(Montréal) Un projet de recherche campé à l’intersection entre la génomique, l’intelligence artificielle et la chimie médicinale tentera d’accélérer l’identification de nouvelles molécules qui pourraient se révéler utiles dans la lutte contre le coronavirus.

Le projet regroupe notamment Génome Québec, l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC) de l’Université de Montréal, l’Université de Montréal, Mila/Institut québécois d’intelligence artificielle et l’Université McMaster.

« Quand on part de rien avec les méthodes traditionnelles, développer un nouveau médicament peut prendre 10 ou 15 ans, a dit le professeur Michael Tyers, de l’IRIC/Université de Montréal. Nous espérons que cette approche nous permettra d’aller passablement plus vite. »

Chaque discipline y ira d’une contribution qui lui est propre.

L’utilisation du criblage génomique, dans un premier temps, devrait conduire à une meilleure compréhension des interactions génétiques entre le virus et les cellules humaines hôtes, et donc à l’identification de nouvelles cibles pour la découverte de médicaments.

L’intelligence artificielle permettra de concevoir de nouveaux inhibiteurs chimiques pour les protéines virales et les protéines humaines hôtes dont le virus dépend.

Puis, avec la chimie médicinale avancée, l’équipe sera en mesure de synthétiser et tester ces inhibiteurs.

Intelligence artificielle

« Pensez à quelqu’un qui se promène au Canada et qui cherche une mine d’or, a dit le professeur Yoshua Bengio, de Mila/Université de Montréal, pour illustrer la contribution de l’intelligence artificielle.

«Si on y va au hasard et qu’on creuse des trous pour voir si ça fonctionne, ça peut être long. Si on prend des exemples dans telle région, telle sorte de terrain, ça avait fonctionné dans le passé, on peut prospecter et trouver des endroits où ça vaudrait peut-être la peine de creuser un trou et à ce moment-là accélérer énormément la recherche. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le professeur Yoshua Bengio

L’intelligence artificielle est capable d’apprendre à partir d’exemples, a-t-il ensuite rappelé. Une fois que l’ordinateur aura identifié une molécule qui semble prometteuse, il sera capable d’en chercher d’autres qui lui ressemblent.

« Si on a déjà quelque chose qui a l’air pas pire, on peut explorer des variations autour de ça avec l’intelligence artificielle qui nous propose des candidats intéressants, a dit le professeur Bengio. Et si dans l’ordinateur ça a l’air intéressant, on va passer ça à nos amis chimistes. »

Car malgré tous les progrès réalisés par les ordinateurs et la technologie, la contribution des humains reste essentielle, a souligné la professeure Anne Marinier, de l’IRIC/Université de Montréal.

« L’ordinateur va pouvoir générer toute sorte de structures diverses, mais on ne saura pas […] si ces molécules sont actives, a-t-elle dit. Il va falloir absolument les synthétiser et les évaluer. »

Plusieurs des prédictions qui seront formulées par l’ordinateur n’aboutiront à rien, a rappelé le professeur Tyers, mais on pourra quand même profiter de ces prédictions pour améliorer tout le processus.

Aiguilles brillantes

Les chercheurs partent donc en quête de la proverbiale aiguille dans une botte de foin : identifier, parmi les centaines de millions de molécules de l’univers, celles qui seraient en mesure de se lier à une cible thérapeutique pour combattre le coronavirus.

Le professeur Bengio a bon espoir que l’intelligence artificielle pourra simplifier un peu cette quête.

« On peut faire briller les aiguilles dans la botte de foin », a-t-il lancé en riant.

M. Bengio estime que l’intelligence artificielle a le potentiel de révolutionner et surtout d’accélérer le développement du médicament, ce qui prend une tout autre importance dans le contexte de la pandémie.

Elle n’est toutefois utilisée que depuis tout récemment dans le développement de médicaments, et la pandémie de coronavirus lui donne l’occasion de faire valoir ce qu’elle est en mesure de contribuer.

« Ça va être intéressant de voir ce que l’intelligence artificielle peut faire, a commenté la professeure Marinier. Si ça fonctionne, ça va être essentiellement un outil additionnel dans notre boîte […] pour nous qui concevons de nouveaux médicaments. Je pense que c’est une très belle opportunité de développer l’intelligence artificielle dans le domaine de la découverte du médicament. »