(Québec) Le gouvernement Legault a présenté son plan de déconfinement sous la forme d’un calendrier, mais à l’interne, l’exercice a plutôt pris la forme d’un casse-tête. Et les pièces sont parfois tombées de façon surprenante.

On a commencé l’exercice par la fin !

La Santé publique a en effet été claire dès le départ : il n’était pas question de peindre le Québec en vert avant la fin de l’année scolaire et le début des vacances.

On envisageait cet ultime changement au palier d’alerte quelque part au début de juillet. Mais le rythme de la campagne de vaccination a permis de devancer l’échéancier. Québec n’atteindra pas son objectif de vacciner 75 % des adultes québécois avec une première dose le 24 juin, mais bien le 15 juin. Résultat : on s’est entendu pour un passage au vert, pour la grande majorité des régions, le 28 juin.

Pas question de procéder avant la fête nationale. Québec ne voulait pas donner l’impression d’annoncer un « bar ouvert » à temps pour la Saint-Jean.

Autre facteur expliquant ce choix : le passage en zone verte entraînera forcément une hausse des contacts sociaux, mais celle-ci sera atténuée par la fin des classes, qui, elle, viendra réduire une bonne part des contacts.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, LA PRESSE

Les terrasses des restaurants ont accueilli leurs premiers clients vendredi.

La Santé publique était réfractaire à l’idée d’annoncer des dates précises dans le plan de déconfinement. Le gouvernement Legault tenait, lui, à offrir de la prévisibilité à la population, un calendrier avec des assouplissements clairs. Les échanges ont permis de s’entendre sur le plan.

La Santé publique a demandé que les changements de palier d’alerte se produisent tous les 14 jours pour avoir le temps de mesurer l’effet d’un changement avant de franchir une autre étape. Et c’est à partir du respect de cette condition que des dates ont pu être fixées comme le voulait le gouvernement.

On a tout de même ménagé une marge de manœuvre. C’est ainsi que l’on a dit, lors du dévoilement du plan de déconfinement, que la « majorité des régions » passeraient à l’orange le 31 mai. Même si des experts jugeaient que Montréal et Laval pouvaient franchir cette étape à ce moment, on s’est rallié à l’avis de la Direction régionale de santé publique de Montréal, qui plaidait pour attendre une semaine de plus (7 juin).

Holà au plan de la Saskatchewan

On a fait grand cas du plan de déconfinement de la Saskatchewan, mais la Santé publique du Québec l’a « reviré comme une crêpe », comme on le dit dans la cellule de crise. Ce plan, qui a suscité bien des envies ici, prévoit une gradation des assouplissements en fonction du taux de vaccination de la population.

« C’est comme regarder seulement ceux qui ont pris une Tylenol sans se soucier de combien de personnes ont mal à la tête ! », a-t-on résumé.

La Santé publique a ainsi insisté pour que la situation épidémiologique de chaque région soit prise en compte, ce avec quoi le gouvernement était d’accord. D’ailleurs, quand le premier ministre François Legault a déclaré qu’il voulait « la même chose » que le plan de la Saskatchewan, c’était surtout parce qu’il voulait donner, lui aussi, à la population un ordre de marche pour le déconfinement. Pour toutes ces raisons, on a décidé de conserver la logique du code de couleurs, qui permet d’ajuster le tir selon les réalités régionales.

Moins déconfiné que l’été passé ?

Les travaux entourant le plan de déconfinement ont commencé tôt, en mars. Une réflexion s’est imposée rapidement au gouvernement : on ne pourra pas faire accepter aux Québécois d’être « plus confinés » à la fin du printemps et au début de l’été qu’au même moment l’année dernière alors qu’on sortira de la troisième vague et qu’il y aura un bon taux de vaccination. Après tout, dès le 22 mai 2020, des rassemblements à l’extérieur, dans la cour arrière de la maison, par exemple, étaient autorisés entre 10 personnes d’un maximum de 3 foyers, en respectant la distanciation physique de 2 mètres (la règle du 10-3-2 martelée par le DHoracio Arruda). Et on donnait le feu vert aux rassemblements à l’intérieur entre le 15 et le 22 juin 2020 selon les régions, sous les mêmes conditions.

La Santé publique avait toutefois des arguments pour nuancer le portrait : la COVID-19 est partout au Québec, alors qu’elle était concentrée dans le Grand Montréal il y a un an, et l’administration des premières doses entraînera un relâchement du respect des consignes sanitaires. Le tout militait pour l’adoption d’une approche prudente et graduelle, une approche qui a été retenue.

Si le gouvernement était impatient de présenter un plan de déconfinement, c’était plus pour offrir de la prévisibilité et donner un peu d’espoir à la population que pour relâcher précipitamment les restrictions sanitaires.

L’autre souci du gouvernement, c’était la clarté. La Santé publique voulait au départ que les rassemblements privés à l’extérieur soient limités à huit personnes provenant de deux « bulles », mais le gouvernement ne voulait pas revenir à une règle jugée trop compliquée, s’apparentant au 10-3-2. Il a insisté pour que ce soit huit personnes sans mention de bulles ou d’adresses différentes. On a toutefois prévu que deux ménages puissent se voir, afin de permettre aux plus grosses familles de se fréquenter et de dépasser la limite de huit.

Couvre-feu et activités extérieures

Quand le gouvernement a annoncé le couvre-feu à la suite d’une recommandation-surprise de la Santé publique, début janvier, certains s’attendaient, dans la cellule de crise, à ce que cette mesure exceptionnelle et temporaire prenne fin lorsque les commerces non essentiels rouvriraient. Ces derniers ont retrouvé leurs clients le 8 février… mais le couvre-feu est resté. Longtemps.

Au cours des dernières semaines, le ministère de la Sécurité publique a signalé qu’avec les journées qui rallongeaient, le couvre-feu était devenu une « vue de l’esprit » et que les appels faits aux policiers devenaient de plus en plus nombreux, comme on le témoigne dans la cellule de crise. On a préféré attendre à vendredi pour mettre un terme à la mesure, craignant notamment l’effet d’une levée du couvre-feu au même moment que la longue fin de semaine de la fête des patriotes.

Les échanges entre le gouvernement et la Santé publique ont beaucoup porté sur le choix de privilégier les assouplissements des consignes à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur. On a ainsi commencé par autoriser la réouverture des terrasses des restaurants, par exemple. Québec se fait également plus permissif au sujet des rassemblements et des sports à l’extérieur. Une façon de dire que si l’on veut se voir, c’est mieux de le faire dehors.