(Québec) Il n’y aura pas d’élargissement de la vaccination obligatoire dans l’appareil public au-delà des travailleurs de la santé, laisse entendre le premier ministre François Legault. Mais selon lui, les employeurs privés « ont le droit » d’obliger leurs travailleurs à être vaccinés, une déclaration nuancée par la suite par son ministre du Travail.

Lors d’une conférence de presse en marge de la réunion hebdomadaire de son Conseil des ministres, mercredi, François Legault a indiqué qu’il recevrait au cours des prochains jours les « recommandations finales » de la Santé publique au sujet de la vaccination obligatoire, un enjeu qui a fait l’objet d’une consultation en commission parlementaire la semaine dernière.

Le gouvernement prendra position « clairement » par la suite, mais François Legault a envoyé un signal assez clair. « Jusqu’à preuve du contraire, on garde notre position, c’est-à-dire la vaccination obligatoire seulement pour le personnel de la santé », a-t-il affirmé après avoir précisé qu’il avait eu une rencontre virtuelle avec la Santé publique mardi.

Au gouvernement, on a confirmé par la suite que la mesure ne serait pas étendue à d’autres travailleurs au sein de l’État, à la lumière des plus récentes discussions avec la Santé publique. Lors des consultations, le DHoracio Arruda s’est montré peu enclin à un élargissement, par exemple aux enseignants et aux éducatrices.

Selon une annonce faite avec les consultations en commission parlementaire, la vaccination obligatoire s’appliquera aux travailleurs de la santé en contact prolongé avec les patients (15 minutes), tant dans le réseau public que dans le secteur privé. Elle sera imposée aux employés des résidences privées pour aînés, aux soins à domicile ainsi qu’aux médecins. Ces personnes devront être pleinement vaccinées à compter du 15 octobre. Les employés qui refuseront d’être vaccinés pourraient être réaffectés à d’autres tâches où ils ne seraient pas en contact avec des patients. Si la réaffectation est refusée, le travailleur ne sera plus rémunéré.

Aux employeurs privés de décider

Lors de sa conférence de presse, François Legault a signalé que la vaccination pouvait être imposée dans le secteur privé. « Je veux être clair : les employeurs ont le droit d’exiger de leurs employés qu’ils se fassent vacciner », a-t-il soutenu.

« Ce que la Santé publique dit, c’est qu’il ne recommande pas aux employeurs, autant que possible, de ramener leurs employés dans les bureaux […]. Il y a certaines jobs où il faut revenir au travail, pensons aux usines, par exemple. Là, ça devient une décision de l’employeur, qui doit aussi assurer la sécurité des autres employés, des clients. Donc c’est aux employeurs à prendre cette décision. »

Pour le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon, « la protection des employés, la protection des citoyens priment ».

On veut que nos entreprises soient capables d’opérer. Les mesures qui peuvent être prises pour permettre ça, moi je les supporte à 100 %.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie

Le ministre du Travail, Jean Boulet, a apporté des nuances. Les employeurs doivent garder en tête que les employés ont des « droits fondamentaux prévus à la Charte [et] qu’il ne faut pas porter atteinte à ces droits, à moins que ça soit véritablement nécessaire et que le niveau de risque soit suffisamment élevé pour le justifier », a-t-il indiqué.

Ainsi, un employeur pourrait-il congédier un employé qui n’est pas vacciné, si ce même employeur impose la vaccination obligatoire sur son lieu de travail ? Le ministre Boulet a répondu à cette question de façon prudente.

« Dans un milieu de travail où les risques sont élevés, où il y a une possibilité sérieuse de propagation du virus si les gens viennent travailler sans le vaccin, l’employeur pourrait imposer le vaccin. Ceci dit, moi, je ne lui recommanderais pas de congédier si la personne n’est pas vaccinée. Il y a d’autres moyens alternatifs [comme] la réaffecter dans un autre environnement du lieu de travail », a-t-il affirmé.

« Si vous me posez la question de façon purement académique, le statut vaccinal ne peut pas être un facteur de discrimination, ni à l’embauche, et ne peut pas justifier un congédiement. Après ça, voyons les circonstances de chaque cas d’espèce », a ajouté le ministre, précisant que le gouvernement n’avait pas l’intention de s’immiscer dans l’exercice du droit de gestion des employeurs.

Critiques

De son côté, Québec solidaire accuse François Legault de « dire une chose et son contraire ». Son porte-parole en matière de santé, Vincent Marissal, déplore que le premier ministre déclare que la vaccination obligatoire ne s’appliquerait qu’au personnel soignant tout en affirmant que les employeurs privés peuvent l’imposer à leurs employés s’ils le veulent.

Peut-il cesser de jouer avec les nerfs du monde et rester cohérent ? Si François Legault veut élargir la vaccination obligatoire, qu’il soit transparent, qu’il cesse de le faire en catimini et qu’il commence par en débattre à l’Assemblée nationale afin de répondre à toutes les questions que cela soulève.

Vincent Marissal, porte-parole de Québec solidaire en matière de santé

Sans nommer directement le premier ministre mais en y faisant clairement référence, la FTQ soutient que « les propos de certains membres du gouvernement du Québec sur la vaccination obligatoire sont irresponsables ». Ce ne doit pas devenir un « bar ouvert pour les entreprises », plaide la centrale syndicale.

« Il appartient aux patrons d’instaurer des mesures d’accommodements avant de se permettre de transgresser les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses. Ce n’est pas aux employeurs d’imposer la vaccination et d’en définir les modalités. Si jamais cela devenait nécessaire, cela devra être justifié en fonction d’objectifs de la santé publique », a réagi son président Daniel Boyer.