« Les patients sont souvent si vulnérables, si seuls, avec leur petite jaquette ouverte dans le dos et le désarroi dans leurs yeux ! À un moment donné, il est temps de passer à autre chose. Peut-on réfléchir à ce qui est raisonnable en sachant que les taux de transmission sont très bas et que la population est largement vaccinée ? Peut-on faire preuve d’humanité et assouplir certaines choses ? »

Telle est la réaction de la Dre Joanne Liu, professeure à l’Université McGill, spécialisée dans les urgences pandémiques et sanitaires, lorsqu’on aborde avec elle les règles de visite très variables d’un hôpital à l’autre, avec des restrictions particulièrement sévères au CHUM.

En mai 2020, à Tout le monde en parle, elle avait fait une sortie virulente contre la situation de tous ces patients dans les hôpitaux, empêchés d’avoir un proche à leur côté et qui mouraient seuls en temps de COVID-19.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La Dre Joanne Liu, professeure à l’Université McGill

Pour la fin de vie, c’est maintenant acquis. En phase terminale, les patients ne meurent plus seuls. Par contre, la Dre Liu laisse échapper un juron quand on relève que les directives pour les visites dans les hôpitaux, notamment aux urgences, sont toujours très strictes à certains endroits. « Il est hallucinant qu’on ait cette discussion aujourd’hui, 14 mois après ma sortie à Tout le monde en parle. »

Ainsi, au CHUM, Lucie Dufresne, conseillère en communications, confirme que les visites « ne sont effectivement pas encore permises à l’urgence du CHUM, sauf exception (barrière de langue, fin de vie, patients avec déficience intellectuelle, etc.) ».

« Le maintien d’une zone tiède à l’urgence nécessitait la plus grande prudence, particulièrement dans un contexte de fort achalandage », explique-t-elle par courriel, ajoutant qu’« il revient à chaque établissement de mettre en place les procédures adaptées à son milieu ».

Proches aidants

Cette semaine, le Ministère a mis à jour sa politique quant aux visites.

Dans les urgences, dit le Ministère, « la présence d’une personne proche aidante est recommandée en tout temps, et ce, indépendamment des paliers d’alerte régionaux. Pour les visiteurs, les périodes de visites sont appliquées selon les politiques locales en vigueur ».

« Les établissements qui désirent restreindre l’accès aux personnes proches aidantes pour des raisons exceptionnelles doivent faire une demande de dérogation à la Direction des services hospitaliers du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ».

« Le soutien offert par les personnes proches aidantes apporte l’aide aux soins personnels, le soutien émotionnel et à l’organisation des soins, qui ne peut être [remplacé] par des mesures de contrôle physiques ou chimiques qu’en dernier recours ».

Encore vendredi, sur le site internet du CHUM, il est toujours indiqué que « le visiteur doit présenter sa preuve vaccinale pour les deux doses au poste des infirmières à son arrivée à l’unité de soins. Une exception peut s’appliquer pour les visiteurs ayant reçu une première dose depuis plus de 7 jours ». (Les caractères gras sont le fait du CHUM.)

« Des démarches sont en cours avec le CHUM afin de vérifier si une dérogation est nécessaire en fonction de leur situation spécifique », a indiqué Noémie Vanheuverzwijn, des relations avec les médias du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Entre autres choses, dans les consignes du Ministère, beaucoup plus libérales qu’au CHUM, il n’est indiqué nulle part que la double dose de vaccin peut être exigée des visiteurs.

Situés à quelques kilomètres du CHUM, les hôpitaux Notre-Dame et Verdun autorisent un accompagnateur aux urgences. À Maisonneuve-Rosemont, aux urgences, un seul proche aidant par patient est autorisé.

Au CUSM, selon les relations avec les médias, « pour l’urgence, la possibilité pour un accompagnateur de rester avec le patient sera déterminée par le personnel du service des urgences ».

Dangereuses ou non, les visites ?

Que comprendre de tout cela ? Qu’on est à risque dans certains hôpitaux moins sévères ou que les plus restrictifs exagèrent ? Le risque que pose l’accompagnement aux patients est-il trop grand, oui ou non ? « Très bonne question », répond la Dre Liu.

Au début de la pandémie, dit-elle, chaque personne présente à l’hôpital posait un risque, à un moment où tout le personnel, comme la population, était en état de choc et que le stress était élevé. On n’en est plus là, ajoute-t-elle, chacun étant maintenant habitué aux équipements de protection et aux précautions d’usage.

Diane Brodeur, présidente du comité d’usagers du CHUM, note que l’établissement, en étant plus sévère depuis le début de la COVID-19, a particulièrement bien évité les éclosions. « Mais là, on est en zone verte, les gens sont nombreux à avoir deux doses… »

Les personnes âgées et malades, moins alertes qu’en temps normal, ont souvent besoin, souligne Mme Brodeur, ancienne infirmière, d’avoir quelqu’un à leurs côtés lors d’hospitalisations, sources inévitables de stress. « Surtout quand on est affaibli, on a souvent besoin de quelqu’un pour aider à interpréter ce que le médecin dit. »

Fait à noter, ailleurs qu’aux urgences, les visites sont plus largement permises, mais encore une fois, de façon très différente d’un hôpital à l’autre, en des règles souvent difficiles à trouver sur les sites de chaque établissement.

Dans les cinq grands hôpitaux de Toronto, aux urgences, une même consigne : un accompagnateur est permis, à moins que le patient doive être isolé.

Paul Brunet, président-directeur général du Conseil pour la protection des malades, fait remarquer que les consignes de visite, au Québec, « varient énormément. C’est un peu le bordel ».