Si une stabilisation du nombre de nouveaux cas s’observe depuis quelques jours dans la province, le réseau de la santé, lui, composera avec une pression accrue pendant encore plusieurs semaines. Alors que Québec s’apprête à dévoiler vendredi ses rapports très attendus sur la ventilation et les aérosols, des spécialistes rappellent que des mesures concrètes devront être adoptées en la matière, sinon quoi le couvre-feu ne sera pas autant efficace que souhaité.

« Est-ce qu’on est sur un plateau ou est-ce qu’on commence un plateau ? Il faut demeurer très prudent. On ne pourra vraiment le dire qu’après le 10 janvier, quand on aura dépassé la période d’incubation datant de la fin de l’année, qui reste la période la plus susceptible pour les rassemblements au Québec », affirme Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de Montréal (ESPUM).

En fin de compte, chaque tranche de 2500 cas par jour « veut dire environ 250 hospitalisations d’ici 10 jours à trois semaines, dit Mme Da Silva. Et le lendemain, c’est pareil. Il faut à tout prix augmenter notre capacité de dépistage. Peut-être qu’on en serait à 4000 cas avec plus de moyens. »

La moyenne des nouveaux cas, elle, est légèrement en baisse. Sur une semaine, le Québec rapporte 2554 nouveaux cas par jour, en baisse de 2 %. Il reste toutefois à voir si cette tendance se maintiendra, puisque ces chiffres doivent être interprétés avec beaucoup de circonspection.

Il faut demeurer extrêmement prudent et regarder la tendance générale d’abord. Ces chiffres ne permettent pas de conclure que nous avons atteint un pic. Nous savons que les besoins en hospitalisations vont continuer d’augmenter.

Le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif

Règle générale, les indicateurs de cas, d’hospitalisations ou de décès signalés au quotidien reflètent en effet la réalité épidémiologique des semaines précédentes. « Il faudra ainsi attendre un moment encore avant de pouvoir déterminer si le couvre-feu aura réellement eu des effets. Il n’y a pas de recherche solide qui démontre son efficacité, mais ça donne un signal fort à la population et, surtout, des outils aux autorités pour renforcer les restrictions », illustre le médecin.

Le débat des aérosols

Couvre-feu ou pas, le gouvernement Legault devra rapidement implanter des mesures supplémentaires dans les écoles et les milieux de travail toujours actifs, qui représentent toujours la majorité des éclosions en cours, selon la plupart des spécialistes en santé publique. « Ça prend une protection maximale, donc des masques obligatoires pour tous les élèves, oui, mais aussi une amélioration notable de la ventilation. Il faut qu’on s’en préoccupe davantage », note Matthew Oughton.

Roxane Borgès Da Silva abonde dans le même sens. « Ça prend plusieurs mesures différentes pour arriver à contenir une pandémie. Le couvre-feu en est une, mais la gestion des aérosols en est une autre. En fait, il aurait fallu rapidement installer des filtreurs et des purificateurs d’air dans les écoles et revoir nos systèmes de ventilation mécanique », soulève la spécialiste.

Certes, il n’y a pas de consensus scientifique clair sur la contamination par aérosols, mais aux États-Unis, on applique déjà un principe de précaution. Au Québec, on en parle depuis le mois de septembre, mais il n’y a toujours rien qui se fait.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’ESPUM

Selon le cabinet du premier ministre François Legault, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, dévoilera vendredi le contenu des rapports très attendus sur la transmission par aérosols et la ventilation, dans les écoles notamment, au début d’une conférence de presse. Le Dr Richard Massé, conseiller médical stratégique de la Santé publique, sera aussi présent.

Les résultats de tests d’air effectués dans les écoles, qui avaient été mentionnés en novembre par Québec, devraient notamment être présentés. Rappelons que les rapports sur le rôle des aérosols dans la transmission de la COVID-19 sont attendus de pied ferme par des établissements scolaires et bien des parents. Ils devaient initialement paraître en décembre.

Plus tôt, mercredi, M. Legault avait annoncé que dans les écoles primaires, qui rouvriront le 11 janvier, les enfants devront porter le masque dans les corridors. En cinquième et en sixième année, il sera obligatoire en classe, ce qui aidera probablement « du côté du potentiel problème des aérosols », a-t-il dit.

Appelé à donner des précisions, le Dr Horacio Arruda a alors assuré que ses équipes « ont regardé tout ce qui se publiait en termes d’évènements de ventilation et d’aérosols, pour voir dans quel contexte de soins ou scolaire » il pourrait y avoir des améliorations.

« On a véritablement fait l’analyse, vu ce qui pourrait être fait dans le contexte du Québec. L’information va venir au courant des prochains jours », a dit M. Arruda.

Un nombre élevé de décès

Pendant ce temps, mercredi, le bilan de la COVID-19 du Québec s’est considérablement alourdi au chapitre des décès, avec 74 morts supplémentaires. Ce chiffre est le plus élevé observé depuis le début du mois de juin et il porte à 48 la moyenne quotidienne des décès sur une semaine. Par ailleurs, 2519 cas supplémentaires ont aussi été signalés.

C’est dans l’île de Montréal que la Santé publique a déploré le plus de décès, soit 24. Dans la Capitale-Nationale, le bilan fait état de 12 morts. Ce bilan est également lourd en Montérégie (9), en Mauricie et Centre-du-Québec (8), en Estrie (7), en Outaouais (5) et dans les Laurentides (4). Enfin, Chaudière-Appalaches et le Saguenay–Lac-Saint-Jean ont rapporté deux décès chacun et Laval, un.

Le nombre de personnes hospitalisées, lui, a légèrement diminué. On recense actuellement 1380 personnes à l’hôpital, soit 13 de moins que la veille. Du nombre, 202 sont aux soins intensifs, un chiffre inchangé par rapport à la veille. Québec rapporte avoir réalisé 34 857 tests de dépistage mardi. Enfin, 9960 doses de vaccin ont été administrées mercredi, portant à 48 632 le nombre de personnes vaccinées.

Un dépassement de la capacité des hôpitaux des patients de la COVID-19 d’ici trois semaines est par ailleurs de plus en plus probable dans le Grand Montréal, en raison de la forte progression des hospitalisations. Déjà, près des trois quarts des lits ordinaires et les deux tiers de ceux en soins intensifs sont occupés dans la région métropolitaine.

L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a diffusé jeudi matin son plus récent bilan de l’impact de la pandémie sur le réseau hospitalier. On y note que le nombre de nouveaux cas de COVID-19 a augmenté de 17 % depuis une semaine, 17 980 ayant été découverts du 28 décembre au 3 janvier, période analysée. La progression étant concentrée dans le Grand Montréal, l’INESSS conclut que, d’ici trois semaines, « un risque de dépassement des capacités dédiées d’ici les trois prochaines semaines est réel » dans la région métropolitaine. Le risque est évalué à « plus de 50 % ».

La COVID-19 en graphiques

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