Surmontant leurs peurs et leurs hésitations, ils sont encore quelques milliers chaque jour à tendre le bras pour recevoir leur première dose de vaccin contre la COVID-19. Entre les craintes suscitées par l’arrivée du variant Delta et le choc de voir des proches happés par la pandémie, certains d’entre eux ont expliqué à La Presse pourquoi ils ont finalement décidé de se faire vacciner.

À l’aréna Martin-Brodeur, dans l’arrondissement de Saint-Léonard, à Montréal, de nouveaux vaccinés sortent à intervalle régulier. Parmi eux, environ 1 sur 12 en était à sa première dose.

C’est le cas de Maïka et Joël Shakamay, âgés respectivement de 16 et 13 ans. La sœur et le frère sont sans équivoque : si cela n’avait été de l’intervention de leurs parents, ils n’auraient jamais choisi de se faire vacciner, eux qui craignaient les effets secondaires.

Moi [ma peur], ce sont les rumeurs que, peut-être, dans 10 ans ou 13 ans, il risque d’y avoir des effets secondaires.

Maïka Shakamay

Mais pour la mère des deux adolescents, Marie-Louise Kambay, il était impensable que ses enfants ne soient pas protégés contre le virus. Un membre de la famille éloignée a été atteint de la COVID-19. Il a dû passer six mois à l’hôpital, dont quatre mois dans le coma. « On priait, on priait », explique Mme Kambay.

Ce proche a finalement vaincu la maladie. « Il n’était pas vacciné quand il est tombé malade. [Puis], il était la première personne à aller prendre le vaccin », affirme Mme Kambay.

Elle-même a vu les impacts de la COVID-19 de près, en tant que préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD de Lachine. Dès que possible, elle a reçu sa première injection contre la COVID-19.

La peur, principal frein à la vaccination

Actuellement, le gouvernement du Québec administre en moyenne 86 000 doses de vaccin contre le coronavirus par jour. Du lot, un peu plus de 6000 premières doses et près de 80 000 deuxièmes doses.

La moitié de ces premières doses est administrée à des personnes âgées de 18 à 40 ans, soit le groupe pour lequel la couverture vaccinale est la plus faible.

Selon les plus récents sondages de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 21 % des adultes québécois non vaccinés invoquent des craintes liées aux effets secondaires comme raison de ne pas recevoir l’injection. Il s’agit de la principale cause d’hésitation vaccinale.

Ensuite, la peur concernant la nouveauté du vaccin et le manque de confiance envers la vaccination en général sont les justifications les plus répandues chez les personnes qui hésitent à se faire vacciner contre la COVID-19.

Grâce à l’entourage

Maria Kirouani, 13 ans, n’avait pas peur du vaccin. En juin dernier, son père, Cherif Kirouani, a cependant refusé qu’elle se fasse vacciner dans son école secondaire. « Le Canada a été rapide pour approuver [le vaccin] pour les jeunes », affirme M. Kirouani. Il craignait les effets secondaires du produit sur sa fille.

Après avoir vu la forte proportion des jeunes de 12 à 17 ans qui ont retroussé leur manche, le père a été suffisamment rassuré pour amener Maria dans une clinique de vaccination.

L’entourage a aussi joué un rôle important dans la décision de Mourad Slimani et de sa femme, Kahnia Dunas, de recevoir leur première injection, eux qui craignaient les effets secondaires du vaccin.

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Mourad Slimani

Un nombre élevé de ses amis et de membres de sa famille se sont toutefois fait vacciner sans problèmes importants. « C’était encourageant pour nous », dit M. Slimani. « Je me sens très bien », ajoute-t-il, muni de sa nouvelle preuve de vaccination.

Une question d’accessibilité

Dans le stationnement d’un centre commercial de l’arrondissement de Saint-Léonard, une roulotte colorée fait office de clinique de vaccination. Sous une tente blanche, chacun attend son tour dans une ambiance décontractée. Des enfants se régalent de popsicles colorés en attendant leurs parents.

Pour Abdel Badis, cette clinique sans rendez-vous à proximité de son domicile lui a offert une flexibilité suffisante pour l’inciter à finalement se faire vacciner. Le lieu convivial l’a rassuré.

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Abdel Badis a reçu sa première dose de vaccin contre la COVID-19 dans un centre de vaccination temporaire situé dans un stationnement de Saint-Léonard.

Il est la dernière personne de son entourage à se faire vacciner. « J’hésitais un peu. Mais le fait que c’est rendu au libre-service, ça donne plus confiance », lance-t-il.

La progression du variant Delta suscite l’inquiétude

« Dans mon pays d’origine, j’ai perdu 13 membres de ma famille en une semaine à cause du variant [Delta] », dit Imadouchene Mourad. Après avoir reçu sa première dose de vaccin, l’homme est assis sous un abri blanc érigé dans le parc Maisonneuve.

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Imadouchene Mourad, après avoir reçu sa première dose de vaccin contre la COVID-19 au parc Maisonneuve

Malgré un ciel gris, des dizaines de cyclistes et de passants s’arrêtent quelques minutes pour relever leur manche dans la clinique de vaccination extérieure. Le calme qui y règne s’oppose à la frénésie des cliniques traditionnelles.

Imadouchene Mourad souligne que le variant Delta est un virus « qui ne pardonne pas ». Alors que les cas de COVID-19 montent en flèche en Algérie, les hôpitaux sont aux prises avec des difficultés d’approvisionnement en oxygène.

Il n’y a pas que des personnes âgées qui meurent en Algérie. Le coronavirus touche toute la population. « Même des jeunes de 29 ans, 25 ans, beaucoup, beaucoup de jeunes », relate M. Mourad. Avant, il ne « croyait pas à ça », le coronavirus. « Maintenant, je crois à cette maladie », dit-il.

Imadouchene Mourad veut aussi protéger les autres. Vêtu d’un pantalon couvert de gouttes de peinture, il travaille dans le domaine des rénovations.

Je côtoie beaucoup de gens, des fois, je rentre dans sept ou huit appartements par jour.

Imadouchene Mourad

Ratiba Oudjane a aussi pris la décision de recevoir sa première dose de vaccin en raison de la situation sanitaire algérienne, à l’aréna Martin-Brodeur.

« On a vraiment peur », lance la femme dont les parents résident toujours en Algérie. Mme Oudjane a reçu son injection dans le but de pouvoir se rendre dans son pays d’origine s’il y a « quoi que ce soit » qui arrive, parce que son père est diabétique. Elle a aussi été rassurée par les nombreux membres de son entourage qui ont reçu le vaccin.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse