(Montréal) La COVID-19 et le cancer n’ont pas cohabité paisiblement : des diagnostics ont été retardés et la possibilité de certains traitements s’est parfois envolée. Un chercheur de l’Université McGill entreprend un projet de recherche afin de cerner toutes les répercussions de la pandémie sur le cancer et déterminer pour l’avenir quels traitements doivent être priorisés ou peuvent être repoussés dans un tel contexte, sans accroître la mortalité.

L’étude sera dirigée par Eduardo Franco, directeur du Département d’oncologie Gerald Bronfman ainsi que de la Division d’épidémiologie du cancer de l’Université McGill.

Pour la mener à bon port, Dr Franco, aussi professeur titulaire d’une chaire James-McGill, a obtenu un financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

La COVID a affecté tous les domaines des soins de santé. « On n’a jamais rien vu de tel », a-t-il déclaré en entrevue téléphonique.

Son constat : la COVID-19 a chamboulé le dépistage, le diagnostic et le traitement du cancer.

« Tout le processus de dépistage du cancer a été complètement déraillé », a-t-il précisé.

Les raisons sont les suivantes : afin de protéger les patients et le personnel, les hôpitaux ont changé les protocoles de dépistage et de prévention, car ils sont devenus des milieux à risque de contracter la COVID-19. Le processus de diagnostic — rayons X et IRM, entre autres — et les traitements ont aussi été affectés.

« Beaucoup de procédures ont été reportées ou annulées. Cela s’est produit partout dans le monde », dit le Dr Franco. Seulement les chirurgies les plus urgentes ont été priorisées.

Le ministère de la Santé du Québec avait procédé à des opérations de délestage de certaines activités médicales non urgentes, afin d’être prêt si les patients atteints de la COVID-19 engorgeaient les hôpitaux. Fin avril, celle qui était alors ministre de la Santé, Danielle McCann, a annoncé la reprise des activités d’imagerie médicale pour l’ensemble du dépistage de maladies liées au cancer, selon les ressources disponibles et l’évolution de la pandémie.

Mais aussi, les patients eux-mêmes ont évité les centres de soins pour ne pas être infectés, a dit le Dr Franco. Il les comprend d’avoir peur.

« Le cancer en soi affaiblit le système immunitaire et les patients sont alors plus vulnérables à la COVID-19, explique-t-il. Beaucoup de ceux qui sont atteints de cancers sont souvent âgés de plus de 60 ans, et font donc partie d’une population plus vulnérable. »

Les cliniques ont vu une diminution du volume de patients. « On commence à être nerveux. Bientôt, on va diffuser des messages sur les réseaux sociaux pour dire à nos patients : le cancer ne peut pas attendre. Il ne sait pas c’est quoi la COVID-19 et il progresse ».

Les conséquences de ces reports ne peuvent être passées sous silence. « Beaucoup de choses se sont mal passées dans le traitement du cancer », juge-t-il.

Si un cancer est repéré à un stade plus avancé, le traitement peut devoir être différent. Par exemple, la chirurgie pour enlever une tumeur pourrait ne plus être possible, explique Dr Franco.

Il faut alors déterminer ce qui ne peut pas attendre et ce qui peut être reporté, sans affecter les patients, pour tous les types de cancers.

Avec son équipe, il a donc l’intention de dresser la liste des activités de suivi et de traitement du cancer qui ont été annulées ou perturbées en raison de la pandémie. L’effet des diagnostics tardifs et des annulations ou du report de traitements sur la survie sera aussi étudié.

À la lumière de ces projections, il entend proposer des stratégies de réduction de la morbidité et de la mortalité par cancer ainsi que des priorités d’intervention.

On veut être prêts pour le long terme, dit-il, car une telle situation de pandémie peut se reproduire. « Il s’agit d’une nouvelle réalité avec laquelle nous devons vivre, et les processus de soins doivent être modifiés et doivent être raffinés. »