La pandémie a mis à l’épreuve le système de distribution qui alimente les 1900 pharmacies ayant pignon sur rue au Québec. S’il a manqué par moments de papier de toilettes et de lingettes désinfectantes sur les tablettes, l’approvisionnement vital en médicaments, lui, a tenu le coup, grâce à l’énorme machine bien huilée qui s’active en arrière-plan. Incursion dans le ventre de la bête.

Daniel Côté traverse d’un pas décidé l’immense centre de distribution du Groupe Jean Coutu, à Varennes. On dirait qu’il n’atteindra jamais le bout du monstrueux édifice, grand comme 15 terrains de football. Partout autour de lui, des chariots élévateurs, des convoyeurs automatisés et des contremaîtres à vélo s’activent dans un ballet réglé au quart de tour.

« Du volume, on est capables d’en faire », lance le vice-président responsable de la distribution, alors que des employés remplissent les camions de livraison stationnés devant les grandes portes de garage.

  • Des chariots élévateurs, des convoyeurs automatisés et des contremaîtres à vélo s’activent dans un ballet minutieux.

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    Des chariots élévateurs, des convoyeurs automatisés et des contremaîtres à vélo s’activent dans un ballet minutieux.

  • Approvisionner les pharmacies communautaires de tout le Québec, en plus des pharmacies des établissements du réseau de la santé, nécessite une logistique sans faille.

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    Approvisionner les pharmacies communautaires de tout le Québec, en plus des pharmacies des établissements du réseau de la santé, nécessite une logistique sans faille.

  • Au Québec, 15 000 médicaments produits par 200 fabricants peuvent être prescrits par les médecins.

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    Au Québec, 15 000 médicaments produits par 200 fabricants peuvent être prescrits par les médecins.

  • Les distributeurs doivent être capables d’acheminer chaque produit n’importe où au Québec en un clin d’œil à partir de leurs gigantesques entrepôts.

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    Les distributeurs doivent être capables d’acheminer chaque produit n’importe où au Québec en un clin d’œil à partir de leurs gigantesques entrepôts.

  • L’Association des distributeurs dit surveiller de très près l’évolution de la pandémie et de la demande pour tous les médicaments.

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    L’Association des distributeurs dit surveiller de très près l’évolution de la pandémie et de la demande pour tous les médicaments.

  • La pandémie a provoqué une demande accrue pour certains médicaments, comme le propofol, un anesthésique, et le fentanyl, un analgésique.

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    La pandémie a provoqué une demande accrue pour certains médicaments, comme le propofol, un anesthésique, et le fentanyl, un analgésique.

  • Les distributeurs livrent des médicaments d’ordonnance, mais aussi des médicaments en vente libre, des cosmétiques et des produits ménagers.

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    Les distributeurs livrent des médicaments d’ordonnance, mais aussi des médicaments en vente libre, des cosmétiques et des produits ménagers.

  • Certains médicaments ne valent que quelques sous, alors que d’autres peuvent atteindre 25 000 $ pour un tout petit pot de comprimés.

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    Certains médicaments ne valent que quelques sous, alors que d’autres peuvent atteindre 25 000 $ pour un tout petit pot de comprimés.

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Au Québec, 15 000 médicaments produits par 200 fabricants peuvent être prescrits par les médecins. Approvisionner les pharmacies communautaires de tout le territoire, en plus des pharmacies des établissements du réseau de la santé, nécessite une logistique sans faille.

Les pharmaciens ne peuvent pas tenir des réserves de chacun des 15 000 produits offerts. Ils n’ont pas la place pour le faire, et la gestion des dates de péremption serait de toute façon un cauchemar pour eux.

« C’est comme ton réfrigérateur à la maison. Tu as toujours du ketchup, de la mayonnaise et du lait, mais certains produits, tu en as moins souvent. Il y a tellement de produits ! », illustre Daniel Côté.

18 000 livraisons par semaine

Les distributeurs comme Jean Coutu, Shoppers Drug Mart (Pharmaprix), McKesson, Familiprix, Pharma Plus et McMahon doivent être capables d’acheminer chaque produit n’importe où au Québec en un clin d’œil à partir de leurs gigantesques entrepôts. Ensemble, ils effectuent plus de 18 000 livraisons par semaine, dans les pharmacies ouvertes au public et dans celles des établissements médicaux. Ils livrent des médicaments d’ordonnance, mais aussi des médicaments en vente libre, des cosmétiques, des produits ménagers.

« Aller aux îles de la Madeleine, personne ne fait de l’argent avec ça. Ce serait facile de dire qu’on livre juste à Montréal. Mais notre philosophie, c’est qu’un client peut avoir son produit demain, qu’il habite en Gaspésie, aux Îles ou à Montréal. Il n’est pas un citoyen de deuxième ordre », affirme M. Côté.

La variété des médicaments et des protocoles de conservation donne le tournis. Certains ne valent que quelques sous, alors que d’autres peuvent atteindre 25 000 $ pour un tout petit pot de comprimés.

Les narcotiques, très prisés sur le marché noir, doivent être mis en sécurité dans une chambre forte comme celles des banques, construite sur une dalle de béton de près de deux mètres d’épaisseur pour décourager les voleurs. Les distributeurs savent en moyenne quelle quantité de chaque médicament les Québécois consomment chaque année.

Jusqu’à ce qu’un évènement comme la pandémie de COVID-19 vienne tout bouleverser.

Sous tension

« En deux semaines, au début, on a traité des volumes records. Jusqu’à 250 % d’augmentation pour certains produits », raconte M. Côté.

« Les inhalateurs, c’est parti en fou. Le papier de toilette, les vitamines aussi. Un moment donné, quelqu’un a dit que la vitamine D, ça pourrait être bon. C’est parti, mon ami ! Toutes les rumeurs ont un effet », raconte le vice-président.

Les distributeurs ont dû s’adapter. Sur les tablettes, il pouvait manquer de produits ménagers ou de certains produits vendus sans ordonnance. Mais les 15 000 médicaments d’ordonnance n’ont jamais manqué. « On a retardé certaines catégories de produits, mais on ne sacrifiera jamais le médicament », explique Daniel Côté.

L’approvisionnement demeure sous tension, mais il n’y a pas de pénurie.

Hugues Mousseau, porte-parole de l’Association québécoise des distributeurs en pharmacie

M. Mousseau explique que la pandémie a provoqué une demande accrue pour certains médicaments. Dans les établissements du réseau de la santé, on s’arrachait le propofol, un anesthésique, et le fentanyl, un analgésique, qui sont utilisés aux soins intensifs lorsqu’un patient est intubé ainsi que dans les blocs opératoires et dans les unités de soins palliatifs.

« Il y a eu quelques difficultés d’approvisionnement, mais on a pu créer un effet tampon, en écoulant ce qu’on avait en stock dans les centres de distribution », dit M. Mousseau.

Sous surveillance

Dans les pharmacies qui ont pignon sur rue, deux produits menaçaient de tomber en rupture de stock si rien n’était fait. D’abord l’hydroxychloroquine, un antipaludique utilisé dans le traitement du lupus et de l’arthrite rhumatoïde. Le président des États-Unis, Donald Trump, et quelques chercheurs en avaient fait la promotion pendant un certain temps comme éventuel traitement prometteur contre la COVID-19. Au Canada même, des recherches à ce sujet ont nécessité de grandes quantités du médicament.

« Ça fait partie des demandes inhabituelles », souligne M. Mousseau. Des produits de substitution ont été trouvés pour certains clients qui en avaient besoin.

L’autre produit pour lequel on a craint une pénurie est le salbutamol, un bronchodilatateur utilisé dans les pompes pour asthmatiques. Les risques de complications associés à la COVID-19 sont plus importants chez les asthmatiques, et beaucoup de personnes se sont précipitées pour renouveler leur ordonnance.

Un produit de substitution a été trouvé et les ordonnances ont été renouvelées pour de moins longues périodes qu’à l’habitude, afin de s’assurer que tout le monde puisse avoir accès au produit dans l’immédiat au besoin.

L’Association des distributeurs dit surveiller de très près l’évolution de la pandémie et de la demande pour tous les médicaments. « C’est un travail quotidien, de surveiller les stocks et de travailler avec les fabricants pour pouvoir subvenir à la demande », dit Hugues Mousseau.

« Actuellement, tout est maîtrisé », assure-t-il.