Des éducatrices n’ont pas l’intention de reprendre le travail lundi prochain, au point où certaines garderies se demandent si elles seront en mesure d’ouvrir leurs portes.

À la garderie Le toit rouge, à Saint-Jérôme, 26 familles ont manifesté leur intérêt de renvoyer leurs enfants dès la réouverture du service, lundi prochain. Mais les éducatrices, elles, tardent à confirmer qu’elles seront de retour. Sur 15 travailleuses, 12 n’ont toujours pas répondu à l’appel de leur directrice.

« Je ne sais pas quoi faire. Ce n’est pas confirmé qu’on sera capables d’ouvrir », se désole Mina Banahmed, propriétaire de l’établissement.

Samir Alahmad, président de l’Association des garderies privées du Québec (AGPQ), reçoit toutes sortes de questions concernant le matériel de protection, la distanciation, les méthodes de désinfection. Mais le retour du personnel, « c’est la question à 500 $ aujourd’hui ». La crise sanitaire risque d’ailleurs d’empirer la pénurie de main-d’œuvre qui sévissait dans le secteur, dit-il.

« Les services de garde d’urgence accueillaient trois ou quatre enfants depuis le début de la pandémie. Avec quatre enfants, tu as besoin d’un maximum de deux éducatrices. Mais à partir de lundi en région et du 19 mai à Montréal, on va passer à 30 % de la clientèle, puis à 40 % la semaine suivante. Ça soulève beaucoup de questions », explique celui qui représente les établissements privés subventionnés.

La Prestation canadienne d’urgence

Les éducatrices invoquent le plus souvent la peur de contracter la COVID-19 pour expliquer leur refus de travailler, indique l’AGPQ. D’autres craignent que leurs tâches ne deviennent particulièrement lourdes dans un contexte de pandémie.

En refusant de travailler, les éducatrices en bonne santé devraient cesser de toucher la Prestation canadienne d’urgence. Mais dans la pratique, plusieurs d’entre elles continuent de recevoir l’allocation, ce qui peut être plus attrayant que de retourner au travail, soulève M. Alahmad. « C’est moindre que leur salaire, mais c’est quand même un montant d’argent. »

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Samir Alahmad, président de l’Association des garderies privées du Québec

La Coalition des garderies privées (établissements non subventionnés) constate aussi qu’un certain nombre d’éducatrices ne seront pas de retour au travail, lundi prochain. « Certaines ont peur, d’autres veulent rester en vacances », souligne Marie-Claude Collin, présidente de la Coalition.

En plus du problème de manque de personnel, Mme Collin s’inquiète pour les garderies qui ouvriront « à perte ». Si le gouvernement n’offre aucune aide financière, elle croit que certaines garderies privées décideront de rester fermées le 11 mai. « Avec les exigences qu’on nous impose, certaines garderies vont enregistrer des pertes de 2000 $, 3000 $, voire 4000 $ dès le jour un. Il n’y a personne qui va ouvrir à perte. Prenez la pouponnière avec le ratio d’une éducatrice pour deux enfants : les deux enfants, ça ne paye même pas la moitié du salaire de l’éducatrice », dénonce Mme Collin.

La Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ) s’affaire quant à elle à chiffrer le nombre d’éducatrices qui ne seront pas de retour à leur poste. Les statistiques devraient être connues ce mercredi matin. « Plusieurs de nos membres ont reçu comme consigne de ne pas se présenter au travail en raison de leur âge ou de leur condition de santé. De plus, certaines craignent d’attraper et de transmettre le virus à un proche vulnérable. Nous nous attendons à ce qu’un certain nombre d’entre elles ne soient pas disponibles pour un retour au travail lundi », a indiqué Valérie Grenon, présidente à la FIPEQ.

Dès lundi, les garderies à l’extérieur de la Communauté métropolitaine de Montréal ouvriront leurs portes en accueillant 30 % de leur clientèle. Les établissements de Montréal et des couronnes ouvriront le 19 mai. Les garderies devront accorder une priorité aux travailleurs essentiels. De semaine en semaine, elles pourront accueillir davantage d’enfants. Si la Santé publique le permet, le taux d’occupation des installations devrait atteindre 100 % le 22 juin.

Une éclosion dans une garderie d’urgence

La garderie La Mennais a dû fermer ses portes d’urgence, mardi. Cinq cas auraient été recensés parmi les enfants et le personnel de l’établissement de Mascouche, selon une employée. Une enquête est d’ailleurs en cours pour déterminer comment le virus est entré dans le service de garde d’urgence. La garderie se trouve dans une école primaire. Les enseignants ont été avisés qu’ils ne pourraient pas revenir travailler lundi prochain pour préparer le retour en classe des élèves, prévu pour le 19 mai. L’établissement de la Commission scolaire des Affluents rouvrira le 18 mai.

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La garderie La Mennais a dû fermer ses portes d’urgence, mardi.