Bien avant la COVID-19, les personnes itinérantes étaient en mode survie. Mais voilà qu’en plus de la stigmatisation, de l’insécurité alimentaire, des problèmes de consommation et de santé mentale, le virus frappe. Avec 78 lits, des douches régulièrement désinfectées et des repas servis trois fois par jour, l’aréna Maurice-Richard, converti en refuge pour sans-abri, est un exemple parmi tant d’autres des rapides mesures prises par la Ville de Montréal pour s’assurer de la santé des plus vulnérables.

« Comme dans un cinq étoiles »

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« Un visiteur m’a dit qu’il se sentait comme dans un cinq étoiles », confie Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance à Montréal, sur place mercredi. À l’intérieur du complexe sportif, quelques chambres sont fermées et réservées aux femmes, pour qu’elles se sentent en sécurité.

Des pièces sont aménagées pour les couples. Les occupants peuvent s’enregistrer, réserver leur lit et laisser leurs effets personnels au refuge, ce qui leur apporte une certaine paix d’esprit.

« C’est difficile de traîner toutes ses affaires à chaque déplacement », note Pierre Lessard-Blais, maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, de passage au refuge.

Un mois, 600 lits

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Trois repas par jour sont servis dans l’établissement. Mercredi à 9 h, c’était l’heure du petit déjeuner et du café. « Je salue la mobilisation fulgurante des employés municipaux et des organismes communautaires qui ont mis en place ces mesures extrêmement rapidement, depuis le début de la crise », explique le maire Pierre Lessard-Blais.

Conscient des enjeux d’itinérance et de pauvreté dans le secteur d’Hochelaga, il a poussé l’initiative de transformer l’aréna en refuge. En l’espace d’un mois, 600 lits d’urgence ont été créés à Montréal, note le maire.

Nettoyer, nettoyer encore...

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Le refuge est ouvert 20 heures par jour. De 13 h et 17 h, on désinfecte l’entièreté des installations. Les procédures de nettoyage demandent minutie et organisation. Les chambres et les salles de bains sont lavées à chaque utilisation, pour éviter la propagation du virus. Mercredi matin, les membres de l’équipe de nettoyage étaient à pied d’œuvre, protégés par des gants, vêtus de combinaisons, masque fixé au visage. Après chaque repas, les tables et les chaises sont nettoyées.

« Je me sens mieux protégé »

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Gilles André Roy lit calmement dans son cubicule. « Je me sens mieux protégé ici qu’au centre-ville, où beaucoup de personnes que je croise ne prennent pas le virus au sérieux », raconte l’homme de 69 ans. Plusieurs ennuis de santé l’ont conduit à la rue il y a de nombreuses années. Après un récent séjour à l’hôpital, il a cru bon de passer un test de dépistage pour s’assurer qu’il n’était pas atteint de la COVID-19. Il a été soulagé par son résultat négatif.

Un bilan nécessaire

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Dans un monde parfait, un grand nombre d’installations comme celles de l’aréna perdureraient même après la crise. « Beaucoup de choses sont de compétence provinciale. Il y a un important post-mortem à faire après cette pandémie. Ça a mis en lumière des besoins criants », affirme Pierre Lessard-Blais. « Après cette crise, on ne sera plus les mêmes. Tout comme on réalise à quel point on s’occupait mal de nos aînés, on se rend compte des lacunes par rapport aux centaines de gens qui vivent dans l’espace public », juge Serge Lareault.

Un défi parmi d’autres

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Touchés par des problèmes de drogues ou de santé mentale, les sans-abri souffraient déjà avant la pandémie. « Nous, on trouve que la COVID, c’est grave. Pour eux, c’est une chose parmi tant d’autres. Ils sont donc moins attentifs à leur santé, on doit leur rappeler les règles de distanciation », explique Serge Lareault.

Trottoirs vides

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Depuis le 6 avril, Michel Caron s’est retrouvé dans la rue. Il vivait déjà avec une dépression majeure, et la crise actuelle ne lui a pas fait de cadeau : anxiété, soucis personnels, difficulté à joindre les deux bouts pour payer son loyer. Il peine à s’adapter à sa nouvelle réalité. Surtout quand les trottoirs sont vides. « J’essaye de quêter des sous, mais le peu de gens que je croise, ils ne comprennent pas. C’est très difficile pour les itinérants », explique-t-il, quelque peu soulagé de se trouver à l’aréna mercredi matin.

Une cible facile

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Gare à la stigmatisation, plaide Serge Lareault. « Des appels sont logés au 911 et visent des sans-abri. Certains viennent d’une peur déraisonnable, car beaucoup les voient comme des personnes systématiquement infectées. » L’agressivité monte d’un cran chez les toxicomanes, car l’accès aux substances est restreint depuis quelques semaines. « On reçoit des gens en période de sevrage. »