S’ils comprennent la nécessité de réduire les contacts en vue de l’arrivée du variant Omicron, les représentants du milieu des affaires s’inquiètent toutefois des effets qu’aura le retour du télétravail dans les grandes villes comme Montréal, surtout s’il se prolonge au-delà du temps des Fêtes. Dans la fonction publique, ce retour au télétravail sera rendu obligatoire pour tous.

« On a été pris par surprise. On est déçus et inquiets sur l’impact que ça aura sur les petites entreprises des centres-villes de Montréal, Québec, Gatineau, où on avait commencé à retrouver de la vie », lâche le vice-président pour le Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), François Vincent.

Il se dit pourtant « persuadé » qu’il demeure possible de protéger et assurer la santé des travailleurs dans un bureau, « notamment avec un pourcentage de vaccination élevé et toutes les mesures prises par les entreprises, dont certaines vont même plus loin que ce qui est déjà prescrit ». « Les entrepreneurs sont fatigués du yo-yo », glisse aussi M. Vincent, qui rappelle que 64 % des PME ne peuvent tout simplement pas mettre en place le télétravail, vu leur modèle d’affaires.

À la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) le président Michel Leblanc n’a pas non plus caché sa déception du retour au télétravail.

Beaucoup d’entreprises ont pris des décisions quant au retour qui s’est amorcé et dans bien des cas, c’était à compter du 10 janvier. Il va falloir voir ce que cela implique pour les plans de retour.

Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, en mêlée de presse, mardi

M. Leblanc demande que les mesures d’aide déployées par le fédéral demeurent en place. Il demande également à Ottawa d’imiter Québec avec une « stratégie centre-ville ». Il s’inquiète surtout pour les commerçants et les restaurateurs de la métropole, puisque leurs revenus dépendent beaucoup de la présence des travailleurs au centre-ville.

« Ce sont les commerces qui sont au bout de leurs liquidités et dans bien de cas, qui se sont dit qu’après la période des Fêtes, ça devrait mieux aller. Si on leur dit que nous ne sommes plus certains, ça va faire en sorte que beaucoup de ces entreprises dans les centres-villes risquent de jeter l’éponge », illustre-t-il.

Des facteurs facilitants

Glenn Castanheira, directeur général de la Société de développement commercial (SDC) Montréal centre-ville, veut toutefois voir le « verre à moitié plein ». « C’est dommage, mais on comprend pourquoi la décision a été prise. Et comme on est à une semaine de Noël, on s’attendait déjà à une baisse de l’achalandage. La bonne nouvelle pour les commerces, c’est que ça coïncide avec les Fêtes et que les boutiques restent ouvertes », dit-il.

Si toutefois le télétravail se poursuivait après le temps des Fêtes, « ça deviendrait vite inquiétant », prédit M. Castanheira, qui rappelle que Montréal était parvenu à ramener près de 50 % des travailleurs au centre-ville, malgré les mesures en place. « On performait très bien », souligne-t-il.

Le président et chef du Conseil du patronat du Québec, Karl Blackburn, appelle quant à lui les autorités à rendre les tests rapides disponibles dans les entreprises « dès que possible ». « La venue en pharmacie était plus que nécessaire, mais maintenant, si on est capables de les avoir directement dans le milieu des affaires, ce sera souhaité. »

[L’arrivée des tests rapides] C’est une des clés pour nous permettre de briser la chaîne qui nous force à ramener le télétravail chaque fois qu’il y a une hausse des cas ou un nouveau variant.

Karl Blackburn, président et chef du Conseil du patronat du Québec

« D’ici là, c’est le consommateur qui décide où il va créer des emplois avec son argent. J’invite vraiment les gens à aller magasiner dans le centre-ville pendant les Fêtes. C’est un appui qui, je sais, sera très apprécié des commerçants », rajoute M. Blackburn, qui dit aussi « comprendre la décision gouvernementale ».

Obligatoire pour la fonction publique

Dans la fonction publique, le retour en télétravail sera carrément « obligatoire », confirme la présidente du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPPGQ), Line Lamarre. Soutenant la chose, son groupe affirme toutefois que les autorités gouvernementales devront apprendre de leurs erreurs, au retour des Fêtes.

« Ça fait un moment qu’on dit à l’employeur que notre retour devrait se faire de façon plus calme, qu’on devrait attendre un peu, que la pandémie n’est pas terminée, mais malheureusement, le gouvernement n’a jamais réellement voulu nous écouter dans ce dossier-là », soutient Mme Lamarre.

Elle affirme néanmoins que « pour la grande majorité des salariés », le retour du télétravail « est une bonne chose ». « Et surtout, pour nous tous, c’est une bonne idée pour protéger la santé de tout le monde. Le hic, c’est que ça veut dire que la pandémie reprend du contrôle sur nos vies. Et ça, c’est une mauvaise nouvelle », raisonne la syndicaliste.

RENDEZ-VOUS REPORTÉ POUR LA STM

Dans le réseau de la Société de transport de Montréal (STM), le retour du télétravail signifie que l’organisme doit reporter son « rendez-vous avec les travailleurs pour leur retour éventuel au centre-ville », avoue le porte-parole, Philippe Déry. Il rappelle toutefois « que l’utilisation de notre réseau demeure sécuritaire grâce aux mesures en place ». « Que ce soit pour des déplacements réguliers ou occasionnels, le bus et le métro sont des modes de transport efficaces et sensés. Le temps des fêtes est une période propice aux déplacements partout en ville et les clients peuvent opter pour la STM en toute tranquillité d’esprit », assure-t-il.

RÉSUMÉ DES ANNONCES DU JOUR

  • Retour dès maintenant du télétravail
  • Tests de dépistage rapide pour toute la population disponible en pharmacie à partir de lundi
  • Maintient des rassemblements jusqu’à 20 personnes vaccinées à Noël pour l’instant
  • Recrutement intensif de vaccinateurs via la plateforme Je contribue
  • Possibilité de devancer l’administration de la 3e dose aux personnes de 60 ans et plus avant janvier.
  • Imposition du port du masque de procédure dans les lieux communs en résidences privées pour aînés

Ariane Lacoursière, La Presse