Des familles du CHSLD Maimonides, où s’est amorcée la vaccination à Montréal, mettent en demeure le gouvernement Legault de donner aux résidants la deuxième dose du vaccin Pfizer. Son administration a été suspendue la semaine dernière, Québec ayant choisi d’utiliser tous ses vaccins pour immuniser un maximum de personnes.

« Le changement de protocole […] constitue un bris de contrat ou un changement inacceptable des décisions gouvernementales alors que les citoyens se basaient sur la première directive pour consentir à la vaccination », lit-on dans ladite mise en demeure, qui s’adresse directement au premier ministre François Legault et au ministre de la Santé, Christian Dubé.

Dans le document, les avocats Julius Grey et Vanessa Paliotti ajoutent « qu’une seule dose est insuffisante, contreproductive, et augmente le risque d’être infecté par le COVID-19 ». « Ce que vous faites crée un danger important pour nos clients qui ne veulent pas supporter ce risque », martèlent les juristes.

Membre du Comité de défense des familles de Maimonides, Joyce Shanks presse Québec de délivrer les deuxièmes doses à tous les résidents de l’établissement « dans les 72 heures », sinon quoi d’autres procédures judiciaires pourraient être entamées. « On n’a pas le choix. C’est la santé de nos familles qui est en jeu », laisse-t-elle tomber en entrevue avec La Presse.

Aux yeux de Mme Shanks, il en va du respect de l’entente qui avait été établi à la base avec les résidents du centre. « On comprend que la situation est fragile et que plusieurs personnes doivent être vaccinées, mais on avait un contrat et nous ne sommes pas des milliers à avoir ce contrat. On était le projet-pilote, et il y avait une procédure. Maintenant, il faut la suivre à la lettre, tel que convenu, avec deux doses », martèle la Montréalaise, dont le père vit dans ce CHSLD de l’ouest de l’île depuis cinq ans.

D’autres vaccins vont être produits, d’autres seront bientôt approuvés. Il pourra y avoir des changements dans le futur, mais de notre côté, on avait une entente.

Joyce Shanks, du Comité de défense des familles de Maimonides

Immuniser « le plus grand nombre »

Appelé à réagir, le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, indique avoir pris la décision de ne plus conserver la deuxième dose « de manière à immuniser le plus grand nombre de personnes possible auprès des groupes prioritaires », dans les CHSLD, mais aussi au sein du personnel du réseau de la santé notamment.

« Cette mesure a pour objectif d’accélérer la vaccination des personnes vulnérables, dans le contexte actuel de propagation très élevée de la COVID-19 sur le territoire québécois », précise l’attachée de presse, Marjaurie Côté-Boileau, précisant que le ministère ne fera pas d’autres commentaires à ce stade, « comme cela relève d’une décision administrative de la Santé publique et non politique ».

Rappelons que c’est le Comité sur l’immunisation du Québec et l’Institut national de santé publique (INSPQ) qui ont émis la recommandation de ne plus conserver la deuxième dose. Les rendez-vous des personnes en attente d’une deuxième dose ont donc été « ajustés en conséquence », c’est-à-dire reportés ou carrément annulés.

Coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD (CPMC), la Dre Sophie Zhang dit comprendre les réticences des usagers et des familles, mais rappelle que la décision d’administrer toutes les doses n’a pas été prise facilement. « On est dans une situation de crise exceptionnelle, lâche-t-elle. Il y a des gens très vulnérables qui sont à risque d’être hospitalisés ou de décéder, et l’enjeu, c’est qu’on n’a pas suffisamment de doses. S’il n’y avait pas de pénurie, il n’y aurait même pas de débat, mais là, on a dû faire un choix », rétorque la docteure.

À ses yeux, la première dose donne quand même « une bonne chance au coureur », avec une immunité « quand même très bonne qui est d’au moins 50 %, et qui peut potentiellement aller jusqu’à 90 % ». « Il n’y a pas de bonnes réponses, puisque c’est un débat éthique, mais les arguments scientifiques nous disent d’aller de l’avant. On est toujours dans une certaine zone grise avec la COVID-19 », conclut Mme Zhang.