De nombreux Québécois qui pensent avoir déjà contracté la COVID-19 même s’ils n’ont pas reçu de diagnostic formel au moment où ils présentaient des symptômes ont eu recours à un test sérologique en clinique privée récemment pour tenter d’en avoir le cœur net a posteriori.

Des entreprises ont également fait tester leur personnel, même si la présence d’anticorps mise en relief par un résultat positif à ce type de test ne permet pas de garantir qu’une personne est protégée contre une seconde infection.

Les cliniques médicales Lacroix, qui ont commencé il y a un mois à offrir le service au public pour la somme de 199 $, disent faire face à une « forte demande » dans leurs établissements à Laval, à Gatineau et à Québec.

Le directeur général, Gilbert Arsenault, a indiqué mercredi à La Presse que près de 2000 personnes avaient été testées avec des trousses approuvées par Santé Canada et qu’une dizaine d’entreprises avaient sollicité les cliniques Lacroix pour évaluer quelle proportion de leurs employés avait pu être infectée.

« Ils veulent avoir une idée d’où ils en sont avant l’arrivée de la seconde vague », a précisé l’administrateur, qui n’a pas voulu fournir le nom des entreprises concernées.

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Proportion des tests administrés à ce jour qui ont donné lieu à un résultat positif, selon Gilbert Arsenault, directeur général des cliniques médicales Lacroix

Le ministère de la Santé, qui ne tient pas de liste à ce sujet, a souligné mercredi qu’au moins deux autres cliniques privées offraient des services similaires.

De nombreuses personnes ayant décidé de payer pour un test sérologique n’ont pu subir un test de dépistage permettant de confirmer ou d’infirmer la présence du nouveau coronavirus au moment où elles présentaient des symptômes parce que les critères pour être testées étaient trop restrictifs ou que le programme de dépistage n’était pas encore lancé.

Elles ont voulu savoir bien plus tard, souvent « par curiosité », si elles présentaient des anticorps confirmant une infection passée.

Les cliniques médicales Lacroix, dit M. Arsenault, préviennent les personnes obtenant un résultat positif que la présence d’anticorps ne permet pas de garantir l’immunité contre la COVID-19 et que « les données actuelles ne permettent pas à la communauté scientifique d’estimer la durée qu’aurait une telle immunité ».

Un résultat positif ne dit pas par ailleurs à quel moment précis la personne a été contaminée.

COVID-19 ou grippe ?

Jacinthe Laporte, résidante de Montréal âgée de 43 ans, était certaine d’avoir été infectée par le SARS-CoV-2 en février, peu de temps avant que le premier cas officiel au Québec ne soit recensé.

Elle dit avoir eu de graves troubles respiratoires qui l’ont minée pendant quelques semaines. Ses deux filles ainsi que les gardiennes de ses enfants ont tour à tour été contaminées.

« J’étais très déçue lorsque le résultat est revenu négatif », a indiqué Mme Laporte, qui espérait notamment obtenir un résultat contraire pour « réduire son anxiété » par rapport au coronavirus.

Marie Dooley, résidante de Québec âgée de 55 ans, est tombée malade en janvier après avoir participé à des foires commerciales importantes en Allemagne et aux États-Unis, où elle a côtoyé un grand nombre de personnes « venues de partout ».

« Les symptômes que j’ai eus ressemblaient beaucoup à ceux qui sont associés au coronavirus », souligne Mme Dooley, qui remet en question la chronologie officielle relativement à son apparition dans la province.

Son test sérologique s’est aussi révélé négatif, à sa grande surprise. « La souche de grippe était vraiment violente », conclut-elle avec le recul.

Yanick Dion, Montréalais travaillant dans le secteur de la construction, songe à recourir au test sérologique malgré ses limites.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Yanick Dion, qui affirme avoir développé plusieurs symptômes associés à la COVID-19 en décembre, songe à recourir au test sérologique.

L’homme de 45 ans dit être tombé gravement malade en décembre, quelques semaines après avoir mangé avec une amie qui revenait d’une ville chinoise située non loin de Wuhan, considéré comme l’épicentre de la pandémie.

« Je n’ai jamais été malade comme ça de ma vie », relate M. Dion, qui affirme avoir développé plusieurs symptômes associés à la COVID-19, dont de graves troubles respiratoires et une perte de goût, ne pouvant, selon lui, être imputés à la grippe.

Je serais curieux de savoir si c’était ça, mais ça ne change pas grand-chose sinon pour moi.

Yanick Dion

Dans une directive envoyée fin mai, le ministère de la Santé et des Services sociaux a souligné que les tests sérologiques devaient servir pour l’heure aux études de séroprévalence et à la recherche, et non à déterminer qui est à risque d’être infecté par la COVID-19, souligne le DMichel Roger, directeur scientifique du Laboratoire de santé publique du Québec.

« Pour le moment, on ne peut pas être sûrs qu’une personne qui a un test sérologique positif ne peut pas être réinfectée, est protégée par l’immunité de la première infection », dit-il.

Les laboratoires privés peuvent offrir ces tests, mais doivent respecter les « orientations ministérielles » et ne peuvent indiquer à ce titre aux patients qu’ils sont immunisés contre la COVID-19.

Des trousses en évaluation

Le Laboratoire de santé publique du Québec doit terminer vendredi une analyse de 11 trousses sérologiques développées par différentes entreprises. Avec les données obtenues à ce jour, « nous voyons que la spécificité (faux positifs) est bonne, mais la sensibilité (faux négatifs), moins », explique le DMichel Roger, qui dirige l’analyse. « On va combiner nos résultats avec les résultats d’analyses similaires dans d’autres provinces. » Seuls cinq tests sérologiques sont autorisés pour le moment par Santé Canada. « Il y a eu un goulot d’étranglement parce que Santé Canada a eu plein de demandes d’autorisations par des fabricants chinois et de Singapour à la qualité douteuse », explique Prabhat Jha, de l’Université de Toronto, qui dirige un programme de tests sérologiques qui sera représentatif de la population canadienne. « On sait aussi qu’il y a eu des problèmes de sensibilité avec certains tests utilisés dans les premières études de séroprévalence, notamment à Santa Clara, en Californie », dit-il.