital Pierre-Boucher : 226 %
  • Centre hospitalier de l’Université de Montréal : 155 %
  • Hôpital général juif : 162 %
  • Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal : 146 %

Aux urgences du Suroît, 16 patients occupaient des civières vendredi, en attente d’un lit aux étages. Le DRichard ne s’en cache pas : l’arrivée du variant Omicron et son impact sur les hôpitaux l’inquiètent.

Si on ne peut pas monter aux étages les patients [atteints de la COVID-19 ou non] parce qu’il n’y a pas d’infirmières, ça va exploser… Qu’est-ce qu’on va faire ?

Le DBernard Richard, chef médical des urgences à l’hôpital du Suroît

Présidente de l’Association des médecins d’urgences du Québec, la Dre Judy Morris indiquait jeudi que, plus que tout, c’est l’impact du variant Omicron sur le personnel qu’elle redoute. Car chaque travailleur de la santé infecté doit être isolé au moins 10 jours. Avec un réseau « déjà saturé », penser que la pénurie de personnel s’accentuera est inquiétant, dit-elle.

Jeudi, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a publié ses projections de l’impact du variant Omicron au Québec. Avec ce que l’on sait du virus jusqu’à maintenant, une « augmentation marquée » des hospitalisations est à prévoir au cours des prochaines semaines, si bien que la capacité hospitalière prévue pour les patients atteints de la COVID-19 pourrait être atteinte dès le 8 janvier, prévoit l’INESSS. En tout, 700 lits sont réservés pour les patients atteints de la COVID-19 dans les hôpitaux du Québec.

Étant donné la surcharge actuelle du réseau, ce seuil pourrait même être dépassé avant le 8 janvier, croit la Dre Morris. Vendredi, 312 des lits COVID étaient occupés.

Dans le cas où les hôpitaux deviendraient trop surchargés, du délestage d’activités devrait avoir lieu. Depuis le début de la pandémie, beaucoup d’activités ont tourné au ralenti pendant des mois, dont la chirurgie. Conséquence : les listes d’attente pour obtenir une opération se sont allongées en 2020-2021.

Selon le plus récent bulletin de l’Association d’orthopédie du Québec, on peut voir que le nombre de patients en attente depuis plus d’un an en orthopédie est passé de 280 en février 2020 à 3200 en novembre 2020, puis à 5500 en décembre 2021.

Des impacts d’ici deux semaines

Selon le DNguyen, les nombreux cas de COVID-19 qui s’accumulent (3768 nouveaux cas vendredi) devraient commencer à avoir un impact sur les hospitalisations d’ici deux semaines. Il est « dur de dire pour l’instant si c’est inquiétant », note le DNguyen. Car encore beaucoup d’incertitude sur le variant existe.

Le spécialiste s’inquiète tout de même des données du Danemark qui montrent que le variant Omicron ne semble pour l’instant pas réellement moins sévère que le variant Delta. Si tel est le cas, ce n’est « pas de bon augure ».

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le DQuoc Dinh Nguyen, gériatre et épidémiologiste au CHUM

On aura besoin de lits. Si on ne veut pas délester d’activités, il faudra maximiser la capacité du réseau. Il faut que les hôpitaux se préparent.

Le DQuoc Dinh Nguyen, gériatre et épidémiologiste au CHUM

Afin de diminuer la pression sur les urgences, alors que des tests rapides sont distribués, le DRichard précise que la population doit savoir qu’un résultat positif à ces tests ne nécessite pas en soi une visite aux urgences. Il faut observer ses symptômes et s’y rendre uniquement si son état devient préoccupant. Avant de se déplacer pour une évaluation médicale, il peut aussi être utile d’appeler le 811, note le DRichard. On peut évidemment aussi appeler le 911 si on est en situation de détresse ou si son état est préoccupant.

Québec recrute

En conférence de presse mardi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a fait appel à la population pour recruter 500 vaccinateurs via la plateforme Je contribue ! Jeudi, plus de 1500 candidatures avaient été reçues.

Ce dernier a indiqué qu’un programme de rétention et d’attraction de personnel était en cours. L’équivalent de plus de 2500 personnes ont déjà été engagées. Des employés à temps partiel ont accepté de travailler à temps plein. Du recrutement externe a été fait.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Mais ce n’est pas assez. On en cherche plus de 4000 et si je prends les infirmières auxiliaires, c’est plus de 5000. On est loin de notre objectif.

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Il a souligné que des modifications avaient été apportées au programme de recrutement, qui a été simplifié. « J’aimerais que les gens y pensent pendant les vacances de Noël. Oui, on peut venir via Je contribue ! Mais on peut venir aussi à plus long terme », a-t-il dit.

M. Dubé a affirmé qu’un « virage important » était en cours en ce qui concerne la gestion des horaires, qui seront désormais établis localement plutôt que régionalement. Un programme de bourses pour les infirmières auxiliaires et les agents administratifs a été mis sur pied. Le programme de formation pour les infirmières auxiliaires sera de 14 mois plutôt que de 22. Plus de 5000 candidatures ont été reçues. « Il reste encore de la place », a dit M. Dubé. Plus de 2200 candidatures ont aussi été reçues pour des postes d’agent administratif, alors que 3000 candidats sont recherchés. « C’est encourageant », a dit M. Dubé. « Le plus beau cadeau que vous pourriez nous offrir, c’est de vous joindre à nous de façon permanente. Pensez-y pendant le temps des Fêtes », a ajouté le ministre.