(Ottawa) Des défenseurs des droits des détenus et des chercheurs sonnent l’alarme sur la hausse des cas de COVID-19 dans les prisons et les pénitenciers, en rappelant que le bilan des dernières semaines a dépassé celui des neuf premiers mois de la pandémie.

Les chercheurs affirment que du mois de mars à la fin de novembre, 1864 cas avaient été signalés parmi les prisonniers et le personnel pénitentiaire au Canada, dont plus de la moitié en octobre et novembre seulement. Or, depuis le 1er décembre, on a recensé plus de 1962 nouveaux cas de COVID-19.

Et les détenus ont représenté environ 80 % des cas liés aux prisons et aux pénitenciers pendant la pandémie, selon les données du Partenariat en cas de pandémie dans les prisons, qui réunit l’Association canadienne des libertés civiles et des chercheurs universitaires. Ces partenaires demandent aux gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral de prendre des mesures plus audacieuses afin de protéger les personnes dans les établissements correctionnels.

Abby Deshman, directrice du programme de justice pénale à l’Association canadienne des libertés civiles, se dit préoccupée par le fait que certains détenus n’ont pas un accès adéquat aux masques ou aux produits de nettoyage et d’hygiène. « Les détenus courent un risque élevé à la fois de contracter la COVID-19 et des maladies graves, puis ensuite d’en mourir », a déclaré Mme Deshman dans un communiqué accompagnant les derniers chiffres.

« Nous devons prioriser en tout premier lieu une supervision communautaire sûre et efficace, qui assurerait une bonne distanciation physique. Pour ceux qui continuent d’être surveillés dans les prisons, des mesures de santé publique efficaces et humaines doivent être mises en œuvre. »

Quatre détenus morts depuis mars

Lorsque la pandémie a commencé, le nombre de personnes incarcérées dans la plupart des provinces et territoires a commencé à diminuer, a rappelé Justin Piché, professeur agrégé de criminologie à l’Université d’Ottawa et membre du partenariat.

Depuis lors, de nombreux gouvernements ont ralenti la cadence, « alors que le nombre de cas de COVID-19 était en hausse », explique M. Piché. « Il est maintenant temps d’en faire plus pour contenir la COVID, pas les gens ».

Les premières conclusions du partenariat « représentent probablement la pointe de l’iceberg » en raison de l’accès difficile à des chiffres pertinents, soutient Kevin Walby, professeur agrégé de justice pénale à l’Université de Winnipeg et chercheur principal de l’équipe.

« Afin de mettre en place des mesures pour prévenir et limiter l’impact de la COVID-19 dans les prisons, des données claires et complètes sont nécessaires, » dit-il.

Selon les plus récents chiffres du Service correctionnel, 1211 détenus sous responsabilité fédérale ont été déclarés positifs depuis le début de la pandémie ; là-dessus, 73 cas étaient toujours actifs. Quatre détenus fédéraux sont morts de la COVID-19 depuis le début de la pandémie.

Depuis la propagation de la COVID-19, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a rationalisé un certain nombre de ses politiques, a noté Mary-Liz Power, porte-parole du ministre de la Sécurité publique Bill Blair.

Depuis le 1er mars, le nombre d’hommes en détention fédérale a diminué de 1402, soit plus de 10 %, et les femmes, de 51, soit plus de 7 %, a-t-elle précisé.

« Cette tendance à la baisse de l’ensemble de la population carcérale fédérale devrait se poursuivre au cours des prochains mois », a-t-elle signalé.

Le gouvernement a également accordé 500 000 $ à cinq organisations bénévoles pour développer des projets pilotes, afin d’aider à réintégrer les délinquants sous surveillance dans des établissements résidentiels communautaires, a-t-elle déclaré.

En outre, le Service correctionnel a mis en place de vastes mesures de prévention et de contrôle des infections dans les établissements à travers le pays, a indiqué Mme Power.