(Montréal) L’impact de la pandémie de coronavirus pourrait être ressenti pendant encore plusieurs années dans les pays défavorisés et possiblement y causer une grave famine, redoute une responsable de l’organisation humanitaire Mission Inclusion.

« Avec la crise de la COVID-19, la crise alimentaire, les changements climatiques, même les conflits armés dans certains pays où on intervient… ce cocktail de crises accentue encore davantage la vulnérabilité des personnes, a résumé Frédérique Thomas, la directrice des programmes de ce qu’on appelait anciennement l’Œuvre Léger.

« Ce qu’on craint, en fait, c’est l’après-crise. Il y a eu des impacts présentement, mais on craint aussi des impacts dans le futur. »

Plusieurs habitants des pays en voie de développement travaillent dans ce que Mme Thomas appelle les « secteurs informels », ce qui veut dire qu’ils dépendent souvent de l’argent qu’ils gagneront cette journée-là pour survivre jusqu’au lendemain.

Mais avec la crise de la COVID-19, plusieurs de ces emplois — qu’il s’agisse par exemple de travailler dans les champs ou de se rendre au marché vendre des marchandises — se sont évaporés.

« Ces personnes font face vraiment à une crise alimentaire, et on prévoit qu’il y en aura une encore plus grande dans le futur parce que dans certains pays, comme au Burkina Faso [en Afrique de l’Ouest] par exemple, la crise est arrivée exactement lors de la préparation des sols pour planter les semences qui vont permettre les récoltes pour l’année prochaine », a-t-elle dit.

Pas de filet social

D’autant plus que les gouvernements des pays en voie de développement « n’ont pas nécessairement [la] capacité financière de sortir de l’argent pour aider toute la population », ajoute-t-elle.

« La crise de la COVID-19 a eu le même impact dans les pays en voie de développement qu’ici au Canada, a dit Mme Thomas. Mais évidemment, ici les gouvernements ont sorti des programmes pour essayer d’atténuer l’impact sur les populations, ce qui n’est pas nécessairement le cas dans tous les pays en voie de développement. »

Il revient donc à des organismes humanitaires et communautaires comme ceux que Mission Inclusion accompagne de prendre le relais et de raccommoder tant bien que mal les mailles d’un filet social qui est souvent criblé de trous.

Mme Thomas cite en exemple des organisations philippines qui ont dû ravitailler la population, après que la promesse du gouvernement de fournir suffisamment de vivres pour deux semaines ne se soit jamais concrétisée.

Freiner le virus

Ces organisations tentent aussi de freiner la propagation du virus dans des pays où on ne peut même pas envisager de respecter la distanciation sociale recommandée par les experts.

« Les organismes que l’on appuie […] ont mis des programmes en place pour pouvoir faire de la sensibilisation au lavage des mains, la mise en place de kits sanitaires, donc des stations d’eau, du savon, des masques, pour que les gens puissent respecter au moins ce genre de mesures quand on n’est pas capables de respecter la distanciation sociale », a-t-elle expliqué.

Cela étant dit, plusieurs de ces organismes peinent à répondre à une accentuation de la demande à un moment où le coronavirus entrave leurs efforts de financement et où la pandémie les contraint à renvoyer plusieurs travailleurs à la maison pour des raisons de sécurité.

On leur demande en d’autres mots de faire plus, mais avec encore moins de main-d’œuvre et de moyens financiers.

« On pense que la crise va avoir des impacts à plus long terme, après 2020, surtout 2021, 2022 et 2023 où on va sûrement avoir une famine qui va se poindre à l’horizon, a conclu Mme Thomas. Les besoins vont s’exacerber. »