Confrontée à une baisse majeure de ses revenus, la Ville de Montréal annoncera jeudi des compressions de 125 millions de dollars dans ses services. Un gel salarial représentant 50 millions sera aussi demandé aux employés et aux cadres, a appris La Presse.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, et le président du comité exécutif, Benoît Dorais, feront l’annonce de ce « plan financier » pour « pallier les impacts de la pandémie de la COVID-19 et d’atteindre l’équilibre budgétaire » jeudi à 15 h.

Il a été impossible de confirmer le montant des compressions auprès de l’administration Plante, mais un porte-parole de la mairesse, Youssef Amane, confirme que certains « efforts » seront demandés à l'ensemble de l'appareil municipal.

« Nous allons présenter différents scénarios, indique M. Amane. L'effort demandé va nous permettre de conserver notre marge de manoeuvre pour assurer la relance. Nous avons déjà dégagé un surplus de 251 millions et nous sommes en bonne position pour sortir de la crise. Tout le monde doit cependant faire un effort. »

Selon une source au fait des demandes de la Ville, les compressions exigées représentent 3,2 % des dépenses de la municipalité. Les arrondissements devront réduire le niveau de service en conséquence, nonobstant leurs propres baisses de revenus.

Des rencontres avec les syndicats doivent avoir lieu d’ici l’annonce de 15 h. La Ville compte demander aux employés et aux cadres l’annulation d’augmentations de salaire de l’ordre de 2,25 %, qui étaient déjà prévues dans les conventions collectives. Les cadres ne toucheront pas de bonis. Ces mesures devraient permettre d’économiser environ 50 millions supplémentaires.

La plupart des employés temporaires qui avaient été mis à pied au début du confinement doivent s’attendre à ne pas être rappelés. « On ne pourra pas sauver tout le monde cette fois-ci », a affirmé une source au fait des demandes de la Ville.

D’autres coupes pourraient devoir être annoncées autour du 30 septembre si Ottawa et Québec ne donnent pas d’aide aux municipalités. La Fédération canadienne de municipalités a réclamé cette semaine une aide d’urgence de 10 milliards pour éviter un naufrage financier.

La chute de l’achalandage du transport collectif et donc la perte des revenus en droits de passage pour la Société de transport de Montréal (STM), n’est pas étrangère à la situation dans laquelle est plongée la Ville. Selon la professeure de l’UQAM, Danielle Pilette, spécialiste des affaires municipales, «il risque d’y avoir un immense trou à combler pour Montréal». Pour l’ensemble de la région métropolitaine, les pertes tarifaires s’élèvent à quelque 62 millions par mois.

Le confinement de la population a également entraîné la perte des autres revenus de tarification (stationnement, abonnements des centres sportifs, des piscines, des arénas, des bibliothèques et des camps de jour, Jardin botanique, Biodôme, par exemple). Tout cela fait vraisemblablement pression sur les prévisions budgétaires.

Quant aux revenus de taxes, Montréal fait surtout face à un problème de trésorerie, selon Mme Pilette. C’est notamment le cas avec le report du dernier versement de taxes foncières au 2 juillet prochain pour permettre aux contribuables de souffler un peu. « La Ville n’est pas tellement vulnérable au non-paiement de taxes. S’il y a défaut, la Ville va se repayer en prenant possession de l’immeuble et en le revendant », explique la professeure.

Lors de la présentation des états financiers pour l’année 2019 la semaine dernière, Benoit Dorais reconnaissait qu’une révision budgétaire était en cours. Il a toutefois donné l’assurance que « les services doivent être maintenus ». « On comprend très bien la situation financière dans laquelle les Montréalais et Montréalaises sont. C’est ce qui nous guide et qui va continuer à nous guider dans toutes les mesures qu’on met en place et pour lesquelles on est en analyse ou en négociation avec le gouvernement du Québec », avait déclaré M. Dorais.

Ce dernier avait également indiqué que les importants surplus financiers de la Ville (251 millions en 2019), plaçait Montréal en bonne posture pour affronter la crise sanitaire.

Moins d’une semaine après le décret de l’urgence sanitaire au Québec le 13 mars dernier, le directeur général de la Ville, Serge Lamontagne, renvoyait à la maison tous les employés jugés non-essentiels. Dans une note interne, M. Lamontagne indiquait alors que le salaire de base des employés permanents est maintenu et qu’aucune mise à pied en raison de la COVID-19 n’est prévue. « Il est à noter que toutes les positions […] sont appelées à évoluer en fonction de la situation locale, nationale et mondiale », avait toutefois souligné M. Lamontagne.

Quelques jours plus tard, la mairesse avait laissé planer la possibilité de mises à pied si la pandémie devait durer « plusieurs mois ». De son côté, le maire de la Ville de Québec, Régis Labeaume, a rapidement mis à pied 2000 fonctionnaires non réguliers, des cols bleus et des cols blancs.