Tandis que le nombre de cas de COVID-19 monte en flèche chez les plus jeunes, les grands-parents pourront-ils voir leurs petits-enfants pendant les Fêtes ? Des experts en épidémiologie disent que oui. Des associations de médecins en poste dans les urgences de la province sont pour leur part plus inquiètes de l’impact de grands rassemblements sur un réseau déjà saturé.

André Veillette, professeur de médecine et directeur de l’Unité de recherche en oncologie moléculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, fait les recommandations suivantes pour des Fêtes sécuritaires : que les invités soient pleinement vaccinés, que ceux qui ont des symptômes « restent chez eux », qu’on utilise des tests rapides, que les 70 ans et plus se « dépêchent » d’aller chercher leur troisième dose. Et, bien sûr, qu’on n’oublie pas d’aérer les pièces.

En prenant toutes ces précautions, « le risque n’est pas zéro, mais il est quand même assez faible », affirme-t-il.

« Si tout le monde est vacciné pleinement, que les enfants, même s’ils ne sont pas vaccinés, n’ont pas la morve au nez, que les tests rapides sont négatifs et qu’ils sont faits correctement, la probabilité d’attraper la COVID n’est pas très grande. »

La pédiatre microbiologiste-infectiologue Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine, va plus loin : « On ne peut pas demander à des grands-parents de vivre un deuxième Noël sans leurs petits-enfants », dit-elle.

« Il y a quand même un besoin de rapprochement qui est là et il y a moyen de le faire de façon relativement sécuritaire, assure-t-elle. Je ne dis pas qu’on est capables de faire un party à 50 dans le sous-sol comme on le faisait avant. On peut faire des rencontres avec moins de gens, mais je pense que les petits-enfants doivent être capables de voir leurs grands-parents. »

La Dre Quach-Thanh insiste aussi sur l’importance d’administrer une troisième dose aux 70 ans et plus et de distribuer des tests rapides.

Ce qu’on espère, c’est que les grands-parents aient leur troisième dose avant Noël, et que, par ailleurs, si on a accès à des tests rapides, qu’on soit capables de tester les enfants avant des rencontres entre des petits et les plus vieux. Ça rajoute quand même une couche de protection.

Caroline Quach-Thanh, pédiatre microbiologiste-infectiologue

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, croit aussi qu’il y a moyen d’organiser des Fêtes sécuritaires entre les grands-parents et leurs petits-enfants. Elle presse par ailleurs Québec d’offrir une troisième dose aux 50 ans et plus, comme le recommande « fortement » le Comité consultatif national de l’immunisation, de même qu’au personnel de la santé.

« Pourquoi faire courir des risques aux travailleurs de la santé qui vont être au front durant les Fêtes ? », demande-t-elle.

Pédiatre au CHU Sainte-Justine, le DOlivier Drouin conseille pour sa part aux parents de faire vacciner leurs enfants au plus vite.

« Même si l’efficacité de la première dose n’est pas parfaite, je pense que la meilleure façon de mettre les chances de notre côté, c’est d’avoir les enfants de 5 à 11 ans vaccinés avant qu’ils ne voient leurs grands-parents, explique-t-il. C’est encore faisable avant la période des Fêtes. La production d’anticorps débute presque aussitôt que le vaccin est administré. Si on se demande si c’est mieux que l’enfant soit vacciné une semaine avant Noël ou pas vacciné, c’est clairement mieux qu’un enfant soit vacciné une semaine avant Noël. »

Un système surchargé

Toutefois, toutes ces précautions n’empêcheront probablement pas une recrudescence des hospitalisations après les Fêtes. Les projections de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), publiées la semaine dernière, indiquent en effet que dans la plupart des scénarios, même ceux où les Québécois respectent les normes sanitaires et que la vaccination des enfants va bon train, on assistera à une certaine remontée des hospitalisations en janvier.

C’est pourquoi les deux principales associations de médecins travaillant dans les urgences craignent que si de trop grands rassemblements se tiennent durant les Fêtes, la pression sur le système hospitalier déjà surchargé soit considérable.

« C’est déjà très occupé dans les urgences actuellement, note le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec. Et traditionnellement, on le sait que la période des Fêtes est toujours plus difficile. »

« Le réseau est déjà saturé », ajoute la présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec, la Dre Judy Morris.

Les étages des hôpitaux sont pleins. Et on n’a pas encore tout le personnel nécessaire. […] On ne veut pas être alarmistes, mais si on ajoute plus de cas de COVID, ce ne sera pas beau.

La Dre Judy Morris, présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec

Québec doit dévoiler cette semaine son plan pour la période des Fêtes.

Entre 10 et 15 % des lits d’hôpitaux du Grand Montréal sont actuellement fermés en raison du manque de personnel. Chaque année, durant les Fêtes, les hôpitaux doivent réduire la cadence de leurs opérations pour tenir compte des congés des travailleurs.

La hausse du nombre de cas de COVID-19 actuellement touche surtout les jeunes, et ne se traduit pas par un afflux massif de patients aux urgences ou d’hospitalisations. « Mais on recommence à voir [des cas] qui se présentent aux urgences. Il y a encore des gens non vaccinés. Ce qui est inquiétant avec les partys de Noël, c’est que les jeunes vont côtoyer les patients plus âgés et le risque d’infection sera là », dit la Dre Morris.

« Plus on augmente le nombre de cas, plus on augmente les chances d’avoir des patients plus malades », résume le DBoucher, qui plaide pour que la population continue de respecter les mesures sanitaires. Si de grands rassemblements étaient autorisés pendant les Fêtes, il ne serait pas surprenant « que le taux d’occupation dans les urgences explose après Noël », croit-il.

Chaque mesure qui est enlevée fait diminuer la protection contre la COVID et fait augmenter les cas.

Le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec

Déjà, de plus en plus de travailleurs aux urgences doivent s’absenter pour prendre soin de leurs enfants qui contractent la COVID-19, explique le DBoucher.

En attendant les directives de Québec sur les rassemblements des Fêtes, plusieurs hôpitaux du Grand Montréal ont annulé leur fête de Noël en présentiel, note le DBoucher, « car le risque d’infection est trop grand ».

La Dre Morris ajoute que des travailleurs de la santé, même s’ils sont vaccinés, reçoivent aussi des diagnostics positifs de COVID-19, contaminés par leurs enfants ou sur leur lieu de travail. Ces travailleurs sont pour la plupart très peu malades, « mais ils doivent s’absenter durant 10 jours du travail pour ne contaminer personne », fait savoir la Dre Morris. Des absences qui pèsent lourd sur les équipes déjà en surcharge, note la médecin.

Pour la Dre Morris, il est urgent que Québec autorise l’administration d’une troisième dose aux travailleurs de la santé et les mette en priorité.

Vendredi, le Comité consultatif national sur l’immunisation a recommandé d’autoriser une troisième dose pour tous les Canadiens de 18 ans et plus. Pour l’instant au Québec, seuls les 70 ans et plus peuvent recevoir une troisième dose six mois après leur dernière. Les personnes immunosupprimées, celles résidant en CHSLD et en résidence privée pour aînés, ainsi que celles ayant reçu deux doses du vaccin d’AstraZeneca sont aussi admissibles.

Québec a demandé un avis au Comité sur l’immunisation du Québec sur les troisièmes doses.

Le ministre de la Santé fera le point ce mardi sur la campagne de vaccination et il sera question d’une planification pour une dose de rappel à certaines tranches de la population, selon nos informations. « On devrait prioriser le personnel de première ligne et en CHSLD. Parce qu’on manque de personnel. Perdre un travailleur 10 jours, ça a un grand impact », plaide la Dre Morris.

Avec la collaboration de Fanny Lévesque

Le variant Omicron ne circule vraisemblablement pas au Québec

Selon une enquête réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec, le variant Omicron ne semble pas circuler au Québec pour l’instant. Tous les échantillons de tests positifs à la COVID-19 du 30 novembre ont fait l’objet d’une analyse de criblage, lorsque la charge virale de l’échantillon était assez grande. Résultat : sur les 1174 échantillons positifs dépistés, 894 ont été criblés. De ce nombre, aucun variant Omicron n’a été détecté. À ce jour, un seul cas du variant Omicron a été confirmé au Québec. Il s’agit d’un voyageur revenant du Nigeria et résidant au Québec.

Suzanne Colpron, La Presse