Et si Justin Trudeau avait trouvé le remède à la pandémie, sans le vouloir ? Toutes les grandes découvertes se font sans qu’on le veuille. Vous savez, quand il a répondu à la question d’un journaliste, à propos des agissements de Donald Trump, par un long silence de 21 secondes. Durant 21 secondes, aucun mot ne sortait de sa bouche, aucune gouttelette non plus. Pas de danger de choquer le géant américain. Pas de danger de contaminer le Canadien moyen.

Pour combattre la COVID-19, nous avons tout fermé, les bureaux, les commerces, les lieux publics, les aéroports, les frontières, alors qu’il fallait tout simplement nous la fermer. Nous-mêmes. Nous fermer la boîte. Notre boîte. Chut ! Zip it ! Silencio !

Toutes les règles de confinement et de déconfinement ne cherchent qu’à éviter une seule chose : le postillon de son prochain. Les deux mètres de distance, c’est pour ça. Des journalistes demandaient cette semaine au docteur Arruda pourquoi, au Québec, la règle est de deux mètres, alors qu’en France, c’est un mètre.

Il faut comprendre que toutes ces mesures sont aléatoires. À quelle distance faut-il se tenir d’une personne pour avoir le moins de risques de recevoir sa salive ? Les Français se sentent rassurés à un mètre. Grand bien leur fasse. C’est quand même étonnant, pour un peuple qui parle autant et de façon si expressive. Je suis certain que Louis de Funès a déjà dû postillonner à 10 mètres. Et quand Jacques Brel chantait Amsterdam, on devait en recevoir à la dernière rangée de l’Olympia. Vous me direz que Brel était belge, mais ses postillons étaient à Paris.

Aux États-Unis, c’est six pieds. Six pieds, c’est 1,83 mètre. Encore là, c’est une supposition. On évalue que normalement, une gouttelette ne se rend pas jusque-là. Normalement. Parce que lorsque Tommy Lasorda, le gérant des Dodgers de Los Angeles, s’engueulait avec un arbitre, ses postillons expulsés du marbre devaient bien se rendre jusqu’à la clôture du champ gauche, 330 pieds plus loin. Bref, que vous soyez à un mètre, six pieds ou deux mètres, l’important, c’est de ne pas recevoir le virus en pleine face.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le 2 juin, Justin Trudeau est resté silencieux plus de 20 secondes avant de répondre à la question d’un journaliste sur la gestion de la crise raciale qui touche les États-Unis.

Trop souvent, on semble croire que tout cela n’est qu’un caprice gouvernemental. Qu’ils ont le contrôle sur la transmission. La Santé publique n’est pas le boss des postillons. Même si elle leur dit « ne dépassez pas six pouces ! », les postillons ne l’écoutent pas. Les postillons postillonnent comme bon leur semble. C’est à peine si nous avons le contrôle de nos propres crachats.

Voilà pourquoi le silence demeure la meilleure solution. Tout faire sans parler, ni se toucher. Comme les moines. Bon, sans se toucher, pour ça, on est moins sûrs, mais on devrait, tout de même, s’inspirer de la grande sagesse du silence monastique.

Imaginez, en cas de deuxième vague, que la principale consigne soit : fermez-vous ! Qu’à la conférence de presse de 13 h, il n’y ait ni monsieur Legault, ni monsieur Arruda, ni madame McCann, seulement l’interprète en langue des signes qui nous fait signe de nous taire. Tout le monde. Pas pendant 21 secondes. Pendant 14 jours, mettons. Le temps d’une quarantaine, soit 1 209 600 secondes d’extase silencieuse. On fait tout ce qu’on fait d’habitude, mais sans faire de bruit. On travaille en silence. On voyage en silence. On s’amuse en silence. Un grand recueillement universel. On pourrait même aller voir des spectacles de mimes. Une trêve de bruit. Imaginez ne plus entendre Donald Trump. Il pourra toujours écrire des inepties en majuscules, il suffira de le bloquer.

Une cure de silence, si j’étais le grand druide de l’Organisation mondiale de la santé, c’est ce que je prescrirais à l’humanité. Ça aplatirait la courbe de façon draconienne. Et ça nous donnerait du temps pour réfléchir. Ça ne peut pas nuire, réfléchir. Et on en a bien besoin, en ce moment, pour revoir nos agissements.

En attendant le grand silence, il y a toujours le masque. Le filtre à postillons. Là, je ne veux surtout pas faire mon scientifique d’estrade, comme trop de gens le font. Au hockey, être gérant d’estrade, ça se défend. Le hockey n’est pas un domaine si complexe. Il faut mettre la rondelle dans le filet. Je comprends qu’il y a plein de stratégies élaborées, mais à force de regarder des matchs, tous les soirs de sa vie, on devrait être en mesure de structurer une opinion sensée sur le gouret. La science, avant le mois de mars, on s’en foutait pas mal. À part regarder quelques fois Découverte, en s’épatant devant les connaissances de Charles Tisseyre, ce n’était pas notre principale préoccupation. Voilà pourquoi nous, qui avons à peine passé notre cours de chimie de troisième secondaire, devons être très modestes quand nous avançons nos théories à propos d’un virus devant lequel les plus savants des savants avouent leur ignorance. 

Cela dit, je me risque : me semble que le port du masque devrait être la norme en société. À défaut de se taire, permettre à un tissu de servir de parapluie à gouttelettes est un geste éclairé.

Nos autorités ne font que le recommander fortement, en plaidant que c’est difficile à exiger. Je ne comprends pas vraiment pourquoi. On ne peut se promener, dans les endroits publics, le sexe à l’air. C’est défendu. Si on peut exiger de recouvrir d’un tissu les parties intimes, pourquoi pas le bas du visage ? Sauver la morale, c’est bien. Sauver des vies, c’est mieux.

Une règle exigée est toujours plus suivie qu’une règle recommandée. Si on veut que plus de gens portent un masque, on sait donc quoi faire. Sinon, il y a toujours le silence. Mais ça, habituellement, après une vingtaine de secondes, on se remet à parler. Hélas !