Les accrocs au protocole de recherche dénoncés chez l’un des sous-traitants de Pfizer ont un caractère « problématique », « préoccupant », « troublant », mais ils ne remettent pas en question l’efficacité et l'innocuité du vaccin contre la COVID-19, assurent plusieurs experts québécois consultés par La Presse.

Un sous-traitant de Pfizer, qui a réalisé des essais cliniques sur son vaccin à l’automne 2020, a commis plusieurs manquements au protocole de recherche, révèle la revue médicale British Medical Journal (BMJ) en citant une lanceuse d’alerte.

« Pour les chercheurs qui testaient le vaccin de Pfizer sur plusieurs sites du Texas, la rapidité pourrait avoir été atteinte au prix de l’intégrité des données et de la sécurité des patients », écrit le BMJ dans une enquête publiée mardi.

« C’est toujours troublant quand on entend parler de choses qui n’auraient pas été faites correctement », reconnaît le DAndré Veillette, chercheur à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et membre du groupe de travail fédéral sur les vaccins contre la COVID-19.

« Le réconfort qu’on peut avoir, c’est que les résultats des études de phases II et III de Pfizer ont été confirmés mondialement », rappelle-t-il. « C’est clair que ces vaccins sont sécuritaires et efficaces. »

Le sous-traitant dénoncé est le Ventavia Research Group (VRG), société à capital fermé fondée au Texas en 2013, qui exploite des sites de recherche dans neuf villes de l’État.

Le BMJ cite une lanceuse d’alerte comptant plus de 15 ans d’expérience dans la gestion et la coordination de recherches cliniques, qui a travaillé deux semaines chez Ventavia en septembre 2020. Après avoir informé l’entreprise de multiples problèmes, dont un suivi des évènements indésirables trop lent et des lacunes dans la formation du personnel, elle a porté plainte à la Food and Drug Administration (FDA), et a été congédiée le jour même.

« C’est préoccupant, surtout pour des études cliniques », note Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie, virologie et cancer à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

« Par contre, est-ce que ça remet en question toute l’intégrité du processus ? Je ne crois pas », dit-il en soulignant qu’il s’agit de quelque 1000 patients sur trois sites, alors que l’ensemble de l’essai clinique en comptait environ 44 000 sur 153 sites.

Le fait qu’il y a beaucoup d’autres sites que ceux « identifiés comme problématiques » permet aux organismes réglementaires de faire une évaluation solide, estime aussi le DDenis Leclerc, professeur de biologie médicale à la faculté de médecine de l’Université Laval. « C’est sécurisant, dit-il. Tu peux faire une analyse statistique qui soit forte et faire de bonnes recommandations. »

Deux autres ex-employés ayant une longue expérience des essais cliniques ont d’ailleurs indiqué n’avoir jamais vu un environnement de travail aussi désordonné que chez Ventavia, rapporte le BMJ.

Les 5 à 11 ans

Ces dénonciations surviennent alors que la vaccination des 28 millions de petits Américains de 5 à 11 ans vient de recevoir le feu vert. La FDA a accordé une autorisation en urgence au vaccin Pfizer-BioNTech vendredi dernier, et les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) l’ont recommandé mardi, indiquant que l’administration pouvait commencer « dès que possible ».

Le Canada ne s’est pas encore prononcé sur la requête soumise par Pfizer-BioNTech le 18 octobre.

Santé Canada devrait obtenir des explications de Pfizer sur les allégations publiées par le BMJ, estime le DVeillette.

« Je ne doute pas qu’ils vont faire le tour de la question, mais ce serait bon que le public soit aussi sûr qu’ils vont le faire. C’est leur responsabilité. »

Santé Canada n’a pas été en mesure de répondre aux questions de La Presse à ce sujet mercredi.

Le Ministère a par ailleurs dû rectifier le tir après avoir semé l’inquiétude avec un gazouillis évoquant des mois d’attente pour les 5 à 11 ans.

La publication de mardi soir, qui a été retirée, était une erreur, a reconnu un porte-parole, qui s’est dit « désolé pour la confusion que cela a pu causer ».

« La demande sera en fait examinée dans les semaines à venir », précise le premier d’une série de microbillets publiés mercredi sur le compte Twitter de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada.

CAPTURE D'ÉCRAN, LA PRESSE

Un gazouillis du Ministère a semé l'inquiétude, mardi soir, avant d'être retiré.

Il faudra encore attendre « quelques semaines » avant l’approbation, avait pour sa part indiqué la conseillère médicale en chef de Santé Canada, Supriya Sharma, en conférence de presse vendredi.

« Je ne vois pas de décision avant le milieu ou la fin du mois de novembre, au plus tôt, avait-elle précisé. Cela dépend des données et du va-et-vient [pour les valider]. »

Le gouvernement du Québec a déjà déclaré qu’il se tiendrait prêt à donner une première dose aux enfants de 5 à 11 ans d’ici Noël. Mais une fois l’homologation de Santé Canada accordée, il devra aussi attendre la recommandation du Comité sur l’immunisation du Québec pour aller de l’avant.

— Avec Mylène Crête, La Presse