(Québec) À bout de patience, aux prises avec une importante éclosion de COVID-19 chez ses résidants, la directrice d’une résidence privée pour aînés de la Beauce accuse la ministre Marguerite Blais d’avoir dit « n’importe quoi » au Salon bleu en soutenant que des renforts lui ont été envoyés.

« Tout le monde n’ose pas parler, mais moi, j’en ai plein mon casque ! Je fais quasiment du 24 heures ici ! Je suis crinquée, et je commence à être tannée ! » lance Catherine Paré, directrice générale de la Seigneurie du Jasmin, à Saint-Georges.

Vingt-sept des 154 résidants sont atteints de la COVID-19, ce qui représente la deuxième éclosion en importance dans les RPA au Québec. Aucun membre du personnel n’est positif.

Catherine Paré dit avoir demandé en vain, au CISSS de Chaudière-Appalaches, des renforts pour offrir des soins aux résidants.

Interpellée au Salon bleu jeudi par la députée péquiste Lorraine Richard, Marguerite Blais a pourtant répondu que le CISSS « a donné les informations comme quoi cette résidence recevait actuellement de l’aide ». « Le CISSS prend ses responsabilités et aide sa résidence la Seigneurie ».

« Actuellement il y a un aide de service qui est dédié sur place, il y a la présence d’un infirmier à tous les jours pour évaluer les résidants, il y a la présence de la Croix-Rouge, il y a la disponibilité d’un médecin en tout temps. Il y a six ou sept gardiens qui ont été défrayés par le CISSS. Et il y a aussi un coach en salubrité et hygiène défrayé par le CISSS. Donc, le CISSS est présent », a soutenu Mme Blais.

Pour Catherine Paré, les propos de la ministre, « c’est n’importe quoi ».

Aucun aide de service n’a été dépêché sur place. Quant à l’infirmier du CISSS, il évalue l’état de santé des résidants, mais ne donne aucun soin – il y en a toujours un de toute façon, éclosion ou pas, précise Mme Paré. Cet infirmier ne s’est pas toutefois rendu dans la résidence jeudi parce qu’il est lui-même atteint de la COVID-19. Un autre devait le remplacer, en principe.

Le personnel de la Croix-Rouge « est ici pour poser des pancartes » qui délimitent la zone rouge et rappellent les règles sanitaires ; la résidence en avait pourtant déjà mis. « Ils ne donnent pas de soins », ajoute Mme Paré. Le coach de salubrité a fait des rappels au personnel au sujet des consignes sanitaires, « mais dans le day-to-day ça n’aide pas ». Un médecin est disponible en tout temps, mais son rôle est d’intervenir si un résidant se porte mal.

Des agents de sécurité sont bel et bien sur place afin de contrôler les allées et venues et surveiller des résidants qui ont des problèmes d’errance.

« La ministre n’a aucune idée de ce qui se passe sur le terrain. Même si elle met 18 agents de sécurité, il n’y a pas personne qui va être là pour aider une personne à se lever le matin, à aller se coucher le soir, à manger et apporter les cabarets », explique Catherine Paré.

« Écoutez, je n’ai même pas le temps de laver tout le monde dans une journée, et c’est rendu que je sers des déjeuners à 10 h 15 à des gens qui se lèvent à 5 h ! Ce dont on a besoin, ce sont des bras, et je n’en ai pas eus. »

Les RPA ne peuvent plus envoyer des résidants infectés dans des centres désignés pour la COVID-19, souligne-t-elle. Elle regrette qu’il n’y ait plus d’équipe volante pour prêter main-forte aux RPA en difficulté. « On n’a rien appris de tout ce qui est arrivé », laisse-t-elle tomber.

Elle ajoute que plusieurs jours s’écoulent avant d’obtenir les résultats de tests de dépistage. Une centaine de résultats se fait attendre.

Pour les résidants en zone verte, le CISSS lui a conseillé de « les isoler sans les restreindre ». « Est-ce que quelqu’un peut me faire la traduction pour que je comprenne ? » lance Mme Paré.

Déclaré positif le 1er octobre, l’un de ses employés est allé subir un autre test parce qu’il avait des doutes. Il a reçu un résultat, négatif, le 5 octobre. « Ça fait deux jours que je les harcèle pour savoir s’il peut travailler. Personne ne me répond », raconte-t-elle.

Le CISSS lui a proposé une « ligne de communication » pour échanger avec lui par courriel. « Combien de réponses j’ai eues ? Zéro. »

La résidence perdra cinq employés parce qu’ils ne seront pas adéquatement vaccinés au 15 octobre.

En début de soirée, quelques heures après la publication d’une première version de ce texte, le cabinet de Marguerite Blais a indiqué qu’un inspecteur du ministère sera envoyé à la résidence pour vérifier la qualité des soins. Il rappelle que la ministre s’est exprimée en Chambre sur la base d’informations transmises par le CISSS. De nouvelles vérifications faites auprès du CISSS permettent de croire qu’une aide supplémentaire sera fournie, selon lui. Une réunion a eu lieu entre la résidence et le CISSS.