« Il devrait y avoir dépistage systématique des cas contacts. C’est ce qu’ont fait les endroits dans le monde qui ont bien réussi à contrôler l’épidémie — la Nouvelle-Zélande, Hong Kong, l’Australie, par exemple — et je ne comprends pas que cela ne se fasse pas encore ici », se désole le docteur Dick Menzies, pneumologue, épidémiologiste et chercheur au Centre universitaire de santé McGill.

En entrevue, il s’en étonne d’autant plus qu’un grand nombre d’études confirment que la transmission de la COVID-19 est pour une bonne moitié attribuable à des personnes asymptomatiques ou présymptomatiques.

En octobre, avec un groupe de chercheurs, le DMenzies a signé dans le Journal de l’Association médicale canadienne une étude portant sur le dépistage.

Selon ce groupe de chercheurs, la Santé publique des différentes provinces canadiennes aurait tout intérêt à cibler de façon systématique les personnes les plus à risque plutôt que d’adopter « une approche passive » en dépistage.

Un dépistage systématique des cas contacts, des employés du système de santé, des résidants de foyers pour personnes âgées, des travailleurs essentiels, des élèves et du personnel en éducation serait non seulement plus efficace, mais ferait faire des économies aux gouvernements, selon les auteurs de l’étude.

C’est que, selon eux, cela permettrait de mieux contrôler l’épidémie et de déconfiner de grands secteurs de l’économie.

Le DMenzies regrette que l’ensemble du Québec n’ait pas adopté « le protocole beaucoup plus vigoureux qui a été adopté dans les endroits reculés comme le Nunavik, où la pandémie a été beaucoup mieux contrôlée qu’à Montréal ».

Aux personnes malades de prévenir leurs contacts

À la Santé publique de Montréal, environ 1000 personnes travaillent au traçage, et de 20 à 30 personnes s’ajoutent chaque semaine à cette équipe, nous indique-t-on.

Elle a pour approche de prendre contact avec les personnes ayant eu un résultat positif. Ensuite, « nous demandons au cas d’identifier tous ses contacts et de les aviser directement », précise la Santé publique de Montréal.

« Pour les contacts en milieu de travail, en milieu scolaire et de garde et dans certains milieux communautaires priorisés, nous contactons le milieu directement et nous l’accompagnons pour faire le suivi des contacts », peut-on aussi lire dans la réponse offerte par la Santé publique de Montréal.

Malgré le nombre de personnes atteintes qui a explosé, plusieurs des personnes jointes par La Presse et qui ont récemment reçu un diagnostic de COVID-19 (en décembre ou en janvier) ont indiqué avoir bel et bien eu un appel de la Santé publique dans les temps, à savoir à l’intérieur de 48 heures.

Mais Anabela Morris, qui travaille dans le domaine du recyclage et qui habite à Beaconsfield, n’a eu aucun coup de fil depuis son résultat positif, le 29 décembre.

« Nous étions quatre collègues et nous avons tous les quatre eu un résultat positif. Seuls deux d’entre nous ont été appelés par la Santé publique. »

Mme Morris souligne que sa fille, technicienne dans une école, n’a eu vent d’enquêteurs de la Santé publique qu’une dizaine de jours après son résultat positif.

David Brazeau, qui habite en Estrie, raconte avoir passé 30 minutes au téléphone avec la Santé publique deux jours après son résultat positif. « C’est difficile de se souvenir des personnes qu’on a vues, plusieurs jours plus tôt. Je me suis félicité de m’être inscrit à l’application [Alerte COVID]. Plusieurs des personnes que j’avais vues et que j’avais oubliées ont été prévenues comme cela. »

Pour le DMenzies, la stigmatisation associée à la COVID-19 et le sérieux relatif que chacun met à retrouver et à contacter tous ceux qu’il a vus font en sorte que le traçage tel que pratiqué actuellement est nettement insuffisant.

De plus, selon lui, « les gens prennent leur confinement beaucoup plus au sérieux s’ils ont eu un résultat positif que s’ils n’ont été qu’un cas contact et qu’ils croient, peut-être à tort, ne pas être atteints ».