(Montréal) Le gouvernement du Québec annonce la création d’une nouvelle adresse courriel, où les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux peuvent confier ce qui se passe sur le terrain en ces temps de pandémie de COVID-19, et ce, en toute confidentialité.

L’initiative de la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a été annoncée samedi matin par voie de communiqué.

Celle-ci doit leur permettre notamment de soulever des enjeux ou des situations qu’ils vivent au quotidien, dans un souci d’amélioration des pratiques.

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) est loin d’applaudir la mesure annoncée par la ministre. Selon le syndicat, cette mesure vise plutôt à brimer la liberté de parole des professionnels de la santé.

« Depuis le début de l’année, c’est la troisième fois que la ministre annonce la fin de l’omerta et que ça ne veut strictement rien dire. Le gouvernement dit qu’il veut des nouvelles du terrain, mais il ne respecte pas les professionnelles de terrain, il ne les entend pas, il les méprise, il bafoue leurs droits à coup d’arrêtés et aujourd’hui, il trouve encore un autre moyen de les faire taire », a déclaré la présidente de la FIQ, Nancy Bédard.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La présidente de la FIQ, Nancy Bédard

Vendredi après-midi, lors de la conférence de presse quotidienne des autorités québécoises sur la pandémie, Danielle McCann a reconnu à mots couverts qu’il existait toujours une omerta, empêchant les travailleurs de la santé de parler aux médias, même si elle disait avoir « levé l’omerta » le 1er mai dernier.

La ministre de la Santé a notamment rappelé qu’il est « absolument proscrit d’avoir un employé qui passe d’une zone chaude vers une zone froide », pratique qu’elle désapprouve d’autant plus « si c’est pour éviter la prime ».

Mme McCann avait alors promis « d’annoncer bientôt » une autre modalité pour permettre aux employés de transmettre leurs préoccupations.

L’adresse courriel onvousecoute@msss.gouv.qc.ca, est annoncée samedi comme étant « un geste concret pour offrir une autre voix aux travailleurs du milieu de la santé […] qui connaissent les enjeux qui sont vécus au quotidien par le personnel soignant ».

La ministre McCann assure qu’il s’agit d’un « processus qui demeurera confidentiel ».

« Je les invite à ne pas hésiter à nous informer de ce qu’ils vivent, des situations injustes ou des bonnes pratiques, afin que nous puissions, ensemble, répondre plus efficacement aux besoins des Québécoises et des Québécois », conclut-elle dans le communiqué.

Mme Bédard dit que la ministre est déjà au courant de la situation puisque plusieurs professionnels lui ont fait parvenir force témoignages et dénonciations.

« La ministre dit qu’elle veut savoir où ça se passe précisément. Comment se fait-il qu’elle ne le sache pas ? Est-ce qu’on pense vraiment qu’en acheminant des commentaires au ministère ça va redescendre dans les établissements et que les problèmes vont être réglés ? », dénonce-t-elle avec vigueur.

« La fin de l’omerta devrait signifier que les professionnelles en soins sont enfin libres de parler sans craindre les représailles et non que l’on mette à leur disposition une boîte courriel qui servira à étouffer leurs dénonciations », ajoute Mme Bédard.

« Si vous souhaitez vraiment libérer la parole des travailleurs en santé et services sociaux, il vous faut prendre les moyens pour que les établissements cessent immédiatement de sanctionner le personnel qui dénonce », a aussi réagi par voie de communiqué le Récifs qui regroupe des intervenantes sociales.

« Le devoir de loyauté est envers la population et non pour protéger les failles de notre système public », d’ajouter le Récifs.

– Avec Louise Leduc, La Presse