Tests compliqués à s’autoadministrer pour des travailleurs étrangers temporaires (TET) hispanophones en isolement, quarantaines prolongées par des résultats qui se font attendre : l’Union des producteurs agricoles (UPA) critique vivement le fournisseur ontarien imposé par Ottawa. Le gouvernement fédéral promet d’y voir, mais Québec lui demande aussi d’autoriser l’utilisation des cliniques privées pour accélérer les choses.

« Dans les prochaines semaines, avec les milliers de travailleurs qui arrivent, ça va être le bordel, c’est certain », a prédit le président de l’UPA, Marcel Groleau, en point de presse vendredi matin.

Le système actuel, selon lequel les travailleurs agricoles en isolement doivent s’administrer le test de dépistage eux-mêmes sous la télésupervision de la firme choisie par le fédéral, ne fonctionne pas, témoignent l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ) et la Fondation des entreprises en recrutement de main-d’œuvre agricole étrangère (FERME).

Le service de l’entreprise ontarienne Switch Health, retenue par Ottawa pour gérer le dépistage à distance des TET agricoles durant leur isolement, crée de multiples problèmes, dénoncent les producteurs. La difficulté d’obtenir des services en français et l’absence de services en espagnol ajoutent aux difficultés.

« Ça a été la catastrophe ! », s’est exclamé Martin Gibouleau, président du conseil d’administration de FERME, en racontant l’expérience récente d’un groupe de cinq travailleurs étrangers. Sur cinq travailleurs testés au dixième jour, trois ont obtenu leur résultat négatif seulement au 18e jour, et les deux autres ont appris quelques jours plus tard que les échantillons étaient endommagés et, donc, que les tests devaient être refaits.

L’Agence de la santé du Canada est en contact avec l’entreprise pour que la situation soit corrigée et que les délais pour obtenir les résultats des tests soient réduits, a fait savoir le cabinet de la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, après la sortie de l’UPA vendredi.

« Il est inacceptable que l’entreprise Switch Health ne soit pas en mesure de respecter ses obligations d’offrir à ceux et celles qui traversent la frontière des services dans la langue de leur choix », a déclaré un porte-parole par courriel.

Le ministre québécois de l’Agriculture, André Lamontagne, demande au fédéral d’autoriser aussi l’utilisation de cliniques privées pour accélérer le processus des tests. Cela permettrait de « diminuer la pression » sur Switch Health, « qui éprouve actuellement une carence en ressources disponibles », a expliqué son attachée de presse, Laurence Voyzelle, par courriel.

La Loi sur la mise en quarantaine de même que la quarantaine de 14 jours imposée à l’arrivée au Canada relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, rappelle-t-on à Québec. Sur le front de la vaccination, par contre, la province a le champ libre.

Les TET du milieu agricole devraient donc recevoir leur première dose prochainement, car ils font partie du groupe prioritaire 9, pour lequel la vaccination a débuté vendredi, souligne Mme Voyzelle. Ces TET, tout comme le personnel des abattoirs, sont couverts par la vaccination des travailleurs de milieux à risque. « Au besoin, les établissements du réseau de la santé pourront déployer des équipes mobiles afin de vacciner ces travailleurs. »

Isolement prolongé

En attendant, un grand nombre de TET ne peuvent pas commencer à travailler au 15e jour suivant leur arrivée, à la fin officielle de leur quarantaine : la plupart de ceux qui sont arrivés jusqu’ici commencent seulement entre le 16 et le 18e jour, mais le délai s’étire parfois jusqu’à 20 ou 22 jours, déplore l’UPA.

Quelque 3000 TET sont arrivés au Québec depuis un mois, mais les producteurs en attendent plus de 9000 au cours des 50 prochains jours.

Avec la saison hâtive, ces délais sont « un stress pour les producteurs », a souligné le président de l’APMQ, Sylvain Terrault.

« Aucun employeur ne veut déroger aux lois et règlements », assure M. Gibouleau, de FERME. « On veut juste un système qui fonctionne. »