Alors que l’Ontario a statué jeudi sur le port du masque dans les écoles – les élèves de la 4e à la 12e année devront obligatoirement le porter –, les experts et les intervenants du milieu de l’éducation semblent divisés sur cette question au Québec. Le gouvernement Legault, de son côté, n’a pas l’intention de changer ses plans pour le moment.

« Les données sur les jeunes enfants, en particulier, sont très limitées jusqu’ici, donc c’est vraiment une question difficile », lâche d’emblée l’épidémiologiste Hélène Carabin, qui est entre autres spécialisée en santé environnementale.

Selon elle, tout est une question d’aménagements, même si le masque représente une certaine forme d’ultime solution. « C’est sûr que c’est plus prudent et qu’on prend moins de risques si on l’impose. Mais en même temps, si on a les mesures requises dans les classes, ça devient moins pertinent. Il faut aussi rappeler que pour les plus jeunes, ce ne sera pas tâche facile de porter le masque en permanence », explique-t-elle.

À l’École de santé publique de l’Université de Montréal (UdeM), l’experte en politiques publiques Marie-Pascale Pomey abonde relativement dans le même sens. « Pour l’instant, ce que propose le gouvernement me paraît socialement plus facile pour nos jeunes. Cela dit, si on a du mal à contenir le virus en septembre, on risque de passer au masque obligatoire », dit-elle.

Il faut surtout continuer d’appliquer les autres mesures avant de se rendre là, donc éloigner les tables, limiter la taille des groupes ou décaler les horaires. C’est déjà en soi un vrai casse-tête dans les écoles.

Marie-Pascale Pomey, professeure au département d’évaluation et de politique de santé de l’UdeM

Québec persiste et signe

Joint par La Presse, le cabinet du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, indique que la Direction générale de la santé publique (DGSP) « n’a pas demandé, à ce stade-ci, le port du masque obligatoire dans les écoles », jugeant que les mesures en place sont suffisantes pour minimiser les risques.

« Nous resterons toutefois attentifs à l’évolution de la situation et à toute potentielle recommandation en ce sens. Le cas échéant, nous en informerons rapidement le réseau scolaire », souligne l’attaché de presse Francis Bouchard. Il réitère par ailleurs que des couvre-visages seront offerts au personnel scolaire qui en fait la demande ou qui est en contact « plus étroit » avec des élèves, notamment au préscolaire.

Selon le plan annoncé en juin par le ministère, les écoles seront autorisées à fonctionner avec les ratios traditionnels jusqu’en 3e secondaire. Les profs devront diviser les jeunes en « sous-groupes » de six élèves maximum, dans lesquels aucune distanciation physique ne sera exigée. Les autorités demandent toutefois qu’un mètre soit respecté entre chacune de ces « bulles ». Jeudi, le gouvernement ontarien de Doug Ford, lui, n’a émis aucune précision quant à la distanciation physique dans les écoles.

Au Québec, c'est à partir de la 4e secondaire que le mode hybride sera privilégié. Ainsi, 50% du temps devra minimalement être passé en classe. Et la formation en ligne pourra se charger du reste.

Plusieurs questions sans réponses, déplore la FAE

Selon le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Mallette, « la question du masque est loin d’être réglée avec la création des bulles » chez les plus jeunes.

On ne sait même pas encore concrètement de quelle façon ça va fonctionner dans ces bulles, et entre celles-ci. C’est clair qu’il n’y aura pas moins d’élèves dans nos classes, mais le fonctionnement sur le terrain, on l’ignore.

Sylvain Mallette, président de la FAE

« Pour l’instant, tout ce qu’on sait avec le masque, c’est qu’il sera obligatoire dans le transport scolaire, mais pas à la sortie du bus », ajoute-t-il.

Son organisme dit actuellement recevoir « beaucoup de messages de profs » qui souhaitent que le masque soit imposé pour se protéger le mieux possible. Des enseignants demandent aussi à obtenir plus d’informations sur les mesures qui seront en place à la rentrée.

« On peut comprendre leur inquiétude. On nous dit de plus en plus que les jeunes représentent un certain foyer d’éclosion, ou du moins qu’ils peuvent contribuer à alimenter la contamination. Les enjeux changent, et le ministre n’a toujours pas répondu à ces questions », ajoute M. Malette, qui demande à Québec d’apporter des précisions rapidement.