Devant la hausse du nombre de cas de COVID-19 au Québec et l’inquiétude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) face au variant Omicron, faut-il ouvrir les vannes de la troisième dose ? Non, car on doit surtout procéder de façon « logique » et « progressive », réitèrent les experts, alors que le gouvernement a annoncé mardi l’élargissement de l’administration d’une « dose de rappel » à certains groupes.

« Je suis beaucoup plus favorable à y aller de façon logique, avec la même séquence qu’on a utilisée lors des deux premières doses, parce que déjà, en termes de temps, c’est beaucoup plus réaliste. L’intervalle de six mois, il se déplace dans le temps plus la population est jeune. Ça a du sens comme ça », affirme à ce sujet Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Au Québec, l’intervalle minimum entre les deuxième et troisième doses est en effet de six mois, entre autres parce que les données provinciales montrent que la protection demeure bonne même après ce temps. En France, en Israël, en Italie ou à Singapour, l’intervalle est plutôt de cinq mois. En Uruguay, où 40 % de la population a déjà reçu sa troisième dose, on permet d’obtenir cette dernière 90 jours après la précédente, mais dans un scénario vaccinal fort différent, soit deux doses du vaccin de Sinovac et la troisième de Pfizer.

Chez nous, M. Lamarre indique qu’il ne verrait pas l’« avantage » d’étendre l’admissibilité à une troisième dose aux 18 ans et plus, comme l’a notamment fait l’Alberta, car « pour plusieurs jeunes Québécois, ça ne fait même pas six mois qu’ils ont été vaccinés ».

Même son de cloche chez la Dre Maryse Guay, professeure au département des sciences de la santé communautaire à l’Université de Sherbrooke. « La science, ça bouge », dit-elle. Elle soutient que dans quelques mois, la troisième dose contiendra peut-être « une recette distincte contre le variant Omicron », soulignant que l’approche du gouvernement est en ce sens prudente et « réaliste ».

L’OMS a d’ailleurs annoncé mercredi que le variant Omicron semble présenter un taux de réinfection plus élevé, mais provoque des symptômes moins graves. Par ailleurs, les laboratoires de Pfizer et BioNTech ont assuré que leur vaccin était « toujours efficace » après trois doses contre ce variant, mais poursuivent tout de même « la mise au point d’un vaccin spécifique » contre Omicron, espérant « le rendre disponible d’ici au mois de mars, au cas où une adaptation serait nécessaire ».

Aussi un enjeu de main-d’œuvre

Mardi, en point de presse, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, avait rappelé que les autorités ne pouvaient élargir l’admissibilité à la troisième dose trop rapidement en raison de la capacité du réseau de la santé. « Je veux juste que les gens comprennent qu’on a un équilibre à [maintenir] », avec « un réseau qui est déjà fragile, où on ne peut pas aller chercher des infirmières qu’on n’a déjà pas dans le réseau », a-t-il dit, en appelant les 60 à 69 ans à patienter jusqu’au mois de janvier pour prendre rendez-vous.

« Je rappelle que si des gens peuvent venir nous aider, surtout ceux qui étaient déjà dans Je contribue ! et qui voudraient venir nous aider jusqu’aux Fêtes ou un petit peu après les Fêtes, on va les prendre avec plaisir », a-t-il lancé au passage.

La Dre Guay abonde en ce sens. « Il faut bien voir que de toute façon, le réseau n’est pas encore en mesure de vacciner tout le monde maintenant. » Elle rappelle que la vaccination des autres tranches d’âge se fera après Noël, ce qui laisse le temps « d’analyser la situation pour prendre les meilleures décisions ». « On se donne le temps de voir ce qui se passe ailleurs, pour ajuster nos décisions », dit celle qui est aussi médecin-conseil à la Direction de santé publique et à l’Institut national de santé publique du Québec.

À l’INRS, Alain Lamarre affirme que les « défis de personnel » seront nombreux avec la troisième dose. « Si on ouvrait ça dès maintenant à tout le monde, ça serait très compliqué, d’autant plus que certaines personnes [à risque] pourraient se retrouver plus loin parce qu’elles se seraient fait prendre leur place par des gens moins à risque. On ne veut pas ça », glisse-t-il.

« Reste qu’il faudra être flexible. Si on voit que ce n’est pas tout le monde qui prend son rendez-vous dans une tranche d’âge donnée, il faut rapidement passer à la prochaine, un peu comme ça s’est fait dans les premières vagues. C’est ce qui va nous permettre d’aller le plus vite possible, et de vacciner toutes les populations à risque », conclut l’expert.

Suivez la progression de la pandémie en temps réel dans notre page de graphiques interactifs.