(Ottawa) Justin Trudeau a prévenu que les exemptions religieuses à la politique de vaccination obligatoire pour fonctionnaires seraient « extrêmement limitées et difficiles à obtenir », mais le Bloc québécois veut qu’elles soient abolies, point final.

Au lendemain de l’annonce de l’implantation de cette obligation vaccinale, le Bloc québécois demande au gouvernement fédéral de reculer sur ce volet de la politique, auquel le parti « s’oppose catégoriquement », manifeste-t-on dans un communiqué publié jeudi.

« La santé publique ne doit en aucun cas être compromise par les croyances religieuses personnelles des individus », a tranché Martin Champoux, porte-parole bloquiste en matière de Laïcité, Valeurs québécoises et Vivre-ensemble.

« Ottawa doit reculer et réserver l’exemption à la vaccination obligatoire pour les personnes qui ne peuvent se conformer aux règles pour des raisons de santé », a ajouté M. Champoux, déplorant ce « manque de cohérence » qui « porterait lourdement atteinte à la cohésion sociale ».

À ses yeux, cette « décision arbitraire et irresponsable d’autoriser une exemption religieuse à la vaccination obligatoire révèle que la stratégie du gouvernement Trudeau relève davantage du choix politique que de la recommandation scientifique ».

Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas précisé quels groupes religieux s’opposent aux vaccins contre la COVID-19 lorsqu’on lui a posé la question, mercredi. En revanche, il a noté qu’elles seraient « extrêmement limitées et difficiles à obtenir », et qu’une « conviction personnelle » antivaccin ne suffirait pas.

Avant lui, lors de la séance d’information technique qui avait été offerte aux médias, une cadre supérieure du gouvernement avait pris soin de mentionner que les leaders des principales religions avaient encouragé leurs ouailles à relever leur manche.

Une exemption pour quelles religions ?

Selon un recensement effectué aux États-Unis par le centre médical de l’Université Vanderbilt, au Tennessee, seul un petit sous-ensemble de confessions chrétiennes est réfractaire à la vaccination.

Le théologien Gilles Routhier, de l’Université Laval, n’arrive pas à identifier des groupes religieux dont la doctrine proscrirait la vaccination au Québec ou au Canada. « Il y a sans doute des groupes à l’intérieur des grandes religions qui sont antivaccin, mais je ne vois pas de prescription religieuse qui l’interdit », dit-il.

« Mais c’est bien possible – parce que les religions ne sont pas homogènes – qu’il y ait des groupes chez les juifs, chez les évangéliques, où dans le catholicisme, qui sont plus antivaccin », ajoute en entrevue celui qui enseigne à la Faculté de théologie et de sciences religieuses.

Les Témoins de Jéhovah refusent les transfusions sanguines, mais pas les vaccins. « Notre position depuis le début, ça a toujours été la même : c’est une question personnelle, pas une question religieuse. C’est à chaque membre de décider », explique Dany Esperanza, porte-parole régional au Québec.

« On a toujours appuyé les mesures gouvernementales ; par exemple, on a fermé les Salles du Royaume avant même que le gouvernement ne le demande », note celui qui représente la religion comptant quelque 130 000 adeptes au Canada, y compris environ 25 000 au Québec.

Plus théorique que pratique

Obtenir une exemption ne sera pas loin d’un chemin de croix : le fonctionnaire devra remplir un formulaire d’attestation, faire une déclaration sous serment devant un commissaire à l’assermentation, puis obtenir le feu vert d’un gestionnaire.

« Tu ne peux pas dire que tu es catholique et que dans ta version de la religion, même si le pape a dit qu’il faut se faire vacciner, tu n’y adhères pas. Tu ne peux pas déclarer que tu es un Jedi et dire que tu es contre la vaccination », insiste une source gouvernementale qui a demandé l’anonymat pour parler plus librement.

Si l’exemption existe dans la politique de vaccination obligatoire, c’est essentiellement pour respecter le droit constitutionnel à la liberté de religion, ajoute cette même personne : « L’exemption est théorique. Il n’y aura, à toutes fins pratiques, pas d’exemption ».

Pas d’exemption à Québec

À l’Assemblée nationale, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a averti que les travailleurs de la santé québécois ne pourraient invoquer un motif religieux pour éviter les piqûres. « C’est une recommandation de la santé publique […] Il n’y a pas de question religieuse là-dedans », a-t-il soutenu en conférence de presse.

« On peut comprendre la position du fédéral, c’est leur choix, mais nous, dans notre cas, il n’y a pas d’exception », a ajouté M. Dubé.