(Québec) Alors qu’il s’apprête à rendre la vaccination obligatoire pour tous les travailleurs de la santé, Québec ne dispose d’aucune donnée sur la couverture vaccinale des employés des résidences privées pour aînés (RPA) ni ceux des ressources intermédiaires (RI). Ces milieux craignent que la nouvelle mesure ne provoque des ruptures de services.

« Nous sommes favorables [à cette mesure], mais inquiets », résume le président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), Yves Desjardins. Dans la foulée, il déplore l’absence de portrait global de la vaccination des travailleurs en RPA. Sans ces informations, il est difficile de prévoir quels seront les impacts de la vaccination obligatoire dans les ressources d’hébergement.

M. Desjardins s’explique mal pourquoi le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas colligé cette information en début de campagne, alors que les employés de la santé étaient les premiers appelés à se faire vacciner. Le RQRA a lancé jeudi un « sondage maison » pour tenter d’avoir une idée plus claire.

J’ai 800 membres… Ça ne veut vraiment pas dire que tout le monde va nous répondre, et en plus, notre organisation ne représente pas toutes les résidences.

Yves Desjardins, président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés

D’après les renseignements que M. Desjardins a pu glaner à ce stade, les employés des RPA sont « majoritairement vaccinés ».

Dans une déclaration, le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, écrit : « Afin d’assurer une gestion efficace et rigoureuse du réseau, le ministre préfère évidemment toujours avoir un portrait complet des données. »

Toujours selon le cabinet, les « échos sur le terrain […] laissent présager que la couverture vaccinale des travailleurs de la santé est inquiétante dans certains milieux, notamment les RPA et les RI qui hébergent des populations vulnérables ».

« C’est pourquoi nous avons mis sur la table la proposition de rendre obligatoire la vaccination des travailleurs de la santé qui sont en contact direct avec des patients, et ce, peu importe leur milieu », a écrit le cabinet de M. Dubé.

Selon le professeur de droit du travail Alain Barré, un employeur « ne peut pas en principe demander le statut vaccinal d’un employé sauf si la nature des tâches le justifie ».

Le ministère de la Santé et des Services sociaux rappelle quant à lui que les RPA « sont des employeurs privés » et que le Ministère « ne dispose donc pas des données sur leurs employés, et n’a pas la légitimité de les détenir ».

Difficultés de rétention

Le RQRA redoute que la vaccination obligatoire n’accentue « les difficultés de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre » dans un secteur déjà fragilisé. « Ma préoccupation, c’est l’état du terrain et si c’est pour créer [un décalage]. Il faut que le gouvernement en soit conscient », dit M. Desjardins.

Il craint d’ailleurs que des RPA ne « soient en péril » si les conséquences pour les non-vaccinés sont trop « coercitives ». Les élus du gouvernement Legault vont proposer, lors de la commission parlementaire sur le sujet la semaine prochaine, que les travailleurs de la santé qui refusent de se faire vacciner soient suspendus sans solde.

Le RQRA a demandé à être invité à prendre part au débat parlementaire. Il assure déjà que « les résidences privées pour aînés se conformeront aux directives du gouvernement et de la Santé publique ».

L’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec a exprimé les mêmes craintes en début de semaine, s’inquiétant de voir des ressources en rupture de services.

Le ministre de la Santé Christian Dubé a confirmé mardi que la vaccination obligatoire s’appliquerait au personnel des agences privées de placement, des RI, des RPA ainsi qu’aux paramédicaux. En ce moment, la couverture vaccinale des travailleurs de la santé du secteur public atteint 90 % (au moins une dose).

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice et procureur général du Québec

Une commission sur deux jours

Québec a donné raison jeudi aux partis de l’opposition, qui estimaient qu’une seule journée en commission parlementaire pour entendre des groupes sur la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé ne suffisait pas. La commission doit aussi se pencher sur la vaccination obligatoire chez les enseignants et « les employés de l’État qui sont en contact avec des citoyens », a indiqué François Legault, mardi.

Le leader parlementaire du gouvernement, le ministre Simon Jolin-Barrette, a communiqué jeudi aux autres partis une proposition de calendrier qui s’étale sur plus d’une journée, a-t-il indiqué en entrevue à La Presse.

Mais dans l’état actuel des pourparlers, la commission se tiendrait sur deux jours, soit jeudi et vendredi de la semaine prochaine, a-t-on appris.

À quelques semaines de la rentrée parlementaire, M. Jolin-Barrette n’était pas en mesure d’indiquer si les 125 élus de l’Assemblée nationale (tous doublement vaccinés) se retrouveraient pour la première fois depuis le début de la pandémie en même temps au Salon bleu.

Une entente entre les partis limite à ce jour la présence des députés à l’hôtel du Parlement, alors que le Québec est toujours sous le coup de mesures sanitaires strictes afin de contenir la pandémie de COVID-19. « On va attendre de voir ce que la Santé publique recommande », s’est borné à dire Simon Jolin-Barrette.

La colline Parlementaire a confirmé que la vaccination obligatoire de ses employés « n’[était] pas envisagée pour le moment », mais la situation « demeure évolutive ». La couverture vaccinale n’est pas connue alors que « l’Assemblée ne peut exiger à ses employés de lui fournir ce type de renseignement ».