L’obligation de présenter un résultat de test négatif de COVID-19 avant de rentrer au Canada, qui entre en vigueur ce jeudi, complique sérieusement le retour au pays de certains Canadiens en voyage dans le Sud. En réaction, Ottawa a annoncé certaines exemptions.

« Je suis allée dans tous les laboratoires de Santo Domingo, et aucun n’est en mesure de me fournir un résultat de test à temps pour mon retour prévu le 9 janvier. Les labos sont débordés, et les demandes des touristes ne sont pas traitées en priorité », affirme la Québécoise Brigitte Tremblay, allée rejoindre son mari, qui habite en République dominicaine, le 19 décembre.

« Je risque d’être prise ici et de devoir acheter un autre billet le 16 ou le 17 janvier. Et je ne serai pas la seule dans cette situation », croit Mme Tremblay.

PHOTO FOURNIE PAR BRIGITTE TREMBLAY

Brigitte Tremblay, préposée à domicile, dont le mari habite en République dominicaine

Je suis d’accord que le gouvernement exige un test négatif pour rentrer au Canada, mais il faut aussi que je gagne ma vie.

Brigitte Tremblay, préposée à domicile, dont le mari habite en République dominicaine

« J’avais planifié reprendre le travail le 23 janvier, en calculant 14 jours de quarantaine », dit la dame qui travaille comme préposée à domicile. « Mais là, la situation me force à reporter encore mon retour au travail. Ce n’est pas simple. »

D’autres Québécois qui se trouvent dans les régions plus touristiques de la République dominicaine, comme Punta Cana ou Puerto Plata, affirment qu’au contraire, les tests sont faciles à obtenir dans un délai très court, moyennant de 120 $ à 225 $.

Même son de cloche de la part d’autres Québécois joints mercredi en Amérique du Sud, dans les Caraïbes et en Floride. Les tests sont offerts un peu partout pour environ 200 $, mais il faut prévoir le coup et réserver sa place auprès d’une clinique pour éviter les mauvaises surprises.

Yves Malette, Québécois qui dirige une agence touristique au Costa Rica, dit qu’il devra faire 45 minutes de route avec un groupe de six clients pour les emmener jusqu’à une clinique de Liberia, dans le nord-ouest du pays. « Il faut ajuster la logistique de la fin de voyage en conséquence, mais il y a beaucoup de cliniques privées, et les résultats sont donnés entre 24 et 36 heures », assure-t-il.

En Floride, il est même possible de passer un test dans des cliniques ambulantes ou dans des services à l’auto, qui donnent un résultat très rapidement. « Il y a des dizaines d’adresses qui offrent ces tests, dans certains cas gratuitement », indique Michel Séguin, éditeur du journal québécois Carrefour Floride.

Exemptions décrétées par Ottawa

N’empêche, la situation s’annonce plus complexe à certains endroits. Le ministre des Transports, Marc Garneau, a annoncé mercredi en conférence de presse que les voyageurs qui arrivaient d’Haïti et de Saint-Pierre-et-Miquelon auront jusqu’au 21 janvier pour se conformer aux nouvelles règles édictées.

Ceux qui veulent rentrer de destinations en Amérique du Sud et dans les Caraïbes pourront pour leur part fournir un résultat de test qui aura été effectué dans les 96 heures (quatre jours) au lieu des 72 heures (trois jours) avant leur vol, et ce, jusqu’au 14 janvier.

Ces mesures visent toutes les personnes âgées de 5 ans et plus.

À celles-ci s’ajoute la réouverture de la frontière aux vols en provenance du Royaume-Uni. Il n’est plus nécessaire de maintenir l’interdiction mise sur pied après la détection d’un variant du virus, en raison de la nouvelle obligation de fournir un test de dépistage négatif, a expliqué Marc Garneau.

Le ministre s’est dit persuadé que les transporteurs aériens sauraient « se montrer à la hauteur » du nouveau défi. Il a par ailleurs réitéré que le gouvernement fédéral déconseillait fortement aux Canadiens d’effectuer des voyages non essentiels à l’étranger.

Invité à réagir au fait qu’Air Canada a fait appel à des influenceurs pour encourager les gens à s’envoler vers d’autres cieux, comme l’a rapporté le Globe and Mail, il a qualifié ce geste de « contre-productif ». Car « beaucoup de Canadiens font des sacrifices en ce moment. Énormément. Il y en a beaucoup qui auraient voulu voyager cette année, mais qui ont décidé que c’était dans l’intérêt national [de rester au pays] », a affirmé le ministre des Transports.

Chez Air Canada, on ne regrette pas d’avoir déployé cette stratégie de marketing.

« Récemment, nous avons entamé des collaborations avec des influenceurs pour expliquer nos mesures sanitaires, mises de l’avant au tout début de la pandémie, notamment notre programme complet de mesures de biosécurité SoinPropre+, qui permet à nos clients et employés de voyager en toute confiance et de manière responsable, et ce, toujours selon la réglementation en vigueur », a écrit à La Presse la porte-parole du transporteur, Pascale Déry.

Les voyages non essentiels difficiles à définir

Le premier ministre Justin Trudeau a haussé le ton mardi en annonçant que les Canadiens qui voyagent pour des raisons non essentielles ne toucheraient pas la prestation de maladie imposable pouvant atteindre jusqu’à 1000 $ (500 $ par semaine pour les deux semaines de quarantaine).

Mais qu’est-ce qu’un voyage non essentiel ? Aussi présent à cette conférence de presse virtuelle, le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a répondu qu’il était difficile de tracer une ligne, car c’est « toujours difficile d’essayer de réglementer le gros bon sens ».

Les ministres ont par ailleurs réaffirmé que le gouvernement n’envisageait pas d’interdire complètement aux Canadiens de voyager à l’étranger. Leur collègue aux Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a récemment affirmé qu’un tel geste serait inconstitutionnel.

Des experts sont néanmoins d’avis que la mesure pourrait tenir la route et passer le test des tribunaux.

Les transporteurs aériens demandent un délai

L’annonce des ministres fédéraux risque de passer de travers dans le secteur aérien.

C’est que les dirigeants des principaux transporteurs aériens au pays avaient demandé au gouvernement Trudeau de reporter au 18 janvier l’entrée en vigueur de ces nouvelles mesures sanitaires imposées aux voyageurs canadiens qui rentrent au pays après un séjour à l’étranger.

Dans une lettre qu’ils ont fait parvenir au ministre Garneau, mardi, les dirigeants d’Air Canada, de WestJet, d’Air Transat et de Sunwing affirment que la décision d’exiger un test négatif de COVID-19 pour tous les voyageurs canadiens dès le 7 janvier pour rentrer au pays risque de provoquer le chaos alors que l’industrie aérienne est déjà durement touchée par la pandémie.

Selon eux, l’échéancier est tout simplement irréaliste pour appliquer ces exigences formulées le 30 décembre dernier par le gouvernement Trudeau pour calmer la grogne, après que des médias eurent rapporté de nombreux cas de voyageurs ayant passé leurs vacances des Fêtes au soleil, malgré les avis contraires des autorités sanitaires.

« Alors que la date d’entrée en vigueur du 7 janvier approche, nous sommes préoccupés quant à la faisabilité de la mise en œuvre de cette mesure […]. Avec l’échéancier proposé et l’absence de clarté et de détails, nous sommes particulièrement inquiets de la possibilité que des Canadiens de tous les âges se voient refuser l’accès à l’embarquement et demeurent coincés [à l’étranger], dans un contexte où il y a une réduction du nombre de vols et de leur fréquence », affirment les dirigeants dans leur lettre.

« Nous croyons que la date de mise en œuvre du 18 janvier pourrait augmenter la perspective d’une transition en douceur, et même l’adoption de nouvelles mesures », ajoutent-ils.

Déplorant de ne pas avoir été consultés au préalable avant l’annonce de cette nouvelle exigence, les dirigeants soulignent que l’industrie aérienne a déjà adopté une panoplie de mesures pour rendre les vols sécuritaires et éviter la propagation du virus.

La lettre, que La Presse a obtenue, est signée par Calin Rovinescu, PDG d’Air Canada, Ed Sims, PDG de WestJet, Jean-Marc Eustache, PDG d’Air Transat, et Stephen Hunter, PDG de Sunwing. Le directeur général de l’Association internationale du transport aérien, Alexandre de Juniac, et le président et directeur général du Conseil national des lignes aériennes du Canada, Mike McNaney, l’ont aussi signée.