Les quartiers Montréal-Nord, Saint-Michel et Rivière-des-Prairies sont devenus les endroits les plus touchés par la COVID-19 dans l’île de Montréal, qui demeure l’épicentre de la pandémie au Québec. Une stratégie de dépistage de la maladie y sera déployée au cours des prochains jours, ont indiqué mardi les autorités sanitaires.

« Malheureusement, ces quartiers se démarquent », a affirmé la Dre Mylène Drouin, de la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal, lors d’une conférence de presse virtuelle. Pour y faire face, plusieurs centaines de tests seront faits chaque jour afin de tenter de baliser le problème. Cela doit se mettre en place rapidement, a indiqué la Dre Drouin.

Depuis le 8 avril, la DRSP a constaté une courbe épidémiologique différente du reste de l’île. En trois semaines, l’arrondissement de Montréal-Nord s’est hissé en tête des secteurs comptant le plus haut taux d’infection, soit 1368 par tranche de 100 000 personnes.

La Dre Drouin souligne que les travailleurs essentiels tant dans le réseau de la santé que dans le milieu de l’alimentation sont très nombreux dans ce territoire et la densité de la population combinée aux mesures de distanciation physique qui ne sont pas parfaitement respectées dans des milieux de travail pourraient expliquer la situation. Chose certaine, le grand nombre de cas ne semble pas lié aux voyageurs qui sont à l’origine de la première vague de contaminations à Montréal, a rappelé la Dre Drouin.

Dans l’arrondissement de Montréal-Nord, on dénombrait 1153 cas d’infection en date de lundi. On y comptait 253 travailleurs de la santé ayant reçu un test positif, soit 23 % de tous les cas confirmés. S’ajoutaient également 210 personnes âgées dans un des CHSLD de Montréal-Nord.

La Dre Drouin souligne également que les personnes infectées sont plus jeunes que la moyenne et quelques foyers d’éclosion ont été relevés dans des milieux de travail. « Dans le contexte où nous voulons stabiliser la transmission communautaire et être sûrs qu’on est vraiment en contrôle, surtout si on rouvre des secteurs [d’activité économique], on travaille avec des partenaires de l’arrondissement pour renforcer certaines stratégies », a-t-elle indiqué.

Prévenue jeudi dernier de la pente ascendante d’infection dans son arrondissement, la mairesse Christine Black qualifie la situation de très préoccupante. Elle rappelle que le confinement est particulièrement difficile pour beaucoup de familles nombreuses qui logent dans de petits appartements. « En temps normal, Montréal-Nord a toujours des défis importants comparativement à d’autres arrondissements de Montréal, mais en temps de pandémie, les défis sont exacerbés », souligne la mairesse Black.

Franchir le cap des 1000 morts

Dans l’île, on compte actuellement 12 487 cas de COVID-19, et Montréal a franchi le cap des 1000 morts. En fait, la COVID-19 a été fatale pour 1039 Montréalais jusqu’à présent. Huit décès sur dix sont survenus dans un CHSLD ou une résidence pour personnes âgées.

À l’échelle de la province, selon le bilan quotidien présenté par Québec mardi, 83 personnes de plus ont succombé à la COVID-19, pour un total de 1682 morts. « Il y a deux mondes » dans les statistiques de mortalité, alors que le nombre de morts dans la communauté, hors des CHSLD et des résidences pour aînés, est stable et se situe entre huit et dix par jour depuis quelque temps, a expliqué le premier ministre François Legault. « La situation est sous contrôle, sauf dans les CHSLD », où le nombre de nouveaux décès a fortement augmenté au fil du temps, avec plus de 60 nouveaux morts par jour depuis deux semaines.

Par ailleurs, 1625 personnes sont hospitalisées, en hausse de 84 en 24 heures. Parmi elles, 217 se trouvent aux soins intensifs (+ 7). On compte maintenant 25 757 cas confirmés de COVID-19 à ce jour (+ 775). Les personnes guéries sont au nombre de 5841 (+ 324).

Pour l’ensemble du pays, les autorités sanitaires prévoient jusqu’à 1000 morts de plus d’ici une semaine au Canada, selon de nouvelles modélisations présentées mardi midi. L’Agence de la santé publique du Canada estime toujours qu’il pourrait y avoir de 4000 à 44 000 morts au pays pendant la pandémie malgré les strictes mesures en place. Le bilan le plus récent faisait état mardi de 2766 décès liés à la COVID-19 et de 49 014 cas confirmés au Canada. Selon les plus récentes prévisions de l’Agence de la santé publique du Canada, il pourrait y avoir jusqu’à 3883 morts au pays d’ici au 5 mai, alors que dans le meilleur des scénarios, on compterait 3277 décès. Ces prévisions datent toutefois d’il y a quatre jours. « Les modèles ne constituent pas une boule de cristal. Ils sont une estimation de ce qui pourrait se passer dans des scénarios hypothétiques. Ils nous permettent de nous préparer au pire », a nuancé le Dr Howard Njoo, sous-administrateur en chef de la santé publique. Pour ce qui est du nombre de cas, les experts prévoient de 53 196 à 66 835 cas confirmés d’ici mardi prochain. Selon le Dr Njoo, il est inutile de faire des projections à plus long terme, puisque le niveau de fiabilité de celles-ci diminue rapidement.

Sous-évaluation du taux de mortalité

L’Agence avait publié de telles projections à court terme il y a trois semaines. Or, celles-ci n’ont pas visé juste, puisque les experts ont sous-estimé le taux de mortalité, notamment en raison du « nombre important d’éclosions dans les établissements de longue durée », a indiqué en point de presse le numéro deux de la Santé publique canadienne. Quant au déconfinement annoncé dans les provinces, dont au Québec, cela se fait avec « prudence », remarque la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la Santé publique du Canada, qui rappelle que le pays n’est pas à l’abri d’une deuxième vague potentiellement pire que la vague actuelle. Malgré la sous-évaluation du taux de mortalité ce mois-ci, l’Agence maintient ces scénarios de taux de mortalité et d’hospitalisation pendant toute la durée de la pandémie. Dans le scénario le plus optimiste de « contrôle plus strict de l’épidémie », il pourrait y avoir entre 4000 et 44 000 morts au pays, si de 1 à 10 % de la population est infecté. Si des mesures de contrôle « plus faibles » sont mises en place, il pourrait y avoir 222 000 décès au pays. Dans le pire scénario, 355 000 Canadiens pourraient mourir, si 80 % de la population était infectée. Plus de 2 millions de Canadiens seraient également hospitalisés dans ce scénario catastrophe.