(Montréal) On aurait tout intérêt, en période de pandémie, à favoriser le maintien des aînés à domicile, surtout quand on constate les ravages causés par le coronavirus dans les CHSLD, croit un chercheur du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

« Un avantage du maintien à domicile dans un contexte de pandémie, c’est que justement ça peut avoir un effet positif sur la baisse des effets délétères de la contagion sur les décès, parce que c’est ce qu’on observe présentement », a commenté Bernard Fortin.

Les plus récentes statistiques démontrent qu’environ 80 % des décès causés par le SRAS-CoV-2 au Québec sont survenus dans des CHSLD ou des résidences privées pour aînés.

« La plupart des personnes qui sont hors de ces centres d’hébergement sont confinées à la maison, donc elles sont d’une certaine façon protégées par le confinement et par la distanciation sociale, et celles qui sont affectées en particulier sont celles qui sont dans des CHSLD, a ajouté M. Fortin. Ça continue à s’accroître alors que ça plafonne à l’extérieur des centres d’hébergement. »

M. Fortin et ses collègues Siramane Coulibaly et Maripier Isabelle se sont récemment intéressés au Programme d’exonération financière pour les services d’aide domestique (PEFSAD), du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Ce programme offre une aide financière aux personnes vulnérables, comme les aînés, pour qu’elles puissent s’offrir les services — comme l’entretien ménager, la lessive, la préparation des repas et l’accompagnement lors d’achats à l’extérieur — dont elles ont besoin pour rester chez elles le plus longtemps possible.

L’aide offerte par le biais de ce programme a été majorée d’un dollar par heure en 2016, et l’impact a été non négligeable, a dit M. Fortin.

« Ça a quand même eu un effet significatif : une hausse de 4 % de la consommation mensuelle des heures de services à domicile, a-t-il indiqué. On s’est aussi rendu compte que ça s’est manifesté plus sur l’incitation des non-usagers à devenir usagers du service, plutôt que sur l’accroissement de la consommation par les usagers réguliers. »

Le programme compte quelque 100 000 bénéficiaires, qui peuvent profiter des services d’environ 8700 préposés provenant d’une centaine d’entreprises d’économie sociale en aide domestique.

Offre et demande

M. Fortin constate qu’on accorde présentement une très grande importance à « l’offre » de services, tel qu’illustré par la pénurie de personnel dans les CHSLD. Il propose de jeter aussi un coup d’œil de l’autre côté de la médaille.

« [Selon nous], il faut aussi regarder l’aspect ’demande’ des soins en milieu institutionnel, et cette demande-là pourrait éventuellement être limitée par une hausse de la demande de maintien à domicile, a-t-il dit. Il y a des programmes qui encouragent et stimulent une telle demande. »

Il est impensable, à court terme, de sortir les aînés des CHSLD ou des résidences privées pour les renvoyer chez eux, ajoute-t-il. Mais à long terme, on devrait réfléchir à des politiques qui encourageraient le maintien à domicile, comme cela se fait dans certains pays européens et asiatiques.

« [Certains aînés] pourraient rester chez eux, du moins à court terme, a conclu M. Fortin. Ça pourrait leur permettre, soit de rester chez eux, ou à tout le moins de retarder l’âge d’entrée dans les CHSLD et les RPA. »