Même si la transmission par inhalation de la COVID-19 a été reconnue par différentes autorités, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) n’en tient toujours pas compte dans certains de ses avis, affirme Geneviève Marchand, microbiologiste et chercheuse à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST).

Mme Marchand a témoigné jeudi à l’enquête publique du Bureau du coroner qui se penche sur les décès survenus en CHSLD au Québec durant la première vague de COVID-19.

Dès avril 2020, Mme Marchand a publiquement remis en question le fait que l’INSPQ mettait de côté le risque de transmission aérienne du virus de la COVID-19 et priorisait le mode de transmission par gouttelettes-contact. Selon Mme Marchand, il y avait dès le début de la pandémie « suffisamment de données et d’information au niveau de la science pour nous permettre de faire beaucoup plus » et de juger que la transmission par inhalation était « plausible ».

Pour se protéger d’un virus se transmettant par inhalation, différentes mesures doivent être adoptées par les travailleurs de la santé, dont le port d’un appareil de protection respiratoire comme un N95. Au Québec, le port du N95 a été limité pendant des mois aux seules procédures générant des aérosols, comme les intubations. Les travailleurs en zone chaude ne portaient que des masques médicaux (dits « de procédure »).

Au fil des mois, plusieurs autorités ont reconnu le mode de transmission par inhalation de la COVID-19, dont les CDC américains, a indiqué Mme Marchand.

« Il faut faire plus que moins »

En mars 2021, un jugement du Tribunal administratif du travail concluait aussi que le masque N95 devait être porté en zone tiède et chaude au Québec. Dès le lendemain, la CNESST formulait une recommandation allant en ce sens. Le jugement du TAT a été porté en appel. Mais en attendant, c’est la recommandation de la CNESST qui s’applique, explique le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Malgré tout, Mme Marchand s’explique mal comment l’INSPQ a pu, dans un avis publié en juillet 2021, recommander aux travailleurs de la santé œuvrant à moins de deux mètres d’un cas suspecté ou confirmé de COVID-19 de porter un « masque de procédure » de niveau 2. Ce type de masque n’est pas un appareil de protection respiratoire comme le N95, a expliqué Mme Marchand.

« Malgré l’accumulation de données qui démontrent la plausibilité de la transmission par inhalation, les moyens de prévention recommandés par les PCI demeurent la précaution gouttelette/contact et s’adaptent peu à la transmission par inhalation », dit Mme Marchand.

Celle-ci affirme qu’en janvier 2021, l’INSPQ avait adopté une nouvelle terminologie entourant la transmission de la COVID-19. Sur le site internet de l’INSPQ, on écrit que la COVID-19 « se transmet principalement lors de contacts rapprochés entre les personnes, à moins de 2 mètres de distance, et prolongés durant plus de 15 minutes. Une part de cette transmission se fait par les aérosols dans l’air ».

Devant la coroner Géhane Kamel, Mme Marchand a affirmé qu’il « faut faire plus que moins dans des situations de pandémie où on a eu des milliers de morts et plus de 40 000 travailleurs de la santé infectés ».

L’INSPQ n’a pas voulu commenter les propos de Mme Marchand. La Dre Jocelyne Sauvé, la Dre Chantale Sauvageau et le DJasmin Villeneuve de l’INSPQ témoigneront devant la coroner le 10 novembre prochain.

« On a fait payer le prix aux vieux »

Plus tôt dans la journée, le président du Conseil pour la protection des malades, Claude Brunet, a présenté une série d’articles de journaux qui exposaient, dès février 2020, que les personnes âgées étaient les plus à risque avec la COVID-19.

« Si moi, comme citoyen, j’ai réussi à faire une revue de presse, a-t-elle été faite par les autorités ? La Santé publique a-t-elle fait une vigie de ce qui se passait ailleurs ? », a-t-il demandé.

Pour M. Brunet, le gouvernement a été bien trop lent à agir pour protéger les aînés. « Toutes ces inactions auront contribué au décès de combien de personnes ? […] C’est comme si on a voulu protéger la population bien portante et qu’on avait fait payer le prix aux vieux. » M. Brunet a aussi rappelé que le quart des résidants de CHSLD reçoivent du soutien de proches aidants au Québec. Quand le gouvernement a interdit toute visite le 23 mars 2020, c’est donc 10 000 proches aidants qui n’ont plus été en mesure d’intervenir. « Cette expulsion a empêché les résidants de CHSLD de recevoir les soins de base. D’être hydratés… » déplore M. Brunet. L’enquête de la coroner se poursuit la semaine prochaine.