(Québec) Parfois, Saïd Akjour ressent de la douleur dans son épaule gauche. Ça peut survenir à tout moment, lorsqu’il est au repos ou lorsqu’il aide un aîné à marcher dans l’unité gériatrique où il travaille.

Saïd Akjour a reçu une balle en pleine épaule le 29 janvier 2017, quand un meurtrier a fait irruption dans la Grande Mosquée de Québec. Il s’agissait de quelques centimètres… La frontière entre mort et survie est bien mince.

Par les temps qui courent, Saïd Akjour trouve du réconfort dans son métier de préposé aux bénéficiaires. Il l’exerce depuis dix ans, le plus souvent en CHSLD. C’est un métier dur, qu’il cherche à quitter. Mais durant la pandémie, il lui semble plus essentiel que jamais.

« Que je puisse sortir et aller travailler, je me sens chanceux. Je peux être utile. J’essaye de passer du temps avec ces aînés qui ne peuvent pas voir leurs proches, explique Saïd au bout du fil. J’essaye d’aider ceux qui réapprennent à marcher. Ça m’apporte un bien-être intérieur. »

Avant le début de la pandémie, l’homme de 47 ans était retourné aux études, en bureautique. Quand l’école a fermé, il a offert plus d’heures. Il voulait aider.

Au Maroc, Saïd était instituteur. Il a étudié en sociologie. Il est arrivé en 2007 au Québec, où son fils est né. L’homme a trouvé dans le métier de préposé, parfois difficile et ingrat, une planche de salut.

Manque de valorisation

Avec les années, les désillusions se sont multipliées. Il y a le manque de personnel, le peu de valorisation, le plus haut échelon salarial qu’on atteint en quelques années, ce qui ne fait rien pour raccrocher les plus anciens…

« Il faut valoriser ce métier-là. Tout le monde part, pourtant c’est un métier essentiel. Les infirmières nous disent : vous êtes nos yeux, vous êtes plus proches des clients. Mais dans le concret, il n’y a pas valorisation. Il y a un mépris du travail de préposé, dans la société, mais aussi auprès des collègues. »

En entrevue, il suggère à François Legault de créer une commission parlementaire sur les CHSLD. Ce qui est arrivé à la résidence Herron, c’est la responsabilité de tous, croit-il. Il soutient, pendant 10 ans, avoir toujours travaillé dans des équipes en sous-effectif.

J’ai vu beaucoup de bons employés partir. À la fin, chacun essaye de trouver une solution pour sauver sa peau.

Saïd Akjour

Lui-même est retourné aux études pour changer de domaine. Il faut bien sauver sa peau, comme il dit. Il travaille maintenant comme préposé trois jours par semaine, dans une unité gériatrique affiliée au CHU de Québec qui ne compte pas de cas de COVID-19.

Mais il jure qu’il n’a pas peur. Il est prêt. Pour lui, il n’y a jamais eu de meilleur moment pour travailler auprès des plus vulnérables.

« Si la maladie arrive, on va composer avec elle. »