L’Union des producteurs agricoles (UPA) demande que les travailleurs étrangers temporaires qui viendront travailler dans les champs, les serres et les abattoirs du Québec soient vaccinés en priorité. Une priorisation de ces travailleurs est à l’étude, confirme le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ).

« On a demandé que les travailleurs de l’agroalimentaire soient vaccinés en priorité, au moins du côté transformation-production. On a connu des éclosions dans les usines alimentaires, les abattoirs, entre autres », a indiqué le président de l’UPA, Marcel Groleau, en entrevue avec La Presse.

« On nous a appelés pour que ces travailleurs soient éventuellement vaccinés de façon massive », confirme le directeur général du RATTMAQ, Michel Pilon. Le RATTMAQ sera appelé à fournir des interprètes pour les travailleurs étrangers temporaires (TET) de l’agroalimentaire, qui sont souvent hispanophones, dit-il.

En Californie, des comtés s’organisent pour vacciner les travailleurs agricoles en priorité, sans égard à leur âge ou à leur état de santé, afin de protéger la production alimentaire. Dans le comté de Riverside, des cliniques se sont tenues sur les fermes mêmes, pour permettre aux travailleurs étrangers d’être immunisés sans démarche ni délais. Toutefois, des septuagénaires californiens qui n’ont pas encore réussi à se faire vacciner critiquent cette voie rapide, rapporte le New York Times.

Ce n’est pas ce que l’UPA demande ici.

En priorité : naturellement, après les travailleurs de la santé et les personnes plus vulnérables.

Marcel Groleau, président de l’UPA

« Ils ne seront pas vaccinés avant tout le monde », assure le RATTMAQ en rappelant que l’âge de ces TET va de la vingtaine à la quarantaine. « Ils vont se faire vacciner comme tous les autres travailleurs en fonction de l’âge, mais à un moment donné, on va arriver aux travailleurs agricoles et ils vont se faire vacciner tous en même temps », résume M. Pilon.

À l’étude

« Le ministre Lamontagne est sensible à la demande » et la question a été portée à l’attention des responsables de la priorisation, indique-t-on au cabinet du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dit comprendre l’importance de vacciner ces TET, tout en soulignant les quantités limitées de vaccins. « Les travaux se poursuivent afin de déterminer précisément la liste des travailleurs qui auront accès à la vaccination, notamment dans le groupe 9 », a répondu une porte-parole par courriel.

Le groupe 9, aussi appelé « rang 9 » par le Comité sur l’immunisation du Québec, désigne les adultes de moins de 60 ans sans maladies chroniques ni problèmes de santé augmentant le risque de complications, mais qui fournissent des services essentiels. Il vient tout juste avant le reste de la population adulte (rang 10).

Un peu plus de 16 000 TET viendront prêter main-forte au secteur agroalimentaire québécois en 2021, estime l’UPA. Comme la majorité arrive d’avril à juin, le syndicat de producteurs agricoles a suggéré de les vacciner à leur entrée au pays. « Au Québec, ça représenterait peut-être 10 000 vaccins d’ici le mois de juin, ce qui n’est pas énorme », plaide M. Groleau.

Pas obligatoire

Un regroupement de 270 organismes canadiens a diffusé la semaine dernière une lettre ouverte demandant que tous les travailleurs étrangers, notamment ceux des fermes, puissent être vaccinés gratuitement, sans que leur identité ou leur adresse soit conservée, mais aussi sans que ce soit obligatoire ou coercitif.

« Nous avons eu plus de 100 signalements de travailleurs à qui l’employeur a dit qu’ils devront se faire vacciner », affirme le directeur exécutif de la Migrant Workers Alliance for Change, Syed Hussan. Les travailleurs agricoles, qui sont liés à l’employeur qui les loge, sont dans des situations très contraignantes, souligne-t-il. L’Alliance, qui regroupe des organisations des provinces, n’est cependant pas en mesure de dire si de tels signalements ont été reçus du Québec.

Un secteur à éclosions

Au Québec, près du quart des éclosions en milieu de travail – milieux de soins aigus, d’hébergement de longue durée, de garde et scolaires non compris – se sont déclarées dans des industries manufacturières, et les entreprises de produits alimentaires et d’abattage sont parmi les plus touchées, montrent les données de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) pour la période de la mi-juin 2020 au 20 février dernier. Les usines d’abattage et de conditionnement de la viande, ainsi que celles de produits alimentaires, ont aussi enregistré le quart des éclosions majeures (au moins 20 cas confirmés).

L’agriculture générale a enregistré 2,8 % des éclosions, et seulement quatre éclosions majeures.