(Toronto) L’Ontario n’imposera pas la vaccination obligatoire au personnel hospitalier malgré le soutien d’experts et d’intervenants, engendrant des appels à ce que le gouvernement dévoile les preuves en fonction desquelles il a pris sa décision.

Le premier ministre Doug Ford a évoqué mercredi des preuves de pénuries ailleurs au Canada en raison de la vaccination obligatoire et a déclaré que les politiques existantes assureront la sécurité des personnes sans créer une rupture de services due au retrait des travailleurs qui refusent de se faire vacciner.

« Je ne suis pas prêt à mettre en péril la prestation de soins pour des millions d’Ontariens, a expliqué mercredi M. Ford, dans une déclaration écrite. Après avoir examiné les preuves, notre gouvernement a décidé de maintenir son approche flexible en laissant aux hôpitaux les décisions en matière de ressources humaines. »

La décision de M. Ford survient après qu’il eut écrit aux hôpitaux et à d’autres parties prenantes le mois dernier pour solliciter leur avis sur la question. Il a déclaré que le gouvernement avait examiné ces réponses et des « preuves concrètes » et avait décidé de s’en tenir à son approche actuelle.

À l’heure actuelle, les travailleurs hospitaliers de l’Ontario doivent se faire vacciner ou subir régulièrement des tests de dépistage du virus, bien que de nombreux hôpitaux aient adopté des politiques plus strictes. Les hôpitaux qui ont mis en congé ou licencié des employés non vaccinés ont signalé des pertes de personnel comprises entre un et 3 %.

Le premier ministre Ford a souligné les taux de vaccination déjà élevés dans les hôpitaux comme un autre facteur soutenant sa décision. Il a déclaré que les hôpitaux sont capables de gérer les éclosions du virus avec de solides protocoles de contrôle des infections.

Sa déclaration faisait également référence à des nouvelles d’annulations de chirurgies en Colombie-Britannique en raison de pénuries de personnel après l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire et de la décision du Québec de revenir sur sa décision en raison d’enjeux de ressources humaines.

M. Ford a déclaré que le gouvernement continuerait de surveiller la situation et pourrait revoir sa politique.

Des inquiétudes ont par la suite été soulevées concernant le nombre de licenciements potentiels évoqués par M. Ford dans sa déclaration, dans laquelle il affirmait que « des dizaines de milliers » de travailleurs pourraient perdre leur emploi advenant que la vaccination obligatoire entre en vigueur.

La ministre de la Santé, Christine Elliott, a déclaré plus tard aux journalistes que cette donnée était « basée sur la compréhension du premier ministre de la situation avant l’envoi de la lettre ». Elle n’a pas fourni de chiffre plus précis sur les licenciements potentiels, si ce n’est de dire que l’impact de la vaccination obligatoire « pourrait être considérable ».

Mme Elliott a déclaré que la province accorde la priorité à la reprise des chirurgies et autres procédures qui ont été reportées pendant la pandémie.

« Les gens attendent depuis assez longtemps, a-t-elle soutenu. Nous avons la responsabilité de protéger la santé et le bien-être de tous les Ontariens, c’est pourquoi cette décision est la bonne décision pour l’Ontario en ce moment. »

L’Ontario a rendu obligatoire la vaccination contre la COVID-19 pour les travailleurs des soins de longue durée. Le personnel doit être vacciné avant la date limite du 15 novembre. M. Ford a cependant déclaré à plusieurs reprises qu’il était réticent à imposer la vaccination obligatoire.

La ministre Elliott a déclaré mercredi que certains hôpitaux avaient indiqué qu’ils étaient contre la politique en raison de pertes potentielles d’employés, mais elle a refusé de nommer les hôpitaux ou combien d’entre eux étaient opposés.

L’Association des hôpitaux de l’Ontario avait écrit à Ford pour appuyer la vaccination obligatoire à l’échelle de la province — une position qui, selon elle, a été approuvée par 120 des 141 hôpitaux membres.

Les politiciens de l’opposition ont appelé le gouvernement à partager des documents et des données étayant ses affirmations.

La cheffe du NPD, Andrea Horwath, a déclaré qu’elle était sceptique quant au chiffre de M. Ford relativement à l’ampleur de la pénurie potentielle de travailleurs.

« Si le gouvernement prend des décisions basées sur des faits, il devrait montrer aux gens sur quoi ils prennent leurs décisions. La ministre vient d’indiquer qu’elle n’est pas prête à le faire, a déclaré Mme Horwath. Les experts ont clairement indiqué qu’aucune personne non vaccinée ne devrait travailler dans des établissements de santé avec les plus vulnérables d’entre nous. »

Le leader parlementaire libéral John Fraser a accusé le gouvernement de « semer la peur » en ne faisant pas preuve de transparence quant à sa prise de décision.

La directrice de l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario, Doris Grinspun, a qualifié la décision de « honte pour les patients et pour la grande majorité des travailleurs de la santé qui appuient désespérément la vaccination obligatoire ».

Dans sa lettre à M. Ford, l’Association des hôpitaux de l’Ontario avait fait référence à l’augmentation du taux de vaccination dans les hôpitaux qui s’étaient dotés de politiques la rendant obligatoire et avait déclaré que les pénuries de personnel dues aux éclosions sont plus difficiles à gérer que celles liées à la vaccination obligatoire.

Mercredi, l’organisation a déclaré dans un communiqué qu’elle était déçue de la décision du gouvernement et serait favorable à un « dialogue continu » sur la question.

L’Ontario COVID-19 Science Advisory Table, un groupe d’experts qui conseille le gouvernement sur la pandémie, avait également écrit à M. Ford que les employés des hôpitaux qui ne sont pas vaccinés peuvent être en congé pendant de longues périodes s’ils sont infectés par la COVID-19, et a affirmé que la vaccination obligatoire rendrait les hôpitaux plus sûrs pour les patients vulnérables.

L’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario jugeait quant à elle raisonnable la politique actuelle de tests fréquents de dépistage pour les travailleurs non-vaccinés et a aussi fait état de préoccupations concernant d’éventuelles pénuries de personnel.