Après de multiples cris du cœur diffusés sur les réseaux sociaux et dans les médias, les personnes handicapées ont rejoint les groupes prioritaires pour la vaccination, mardi dernier. Quelle a été la surprise – et l’indignation – de certaines d’entre elles de constater qu’elles étaient exclues parce qu’elles résident à domicile.

Raphaël Nepveu a 24 ans. Il vient tout juste d’obtenir son diplôme de l’École supérieure en art et technologie des médias de Jonquière et rêve de travailler. Atteint d’une rare maladie musculaire, la peur de contracter la COVID-19 le garde chez lui.

« On tient pour acquis que les personnes handicapées à la maison ne font rien, que c’est pas grave qu’elles ne sortent pas. Ce n’est pas vrai. On veut aller travailler, on veut sortir, mais on a constamment peur », a déploré le jeune homme en entrevue avec La Presse.

L’annonce du premier ministre François Legault, mardi dernier, lui avait redonné espoir. Les adultes lourdement handicapés monteraient dans l’ordre de priorité pour la vaccination. La condition est arrivée le lendemain : seules les personnes qui vivent dans des « milieux de vie », comme des ressources intermédiaires, sont concernées.

PHOTO FOURNIE PAR RAPHAËL NEPVEU

Raphaël Nepveu a lancé un appel à l’aide sur son compte Facebook, la semaine dernière. Atteint d’une maladie musculaire, il souhaite être vacciné en priorité.

Un non-sens pour Raphaël Nepveu, qui habite chez ses parents à Mirabel.

« Un grand nombre de personnes handicapées n’habitent pas [dans les milieux d’hébergement]. Nous sommes une minorité, mais nous existons. Nous ne sommes pas une arrière-pensée. Nous sommes mis de côté sous de faux prétextes », avait-il écrit sur sa page Facebook, dans un dernier espoir.

Contacté par La Presse, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a confirmé que les adultes lourdement handicapés qui ne vivent pas en milieu d’hébergement se trouvent toujours au 8e rang de priorisation de la vaccination contre la COVID-19, derrière les personnes âgées de 60 à 69 ans.

Dans le même courriel, le MSSS s’est dit « conscient » des préoccupations des personnes handicapées et de leurs proches et a indiqué faire « tout le nécessaire pour que tous les Québécois qui désirent le vaccin puissent l’obtenir d’ici la fin juin ».

Au MSSS, Raphaël Nepveu renvoie à ce qui se fait ailleurs dans le monde et au Canada pour accommoder les personnes vulnérables sur le plan clinique. La Colombie-Britannique, par exemple, a élargi ses critères aux receveurs d’organes, aux personnes atteintes de cancer et de différentes maladies immunitaires, respiratoires et neuromusculaires, qu’elles vivent à domicile ou pas. Leur vaccination doit débuter dès avril, avec les autres groupes de la phase 3.

Une frustration qui s’installe

Pour Samuel Lachaine et son frère Gabriel, tous deux atteints de dystrophie musculaire, ce qui fait le plus mal, ce n’est pas d’avoir à patienter un ou deux mois de plus avant de recevoir leur première dose du précieux sérum. C’est qu’ils ne sont pas considérés tout court.

« On est outrés, en un sens. On connaît des gens en résidence avec la même maladie qui reçoivent le vaccin avant nous. On a des oncles et des tantes en bonne santé qui reçoivent le vaccin avant nous. C’est très frustrant », ont raconté Samuel et Gabriel Lachaine dans un appel vidéo.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La Presse avait rapporté en février l’histoire de Samuel et Gabriel Lachaine, deux frères atteints de dystrophie musculaire qui souhaitent être vaccinés en priorité.

La Presse avait rapporté en février l’histoire de ces deux frères aux poumons fragiles, à qui on a refusé le vaccin à plusieurs reprises parce qu’ils vivent à domicile.

Il y a quelques semaines, leur mère a reçu un test positif à la COVID-19. Elle s’est isolée 14 jours dans le sous-sol de leur résidence familiale de Saint-Eustache, avant de pouvoir retrouver ses fils et reprendre leurs soins. Par chance, ces derniers n’ont pas été infectés, mais pour leur mère, ce n’est qu’une question de temps avant que le cauchemar se répète.

« Il y a autant de risques ici qu’en résidence. On sort travailler, on fait les courses. Une préposée vient m’aider à la maison », déplore Isabelle Malette, perchée derrière ses fils.

Elle affirme avoir fait des démarches auprès de plusieurs établissements de santé, dont le CLSC Jean-Olivier-Chénier, sans succès. « Le fait qu’on soit des parents qui s’occupent de nos enfants, on n’est pas reconnus », laisse-t-elle tomber.