(Montréal) Depuis samedi, il n’est plus possible de fréquenter un lieu public fermé au Québec sans se couvrir le visage, une nouvelle consigne de santé publique visant à empêcher une flambée de cas de COVID-19 à laquelle semble adhérer une forte majorité de clients.

Au centre commercial Place Versailles, à Montréal, on pouvait compter sur les doigts d’une main les clients qui circulaient sans masque samedi matin. Selon un agent responsable de la sécurité, une seule personne avait manifesté de l’opposition en matinée parmi une affluence soutenue de consommateurs.

Des agents de sécurité placés aux diverses entrées du complexe remettent un billet aux clients ne portant pas de masque. Ce bon leur permet d’obtenir gratuitement un masque jetable pour fréquenter les commerces.

Rencontrée dans le stationnement, Rachel Beaudry était contente de pouvoir sortir faire des emplettes avec sa fille, mais trouve un peu exagérée l’obligation de porter le masque.

« Je ne peux pas faire grand-chose, alors on va vivre avec », mentionne celle qui préférait ne pas porter un couvre-visage avant qu’on ne l’y oblige.

Simon Landry, lui, porte le masque volontairement depuis quelques semaines « par respect pour les autres ». À son avis, il faut faire tout ce qu’on peut pour éviter une deuxième vague de l’épidémie.

Benedicta Bonita a adopté le port du masque dès le tout début de la crise sanitaire chaque fois qu’elle sort faire des emplettes.

« Quand ça a commencé, on voyait les gens en Chine et partout porter des masques, alors je le faisais pour me protéger parce qu’on n’était pas trop sûr si c’était dans l’air ou non », explique la mère de famille qui traîne des couvre-visages dans la voiture et dans son sac pour être certaine d’en avoir sous la main.

Les trois enfants accompagnant Mme Bonita portaient eux aussi un masque même si l’obligation ne s’applique qu’aux 12 ans et plus. Le fait de voir tout le monde entrer dans les commerces le visage couvert la rassure un peu plus qu’on puisse éviter une nouvelle flambée de contamination.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Trop tard ?

Plusieurs des clients interrogés ont convenu que la mesure aurait probablement pu être imposée plus tôt. Toutefois, certains estiment que la résistance se serait avérée plus forte.

C’est ce que croient Patricia et Antonio Pizzi qui portent le masque depuis le début de la pandémie. « Je pense que le gouvernement aurait dû le rendre obligatoire avant, ç’aurait été mieux », observe M. Pizzi. Malgré tout, Mme Pizzi se réjouit que ce soit enfin le cas.

Un point de vue partagé par Simon Landry. « Au moins, c’est fait maintenant ! Et on espère surtout que ce soit assez efficace pour qu’il n’y ait pas de deuxième vague, même de toute petite deuxième vague », souhaite-t-il.

Sylvie Bernier et Richard Gagnon font partie de ceux qui se plient de mauvais gré à l’obligation tout en espérant que la mesure sera de courte durée.

D’après M. Gagnon, il est fort possible que des gens se braquent contre l’obligation de porter le masque, mais il croit qu’il fallait en arriver là et même plus tôt que tard.

« Ils ont attendu tellement longtemps », fait-il remarquer.

Par ailleurs, des manifestations étaient prévues dans quelques villes du Québec, dont à Saint-Georges, en Beauce, pour protester contre le port obligatoire du couvre-visage. Des opposants se sont aussi donné rendez-vous dimanche devant les bureaux du premier ministre François Legault à Montréal.

Selon l’organisatrice de la mobilisation beauceronne, Chantale Giguère, quelques centaines de personnes ont répondu à l’appel pour montrer leur désaccord.

« On a beaucoup de petits commerces ici et on a peur que nos commerçants subissent ce qui va arriver parce que les gens sont contre le masque ici en Beauce », a-t-elle déclaré en ajoutant que le port du masque devrait être un choix personnel.

« Moi, je suis une personne hypersensible alors je n’arrive pas à mettre ce masque-là sur mon visage. Ça me fait extrêmement mal de voir les gens masqués », mentionne Mme Giguère.

Samedi, il n’était pas possible d’obtenir de données sur le nombre d’appels auxquels la Sûreté du Québec ou le Service de police de la Ville de Montréal ont dû répondre pour venir en aide à des commerçants aux prises avec des clients récalcitrants.

Une vidéo a circulé abondamment sur les réseaux sociaux dans laquelle on voit une intervention policière musclée.

Des agents du SPVM ont dû recourir à la force pour expulser un client refusant de porter un masque dans une succursale de la chaîne Tim Hortons. L’incident se serait produit dans l’arrondissement de Villeray—Saint-Michel—Parc-Extension.

Les détaillants font front commun

Pour l’instant, l’application de la règle repose sur le dos des commerçants. Ce sont eux qui ont le fardeau de s’assurer que chaque client porte un couvre-visage sous peine de se voir imposer des sanctions sous forme d’amendes.

Samedi matin, treize associations de commerçants, dont la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), l’Association des détaillants en alimentation du Québec et le Conseil québécois du commerce de détail ont publié un communiqué conjoint pour réclamer que la responsabilité de l’application des consignes sanitaires soit partagée.

Les commerçants demandent au gouvernement d’imposer « des amendes proportionnées visant directement les consommateurs contrevenants » plutôt que les entreprises déjà lourdement affectées financièrement par les conséquences de la COVID-19.

« Ce que nous demandons, c’est que cette responsabilité soit sur la personne qui commet l’erreur. Donc, si c’est Paul qui refuse de mettre un masque, ça ne doit pas être Pierre qui doit payer », dénonce l’analyste principal des politiques à la FCEI, Gopinath Jeyabalaratnam, en précisant que l’amende aux commerçants peut s’élever jusqu’à 6000 $.

De nombreux propriétaires de commerces craignent que les idéologies bien campées pour ou contre le masque ne mènent à des disputes entre clients. D’autres se disent tout simplement impuissants face aux récalcitrants puisque leurs employés ne sont pas des policiers.

Protection supplémentaire

La Direction nationale de la santé publique du Québec indique sur son site web que certaines personnes peuvent être atteintes de la COVID-19 sans le savoir et que le port d’un couvre-visage peut « diminuer le risque » de transmission du coronavirus.

Un code précis doit cependant être respecté pour bien se protéger et protéger les autres. Le masque doit être propre et bien ajusté. Il faut également se laver les mains avant et après avoir manipulé son masque.

La santé publique insiste aussi sur le fait que le port du masque « ne remplace pas le lavage des mains ; la distanciation physique de deux mètres ; (ni) l’isolement à la maison si vous êtes malade ».