Les autorités médicales israéliennes ont semé l’inquiétude en affirmant que l’efficacité du vaccin de Pfizer contre la COVID-19 diminuait après six mois, citant des « données internes ». Ces données viennent d’être publiées et sont moins catégoriques, selon des experts interviewés par La Presse. Une dizaine d’autres études tentent depuis quelques semaines de voir si le variant Delta change la donne en matière de vaccination. 

Intervalle

Le tableau de l’étude publiée le 30 août sur le site de prépublication MedRxiv est clair : après une baisse immédiatement après la vaccination, le risque d’infection recommence à augmenter trois ou quatre mois plus tard. La protection contre l’infection baissait de moitié, ont calculé les chercheurs israéliens. La protection contre les cas graves semblait cependant se maintenir.

L’explication des données israéliennes pourrait être l’intervalle entre les deux doses de vaccin, qui est de trois semaines en Israël. « Il semble que plus on attend entre les deux doses, meilleure est la protection, dit Andrés Finzi, immunologue à l’Université de Montréal. Les essais cliniques ont été faits avec 3 semaines entre les deux doses, mais à 16 semaines comme on le faisait au Québec au début de la vaccination, la protection est bien meilleure. » Mais est-ce qu’il y a moins de protection quand on a attendu seulement 8 semaines entre les deux doses ? « Entre 8 et 16 semaines, je ne crois pas qu’il y a une grosse différence, dans les deux cas, c’est très bon. » Une étude britannique prépubliée le 24 août sur MedRxiv n’a toutefois pas trouvé de différence d’efficacité en fonction de l’intervalle entre les deux doses. Mais il s’agissait d’une comparaison entre un intervalle de moins de deux mois et un intervalle de plus de deux mois, et non d’une comparaison entre un intervalle de moins d’un mois et un de plus de deux mois.

Gaston De Serres, épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), confirme qu’il y a vraisemblablement une efficacité moindre avec un intervalle de moins d’un mois, et qu’il n’y a probablement pas de différence entre des intervalles de 8 et de 16 semaines. « Il y a notamment une étude qui le montre avec le vaccin d’AstraZeneca », dit le DDe Serres. Il vient de publier dans la revue Clinical Infectious Diseases une étude montrant qu’une dose de vaccin Pfizer ou Moderna avait une efficacité de 95 % pour prévenir les hospitalisations chez les soignants québécois vaccinés l’hiver dernier, et que cette efficacité se maintenait 16 semaines, jusqu’à la deuxième dose.

Immunosupprimés

Andrés Finzi prévient qu’il est possible que cette baisse de protection soit attribuable aux immunosupprimés. On le sait maintenant, ces derniers doivent avoir deux doses rapprochées de vaccin, puis une troisième dose par la suite (les deux premières doses sont l’équivalent de la première dose pour la population en santé). « Je me demande pourquoi aucune des analyses n’est faite en stratifiant pour la présence d’immunosuppression ou de maladies chroniques », confirme Maryse Gay, spécialiste des vaccins à l’Université de Sherbrooke. Dans l’étude, « les graphiques sont tout de même éloquents, on semble voir la diminution de la protection chez les personnes vaccinées depuis plus longtemps. On ne semble pas voir une telle évolution au Québec pour l’instant ». Rogier Sanders, épidémiologiste à l’Université d’Amsterdam, qui vient de publier une étude sur l’efficacité du vaccin contre les variants Alpha, Bêta et Gamma, met lui aussi l’accent sur l’absence de données sur les immunosupprimés. « Aux Pays-Bas, on ne voit pas la même diminution d’efficacité avec le temps ni contre le variant Delta. »

Immunité naturelle

L’étude de M. Sanders, qui a été publiée le 3 septembre dans la revue Science Advances, montre que l’immunité naturelle est moins bonne que celle qui est conférée par un vaccin. « Mais si le patient a été hospitalisé, l’immunité naturelle est aussi bonne que le vaccin », dit l’épidémiologiste néerlandais.

Transmission après vaccination

L’autre grande inconnue est la transmission du variant Delta par les personnes qui sont infectées même si elles ont été vaccinées. Si le potentiel de transmission est semblable, l’une des justifications du passeport vaccinal devient caduque. À la mi-août, une étude des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) du gouvernement américain a montré qu’il y avait autant de virus dans le nez de personnes vaccinées infectées par le Delta que dans celui de personnes non vaccinées. L’étude britannique prépubliée le 24 août a montré la même chose. Mais une étude singapourienne, elle, a démontré que la quantité élevée de virus dans le nez dure moins longtemps chez les vaccinés. « J’ai des doutes sur l’étude singapourienne », affirme cependant Sarah Walker, de l’Université d’Oxford, auteure principale de l’étude britannique. « Et si la quantité élevée dans le nez des vaccinés dure peu longtemps, nous aurions dû le voir dans nos données. » La Dre Walker prévient cependant qu’il est possible que le virus dans le nez des personnes vaccinées soit moins vigoureux. « Il se peut que le virus soit présent dans le nez des vaccinés, mais qu’il soit entouré d’anticorps et donc moins susceptible d’infecter quelqu’un d’autre », explique M. Finzi.

COVID longue

Une autre étude britannique, publiée dans le Lancet, conclut quant à elle que la vaccination réduit du tiers le risque de « COVID longue », avec des symptômes durant plus d’un mois.

Le variant Delta en chiffres

2 : le variant Delta est deux fois plus contagieux que la souche originelle de Wuhan

40-60 : le variant Delta est de 40 % à 60 % plus contagieux que la souche Alpha, détectée pour la première fois en décembre au Royaume-Uni

Source : CDC