Au moment où elle s’apprêtait à ouvrir une porte sur l’avenir avec la présentation du premier projet concret de refonte tarifaire, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) devra composer avec un manque à gagner qui pourrait atteindre 500 millions pour le financement des réseaux de transports collectifs d’ici la fin de 2020, a appris La Presse.

L’effondrement de l’achalandage habituel dans les autobus, les trains et le métro, et l’absence de perception des tarifs depuis trois mois dans les transports collectifs, pour prévenir la transmission de la COVID-19, pourraient ainsi faire disparaître plus de la moitié des revenus en provenance des passagers qu’attendait l’ARTM, en 2020, pour financer les activités des quatre grands réseaux de transports collectifs de la métropole.

De plus, selon un dirigeant de l’ARTM, en tenant compte du recours beaucoup plus large au télétravail prévu dans l’avenir immédiat, de la possibilité que les cégeps et les universités tiennent leurs sessions à distance en septembre prochain, et en prévoyant un retour lent et graduel de la clientèle d’antan dans les transports collectifs, ce manque à gagner pourrait grimper jusqu’à 1 milliard en trois ans, selon des scénarios étudiés par l’ARTM.

À l’occasion de sa seule assemblée publique de l’année, qui sera diffusée ce jeudi sur la page Facebook de l’Autorité, pandémie oblige, le conseil d’administration de l’ARTM fera le point sur l’effet financier de la COVID-19, qui pourrait amputer l’ARTM de presque 20 % de son budget.

Depuis 2017, l’ARTM finance les services offerts par les quatre grandes sociétés de transports (STM, RTL, STL et exo) de la région métropolitaine en vertu de contrats de service annuels conclus avec chaque transporteur. C’est donc l’ARTM qui touche tous les revenus en provenance des usagers des quatre réseaux et qui a l’autorité exclusive pour fixer les tarifs du métro, des trains de banlieue et des réseaux de bus, à l’échelle du territoire métropolitain.

Dans ses projections budgétaires annuelles adoptées bien avant la pandémie, à la fin de 2019, l’ARTM prévoyait encaisser des revenus en provenance des usagers de presque 969 millions, au cours de l’année 2020, sur un budget total de 2,7 milliards.

Un manque à gagner de 500 millions représenterait ainsi environ 18 % du budget total de l’Autorité, pour l’année en cours. Ou la totalité du budget d’exploitation 2020 du réseau exo, responsable des trains de banlieue et des autobus métropolitains.

L’ARTM présente enfin sa refonte tarifaire

L’incidence désastreuse de la pandémie sur le financement des réseaux de transports en commun survient au moment précis où l’ARTM prévoyait enfin présenter un projet de refonte des tarifs dans les transports collectifs, attendu depuis plus d’un an par tous les intervenants du transport urbain.

Ce serait un euphémisme de dire que la refonte des tarifs dans les réseaux de transports collectifs métropolitains est une urgence. Les dirigeants des grands réseaux de transports de la métropole la considéraient déjà comme une priorité au milieu des années 2010, bien avant la création de l’ARTM.

Au moment de sa création, en 2017, l’ARTM a hérité d’un gigantesque casse-tête formé de plus de 600 pièces provenant des grilles tarifaires élaborées au fil des ans sur leur territoire propre par les trois sociétés de transports de Montréal, de Laval et de Longueuil, une agence provinciale (l’Agence métropolitaine de transport) et 14 réseaux locaux des couronnes de la banlieue (aujourd’hui regroupés sous l’enseigne d’exo).

Trois ans plus tard, il y a toujours plus de 700 titres de transport en vigueur dans les réseaux de transports de la région métropolitaine chapeautés par l’ARTM, même si l’Autorité a maintes fois répété que la refonte était l’une de ses plus hautes priorités.

Souvent incompatibles d’un réseau à l’autre, parfois inéquitables entre usagers de différents secteurs, les modes d’opération cloisonnés entre les anciens réseaux et leurs grilles de tarifs multiples ont même donné naissance à des situations absurdes qui persistent toujours aujourd’hui.

Pourquoi, par exemple, peut-on prendre le métro jusqu’à Laval ou Longueuil avec un titre mensuel de la Société de transport de Montréal (STM), mais ne peut-on pas en revenir sans payer un passage supplémentaire de 3,50 $ ?

Pourquoi un autobus arrivant de Varennes par la route 132 ne pourrait-il pas faire monter à bord un usager d’une autre société de transport qui poireaute sous la neige à Boucherville, en raison d’un bus en retard, alors qu’il se rend au même endroit que le bus de Varennes ?

Jusqu’en 2030

Selon nos informations, le conseil d’administration de l’organisme, composé de 5 élus municipaux et de 10 spécialistes non élus, adoptera ce jeudi un premier projet de refonte tarifaire, qui sera soumis à la consultation publique en septembre et en octobre, par l’internet, avant de cheminer jusqu’à son adoption définitive, en décembre prochain.

La nouvelle grille tarifaire métropolitaine simplifiée et intégrée de l’ARTM pourrait donc entrer en vigueur le 1er juillet 2021, juste à temps pour intégrer le futur Réseau express métropolitain, qui doit se mettre en route à la fin de l’année prochaine.

La présentation d’un projet de plan stratégique de développement (PSD) devrait suivre le même cheminement que le projet de refonte tarifaire quelques mois plus tard. Les consultations publiques sur ce projet de PSD, dont l’adoption est prévue cet été, auront lieu entre octobre et décembre.

La forme précise que prendra cette consultation reste à confirmer, en raison des aléas de la pandémie. Mais, selon les informations fournies, elle prévoit un appel public aux personnes et aux groupes intéressés ainsi que des auditions de mémoires qui s’étendront jusqu’en décembre, par vidéoconférence ou autrement.

Si tout va comme prévu, ce plan de développement, qui déterminera les projets et les investissements prioritaires dans les réseaux de transports collectifs de la région de Montréal jusqu’en 2030, pourrait être entériné dès janvier prochain par le conseil de l’ARTM, pour entrer officiellement en vigueur dans un an.

Il s’agira du premier plan de transports collectifs intégré à l’échelle métropolitaine depuis la publication de la Vision 2020, proposée par la défunte AMT en novembre 2011.