Plus de six mois après le début de la vaccination des adolescents, Montréal est toujours en queue de peloton au Québec dans cette catégorie d’âge. État des lieux.

Un retard jamais totalement rattrapé

Fin mai, la prise de rendez-vous débutait pour la vaccination des 12-17 ans. Un mois plus tard, à l’aube des vacances d’été, la Santé publique constatait que, déjà, les adolescents montréalais avaient été moins nombreux que les autres à aller chercher une première dose. Seuls 55 % des 12-17 ans étaient vaccinés, alors que la moyenne provinciale atteignait déjà 68 %. Le DPaul Le Guerrier, médecin-conseil à la Direction régionale de la santé publique de Montréal, a mis sur pied une stratégie pour attirer les adolescents. « On a travaillé tout l’été pour augmenter cette couverture vaccinale », dit-il. Cliniques éphémères au Centre Bell ou dans les parcs, séances d’information dans plusieurs langues, retour dans les écoles cet automne pour distribution de doses… Six mois plus tard, l’écart s’est rétréci avec le reste du Québec, mais n’a pas été complètement effacé.

Vaccination des 12-17 ans

Québec : 83,3 % (une dose), 79,8 % (adéquatement vaccinés)

Montréal : 77 % (une dose), 72 % (adéquatement vaccinés)

Sources : INSPQ et Santé Montréal

Motiver les ados

Pourquoi les ados montréalais semblent-ils un peu moins enthousiastes que les autres à relever leur manche ? C’est ce que l’équipe du DLe Guerrier a tenté de comprendre. « Quand on a fait un sondage en juin, il y avait moins de cas de COVID-19 », dit-il pour expliquer le manque de motivation de certains en début d’été. « Il y avait aussi l’idée que comme les “autres” se faisaient vacciner, eux n’avaient pas besoin de le faire. Pour d’autres, il y avait des obstacles d’ordre religieux. Certains avaient des contraintes d’accessibilité, le trajet en autobus ou en métro était trop long. Et puis, il y avait de fausses informations tenaces dans certaines communautés ethniques et culturelles selon lesquelles le vaccin pouvait peut-être empêcher les femmes d’avoir des bébés. » Dans ce dernier cas, les spécialistes ont longuement expliqué que non, ni le vaccin ni les anticorps qu’il engendre ne rendent les femmes infertiles.

Succès de l’Ouest-de-l’Île

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Plusieurs secteurs de l’Ouest-de-l’Île de Montréal ont atteint la cible de 80 % d’adolescents vaccinés.

Il faut se rendre tout au bout de l’île, à Senneville, pour trouver la proportion d’ados montréalais les plus vaccinés : 88 %. Moins d’une centaine d’adolescents vivent cependant dans ce « village » où la population est plus favorisée que dans le reste de l’île. Mais plusieurs autres secteurs de l’Ouest-de-l’Île ont atteint la cible de 80 % d’adolescents vaccinés. Marie-Florente Démosthène, coordonnatrice aux activités de santé publique du CIUSSS local, attribue elle aussi ce succès aux efforts déployés pendant l’été. « On a déployé des équipes de professionnels pour discuter avec eux de la vaccination, ce qu’ils en pensaient, donner de l’information, déboulonner quelques mythes, tout ça sans jugement et sans les forcer. » Toutes les écoles secondaires privées et publiques de même que les cégeps ont été visités cet automne pour donner des premières ou des deuxièmes doses.

Proportion des 12-17 ans adéquatement vaccinés

Dorval : 80,5 %
Pointe-Claire : 80,6 %
Kirkland : 85,2 %
Beaconsfield : 81,9 %
Baie-D’Urfé : 80,9 %
L’Île-Bizard–Sainte-Geneviève : 80,8 %

Plus d’efforts et moins de résultats

D’autres secteurs de l’île accusent un peu plus de retard. Ce n’est pas faute d’y avoir mis les efforts, dit Mme Démosthène. « C’est sûr que dans les quartiers comme Pointe-Claire, on a affaire à une population qui est beaucoup plus habituée à aller chercher les services dont elle a besoin que dans d’autres secteurs, comme à Dollard-des-Ormeaux. » Des cliniques de vaccination locales, pour contourner l’obstacle du transport invoqué par plusieurs familles, ont été ouvertes. Mais dans le quartier de LaSalle Heights, où le taux de vaccination est plus bas qu’ailleurs (58 % de la population totale est adéquatement vaccinée), les efforts déployés n’ont pas encore été suffisants pour atteindre la cible. « On ne se cache pas qu’on a des efforts à faire pour amener les gens à bien saisir les bienfaits et les avantages de la vaccination, dit Mme Démosthène. Tant que la couverture n’est pas suffisante, les quartiers plus fragiles sont plus vulnérables à des éclosions. »

Outremont

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

À Outremont, où une bonne proportion des jeunes font partie de la communauté hassidique, seulement 57,5 % des ados sont adéquatement vaccinés.

En plein centre de l’île, un arrondissement se distingue : celui d’Outremont, où seulement 57,5 % des ados sont adéquatement vaccinés (62 % ont eu une première dose). C’est le plus faible taux de tous les arrondissements et villes de l’île. Une bonne proportion des jeunes d’Outremont font partie de la communauté hassidique. Sam Muller, qui a organisé des campagnes de vaccination dans le quartier avec le Conseil des juifs hassidiques du Québec, souligne que plusieurs raisons peuvent expliquer le peu d’empressement des jeunes ultraorthodoxes à se faire vacciner. « On essaie toujours de comprendre pourquoi, dit Sam Muller. Certains jeunes considèrent qu’ils ne sont pas à risque de souffrir de complications, certains ont peur des effets secondaires du vaccin, et certains aussi sont mal informés. » Les leaders de la communauté, dont plusieurs rabbins, ont incité les juifs hassidiques à se faire vacciner, rappelle-t-il. « On espère que plus il y aura de gens vaccinés, plus ça encouragera les autres à le faire. » Le DLe Guerrier ajoute qu’il n’exclut pas non plus la possibilité que, compte tenu des relations très proches entre les communautés juives hassidiques de Montréal et de New York, certains membres se soient fait vacciner aux États-Unis, mais n’aient pas enregistré leur vaccin au Québec, échappant ainsi aux statistiques.

Quartiers riches, quartiers pauvres

Le printemps dernier, les taux de vaccination dans les quartiers défavorisés étaient beaucoup moins élevés, du simple au double, que dans les quartiers aisés de Montréal. Depuis, la situation a été un peu rétablie, avec une différence de moins de 15 %. À Montréal-Nord, par exemple, la proportion de personnes adéquatement vaccinées est maintenant de quelque 70 %. Selon Tammy Bui, de l’organisme WeCanVax, cela a été accompli grâce à une campagne de sensibilisation à l’égard des minorités. « Dans Parc-Extension, nous avons mis des photos de jeunes adultes de ces minorités sur les publicités de vaccination, nous avons traduit les affiches en ourdou, en hindi, en punjabi. C’est important pour rejoindre ces groupes. »

Avec la collaboration de Mathieu Perreault, La Presse

Quel est le « vrai » taux de vaccination ?

Les données sur le site de l’INSPQ diffèrent des données publiées par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), avons-nous remarqué vendredi. Par exemple, selon l’INSPQ, 79,8 % des 12-17 ans sont considérés comme « adéquatement vaccinés », alors que le MSSS indique que cette proportion est de 88 %. Joints par La Presse, tant le Ministère que l’INSPQ ont reconnu vendredi que les méthodologies utilisées étaient différentes. Des réponses plus détaillées quant à ces méthodes de calcul seront fournies la semaine prochaine.